Nouvelle saison de la Route du Rock, l’un des meilleurs festivals de rock indépendant en France. Avec cette année, un bonus « temps sec et beau jusqu’au lundi matin » non négligeable, mais aussi une affluence en berne. Les conditions étaient, malgré tout, idéales pour apprécier tous les groupes programmés. Report de ces trois jours malouins.
Le vendredi.
Tout commence très tôt pour cette Route du Rock. Il faut rentrer sur le site à 18h30 pour apprécier la performance des seuls hexagonaux de la soirée, Yeti Lane. Le son est un peu trop poussé pour apprécier la performance à sa juste valeur. Les bouchons offerts à l’entrée, entre un préservatif et un éthylotest (protection à son paroxysme), étaient une bonne idée. Mais ils mériteraient d’être revus.
L’enchaînement se fait dans la douceur. Les anglais Alt-J, sensation très attendue, rappliquent sur scène. Les fans sont déjà dans le fort et signent d’un triangle leur satisfaction (photo ci-dessus). Dommage qu’Alt-J soit encore un peu tendre pour la scène. Trop d’application, trop d’annonces des morceaux à venir. On les laissera mûrir en passant en boucle An Awesome Wave. Dans la douceur toujours, Patrick Watson fait lui montre de son expérience. On appréciera en particulier la partie chantée en formation rapprochée, l’apparition de la scie musicale et la prestation impeccable sur « Adventures in your own backyard ».
Dominique A aura été le temps de la pause déjeuner, autour d’un plat de pâtes. The Soft Moon laissera un peu pantois à l’heure de dormir en prévision des jours à venir. Civil Civic souffrira du son mal maîtrisé pour la petite scène, sur cette soirée. Bien dommage quand la semaine précédente, ils avaient envoyé un set parfait au Lieu Unique, à Nantes. Du vendredi, on retiendra en fait la performance de Spiritualized (photo ci-dessous), juste avant ces derniers. « Hey Jane » en début de set met les choses au point. De profil pendant l’heure de jeu, Jason Pierce, avec son gospel band, signe un show épuré mais au ton juste. Qui finira même en déluge saturé, tête d’ampli à terre. Les oreilles sifflent de plaisir. Voilà la Route du Rock version été 2012 : les « vieux » assurent le meilleur.
Le samedi.
Il faut encore se presser pour ne pas manquer trop de belles choses. Dès 19h15, Veronica Falls est en tête de pont. Moins violent que Savages, qui remporte le prix de la meilleure prestation de la première partie de soirée avec un énervement punk bienvenu, leur pop-rock se laisse apprécier, bière à la main. La soirée monte alors progressivement vers le climax prévu : The XX. À quelques semaines de la sortie d’un nouvel album. Lower Dens place une première décharge, quand le public investie véritablement le fort.
Or, si Lower Dens convainc, il n’en sera pas de même pour The XX. Les anglais offrent un régime sec, en faisant confiance à leur X pour la mise en scène et en appliquant à la lettre leurs compositions. Quelques petits morceaux « exclusifs » pour la deuxième partie du show, quelques variations lorgnant sur du simili dub-step. Sans jamais aller trop loin. Pas même jusqu’au club de l’Escalier, où Jamie XX était prévu pour mixer en fin de nuit. Le set est gentil, honnête, mais n’ose pas assez.
Ce sont donc les « vieux » qui assurent derrière. Mark Lanegan est là pour faire du rock classique, efficace, sans chalalas mais avec de l’envie. Un peu moins d’envie que Breton qui, eux, n’hésitent pas dans les chalalas et jouent parfois la carte de la facilité. Ils perdent au passage le sillon prenant, jouissif même, de leurs morceaux. Il ne faudrait juste pas que cela tourne au vinaigre ou à l’ivresse mal maîtrisée pour eux. S’ils arrivent à rester ce qu’ils ont été en apparaissant fin 2011, c’est-à-dire un groupe généreux, instinctif et irrévérencieux, ils auront tout gagné.
Le dimanche.
La soirée qui ne payait pas de mine, qui aura le public le plus clairsemé, sera aussi la plus satisfaisante. Sans mal-nommée « tête d’affiche » pour booster les ventes, un dernier soir de festival, et des artistes « risqués » comme Colin Stetson, c’était un véritable pari de la programmation. Qui aura réussi au niveau du son, à défaut d’entrées. Que l’on parle de Stephen Malkmus, de Chromatics ou The Walkmen, ce sont trois performances de très bonne facture, et véritablement encourageante pour les deuxièmes.
Le dimanche a notamment profité du plus beau moment du festival, le plus beau moment de la vie : Mazzy Star (photo ci-dessus) plongé dans le bleu malouin, en ombres chinoises, voix surannée et céleste sortant des paysages arboricoles, nuageux ou volcaniques sur grand écran. Mazzy Star marque les esprits, fascine, envoûte. Et met fin à toute envie de voir autre chose.
Désolé Colin Stetson. Après Mazzy, il faut le courage et l’envie d’entendre un saxophone en souffle continu. Nul doute que c’était subjuguant d’entendre tes variations cuivrées. Et il faut réussir à quitter la voix de Hope Sandoval, chanteuse de Mazzy Star, coincée dans la tête. Même The Walkmen, une heure après, n’aura pas réussi à me faire quitter cette voix. Même l’idée de pouvoir passer un moment avec le rock garage batterie-guitare d’Hanni El-Khatib ne fonctionnera pas. Les échos en seront bons. Mais Mazzy Star a gagné. La Route du Rock s’arrête chez eux cette saison. Une belle saison qui en appelle d’autres, espérons-le.
Pour plus de photos sur cette Route du Rock, celles-ci sont disponibles dans une galerie Flickr.
À noter également qu’Arte Live Web met en ligne une grande partie des concerts de cette édition.