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#Interview |La devanture de la Scène Michelet à Nantes n’est plus ! Mais reviendra ?

Le lundi 20 janvier 2020 à 12h49 très précisément, la nouvelle tombe pour le grand public qui n’en savait rien et a d’ailleurs immédiatement réagi sur les médias sociaux : la façade de la scène Michelet, œuvre du collectif Eta Stigma, a été recouverte.

Quand je suis arrivé à Nantes, j’habitais juste à côté au niveau de l’arrêt de tram Saint-Félix. C’était à cette période que la Scène Michelet avait décidé de recouvrir sa façade. À l’époque, c’était en 2017. Sur la place de la petite église le dimanche, quand j’allais à la petite boulangerie chercher mon petit dej’ de fin gourmet que je suis, on y entendait des débats capitaux, virulents : Fillon devait sûrement être innocent d’une part et d’autre part, cette devanture était in-ac-cep-table aux yeux de la mafia catholique (et naturellement bien-pensante) du coin. Ah ça, des préoccupations citoyennes, il y en avait, je vous le dis sans crainte.

L’occasion pour nous de poser quelques questions sur le sujet à Olivier Piard, le responsable du café-concert, qui a d’ailleurs pris soin de publier un communiqué officiel sur le sujet.

Il y a eu énormément mais surtout de vives réactions sur le sujet sur vos réseaux sociaux. Tout le monde se demande : « Est-ce la ville qui a donné l’ordre de recouvrir la fresque ? ». Qu’en est-il vraiment ?

Ce n’est pas la mairie qui a demandé ça, je te rassure. Le projet de cette fresque, c’était en fait qu’elle soit éphémère. J’avais le secret espoir qu’elle soit laissée, mais on avait aussi notre lot de détracteurs. Il faut être honnête, quand on a proposé le projet, si la ville n’était pas à gauche elle aurait été effacée immédiatement. Peut-être même qu’elle n’aurait jamais existé. Nantes est une ville ouverte et tolérante sur la culture. Normalement, on n’avait le droit d’avoir la fresque que pendant 18 mois et on a largement dépassé le créneau initial avec leur tolérance.

Quel a été votre rapport avec la mairie ?

D’un point de vue qualitatif : très bon. On a organisé pas mal de concertations ensemble. Il n’y avait en rien dans notre relation ce dessin que beaucoup pourrait imaginer de la méchante et austère autorité contre les gentils tenanciers d’une salle de concert. Rien de tout ça. Nos rencontres servaient à trouver ensemble les bons compromis et cela s’est fait dans les deux sens.

Et dans le quartier, comment cela a été perçu par les résidents ?

Il y a eu de tout. Des réfractaires évidemment, mais beaucoup se sont aussi appropriés la fresque, comme une attraction, une curiosité dans le quartier. Je parle des résidents, pas des clients, ni des metaleux. On voit que le recouvrement de cette façade a suscité énormément de réactions, on ne s’y attendait pas, on ne l’avait pas du tout ne serait-ce qu’imaginé. Même quand le Hellfest partage l’un de nos posts, ça n’est jamais allé aussi loin en termes de vues et de réactions. C’est allé très loin au-delà de la capacité de nos comptes. Derrière, j’avais l’espoir secret que la fresque pourrait être gardée. Mais ce n’était pas prévu comme ça, la mairie nous avait donné des délais, qu’on a dépassé d’ailleurs et ils ont été très tolérants vis-à-vis de cela. Mais la Scène Michelet tient sur cette politique de compromis. Si t’y vas frontalement, tu respectes plus aucune règle et tu ne dures pas. Le lieu a 13 ans aujourd’hui et c’est grâce à cette entente cordiale qu’on a avec la mairie. Et pourtant à l’époque c’était pas gagné. On a ouvert en 2007. À l’époque il n’y avait pas la locomotive Hellfest qui a changé l’image des musiques extrêmes et alternatives et de ceux qui en écoutent. Si on a tenu, c’est grâce à cette force d’intégration qu’on a déployé et à laquelle on tient pour que l’aventure continue.

La façade de la Scène Michelet de 2017 à 2020

Qui dit éphémère dit parfois renouvelable… ?

Je t’avoue que cette fresque c’était une fierté. Si elle avait pu être fixe, je n’en aurais été que plus heureux. Ça me fait chier de la recouvrir à titre personnel. On l’avait faite pour les 10 ans du café… Du coup on se dit, pourquoi pas aussi pour les 15 ans ? Pour les 20 ans aussi si on est encore là ? Parce qu’on voit bien que ce qu’on a fait a plu, à nous, mais aussi au public et aux riverains. Pas à tous, et le garde en tête aussi. Après on s’y attendait et on a un peu joué avec le feu. Le projet, c’était de faire une façade en rouge et noir… On est restés volontairement vague sur le sujet. Tu vois le résultat, la fresque était assez marquée esthétiquement, tout le monde n’avait pas forcément imaginé un truc aussi fort… Mais comme je te le disais, tout ça n’aurait probablement jamais vu le jour si la ville n’avait pas cette politique culturelle comme on la connait aujourd’hui.

Tu penses que vous n’auriez pas pu faire cette fresque ?

Tu vois, Laurence Garnier qui est à l’opposition quand elle est arrivée le premier truc qu’elle a fait c’est sucrer les subventions qu’on avait décroché pour organiser quelques petits festivals annuels et de supprimer les aides pour le centre LGBT. Tu vois que ça peut être violent dans l’opposition. Malgré cela, la mairie nous soutient à notre niveau. On n’a pas le poids d’un Stéréolux, d’un Voyage à Nantes… On a fait ça à notre manière avec des réseaux alternatifs et c’est aussi une grande fierté. Les politiques nous aident, mais on rentre pas dans tous les clous pour avoir un plus grand soutien encore.

Quelle est ta réaction face à celles engrangées sur vos médias sociaux ?

On fait, on ne se l’était jamais imaginé avant, on a compris que cette façade était devenu symbolique, que les gens se l’étaient appropriée, qu’ils s’y était attachés. On peut même parler de totem de ville. La Scène Michelet est peut-être devenue quelque chose de plus qu’un simple café-concert de quartier, mais une adresse de la ville quoi, même si c’était identifié à notre style musical. Mais tu vois quand je te parlais de compromis, on n’a pu garder notre devanture intacte, on a gardé les volets, mis une couleur sombre… On ne nous a jamais demandé de nous fondre dans le décor non plus ! Je serais de très mauvaise foi de dire qu’il n’y a pas d’entente possible à Nantes avec la mairie. Je me ballade pour le travail dans plein d’autres villes de France, Nice, Marseille, Toulouse… Où on ne trouve aucune politique de concertation, de discussion, où tout va la plupart du temps dans le répressif et encore plus pour le milieu metal. Le vivre ensemble à Nantes est cohérent. On est quand même dans un quartier historiquement très catholique et on comprend aussi que ça ne plaise pas, que le quartier appartient à tout le monde et que chacun peut avoir un mot à dire. Donc c’est bien qu’on ait pu garder la fresque quasiment deux ans. Cette façade n’était quand même pas neutre du tout, provocatrice quoi !

Quelques éléments ont été conservés après les travaux

S’il y en a une prochaine, est-ce que vous incorporeriez de la concertation dans le cahier des charges au moins esthétique de la prochaine fresque ?

Vu l’emballement qu’il y a eu, je pense que oui parce que si elle devient un symbole de ville ce serait idiot de faire juste notre tambouille sans questionner les autres. C’est un gros budget, mais si pour les 15 ans du café on arrive à en refaire une alors oui on devrait, je pense, inclure un peu de concertation avec la ville et les résidents. Après on est content de cette première parce que ça a aussi permis au collectif en charge, Eta Stigma, d’exprimer leur art jusqu’au bout. D’ailleurs c’était une création totale, moi-même je ne savais pas ce qu’ils allaient faire. Mais tu vois les graffs dans la terrasse, c’est pareil ils changent régulièrement parce que ça n’a aussi pas vocation à être éternel.

Finalement l’idée de fresque éphémère est quelque chose que tu avais souhaité ?

Oui et non, si on avait pu la garder plus longtemps j’en aurais été vraiment très heureux. Mais je sais voir les à-côtés. Là les travaux ont permis de rafraichir les murs, de fédérer autour d’un projet, de créer quelque chose dans le quartier et ce qui est cool, c’est qu’on va peut-être recommencer et ça, ça me botte tu vois ! J’aurais juste aimé que l’autorisation aille plus loin pour qu’on envisage des cycles de 5 ans, des cycles anniversaires quoi. Mais ça dépendra beaucoup de ce qui va se passer aux municipales… Moi ma trouille bleue c’est si l’opposition passe, je vois pas comment on pourrait recommencer cette histoire. Je vais encore te parler des débuts du café en 2007, quand on a ouvert le metal c’était pas bien vu. Satanisme et proxénétisme voilà ce que ça renvoyait encore comme image. Et pourtant on a eu le soutien des élus de quartiers et heureusement d’ailleurs ! À l’époque des chevelus avec des blousons en cuir c’était choquant, aujourd’hui tout le monde s’en fout, c’est normal, c’est courant, c’est même un style cool tu vois ? J’oublie pas d’où on vient et je sais que si on est encore là aujourd’hui, ce n’est pas que dû à notre travail d’acharné. C’est pour ça que j’ai fait ce communiqué, beaucoup de gens pensent que c’est une décision de la mairie que de repeindre ce mur alors que pas du tout. C’est important de rétablir la vérité dans ces moments-là.

Nouvelle fresque voudra dire évolution du café ?

Peut-être, si le café a évolué ce n’est pas que de notre fait aussi, ce n’est pas à nous seuls de dire qu’il évolue ! C’est pour ça que les gens se sont appropriés la fresque. Quand on a commencé, on était très connoté DIY, alors qu’aujourd’hui on est devenu un lieu de passage fort pour des groupes, inclus dans des tournées mondiales, on a deux associations résidentes, des tourneurs qui nous contactent et on ne peut même plus accepter tout ce qu’on nous propose, forcément on s’institutionnalise aussi quelque part à notre niveau. Quand je me balade, tout le monde connait ce bar, parce qu’ils y sont allés, parce qu’un groupe y a joué. Mais en interne aussi la cohésion grandit et dure dans le temps. Parce qu’il y a cette entente à tous les niveaux qu’on alimente. Autre exemple, les voisins se plaignaient du bruit dans la terrasse le soir, on a tout de suite proposé un compromis : fermeture plus tôt en semaine et dès le jeudi on la ferme un peu plus tard à minuit. On pourrait, si on le voulait, la fermer tous les soirs à 1h30. Mais c’est ça vivre ensemble ! Et pour ça Nantes je trouve qu’on y est bien. Si on était à Bordeaux, Toulouse, Nice ou Marseille on se serait tapé une pression locale, des amendes, peut-être une fermeture administrative j’en sais rien à cause d’une fresque comme ça. Là à Nantes des combats sont déjà gagnés pour la culture. Écoute bien, dans notre quartier catholique ou le mètre carré est le plus cher de la ville, on a des résidents qui viennent ici avec plaisir pour s’encanailler tu vois, de mon expérience tu verrais pas ça ailleurs ! Ils viennent boire la bière, pas forcément allé aux concerts mais profiter de l’ambiance ici, enfin tu vois quoi, certains nous ont bien intégrés, à nous d’être à l’écoute aussi.

Quel serait ton rêve pour la prochaine devanture ?

Pourquoi pas pousser le bouchon et faire un truc avec le Voyage à Nantes ? M. Blaise si vous m’entendez, ce serait quelque chose qui me plairait énormément ! Vu le travail qu’ils sont capables d’accomplir ce serait monstre, même d’ailleurs qu’ils ne nous préviennent pas, le côté surprise à la Royal Deluxe ce serait vraiment, mais vraiment génial. En plus on peut se poser la question, est-ce que le Voyage à Nantes est fait que pour les touristes ou peut-il aussi profiter aux nantais ? Faire un truc dans un quartier résidentiel ça pourrait être intéressant à creuser. D’ailleurs, rien à voir ou presque, on a aussi été sollicités pour les Folles Journées. C’est tombé sur un très mauvais timing, j’étais d’ailleurs pas là, mais un mélange classique et metal, sans faire dans le metal symphonique avec un clavier mais un vrai orchestre, ce serait super.

Fin.

Merci à Olivier pour cette interview ! On se recroisera à l’occasion des nombreux concerts programmés dans ce lieu devenu culte.

Site officiel de la Scène Michelet

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