Tagada Jones – TRNT Best-of 1993-2023

Les Tagada Jones bourlinguent sur la scène française depuis trois décennies. Une longévité exceptionnelle voire rare pour un groupe de rock, bien que ce dernier n’ait pas été épargné par les inévitables changements de line-up. Affichant désormais une discographie foisonnante de plus de dix albums et de multiples autres objets – disques live, compilations etc –, les bretons ont souhaité à l’occasion de cet anniversaire proposer une synthèse de leur carrière. Mais plutôt qu’un « simple » best-of, le quartet a abordé l’exercice en réenregistrant une sélection de morceaux représentatifs, le tout accompagné d’un inédit dans la plus pure tradition Tagadesque.

16 titres, 54 minutes de musique. Les Tagada proposent avec ce TRNT un voyage musical de 30 ans, des premiers jours – « Hold-up », 1995 – jusqu’aux hits les plus récents. L’occasion de constater à quel point le groupe a pu évoluer, partant d’un punk-rock in your face et cheminant à l’envie vers un son parfois plus hardcore, tantôt presque metal. Le secret de la longévité du quartet tient probablement pour partie à son aisance à parler aux différents publics de la scène alternative. Mais pas que. Tagada Jones, c’est surtout un sens monstre de l’efficacité et du gros titre fédérateur. A ce titre, ce best-of rassemble tous les hymnes qui ont raisonnés dans les tympans des afficionados de rock ces dernières années : « Combien de temps encore », « Je suis démocratie », « Le feu aux poudres » et bien évidemment « Mort aux cons », qui semble être devenu leur morceau incontournable. Chez Tagada, il y a le fond et la forme. Musicalement, les quatre gars envoient le bois avec une frénésie électrisante. Pas de mid-tempo ni de mélancolie mielleuse. Même s’il n’a jamais hésité à expérimenter de ci et là – notamment lors des années passées avec Gus, qui intervenait au chant et aux machines –, le groupe est resté fidèle à ses racines punk. Moyennant peut-être quelques abus de « la-la-la » et autres « oh-oh-oh ». C’est pardonnable, les paroles étant d’excellente facture et restant malgré l’âge de certains morceaux tristement d’actualité.

Ce disque anniversaire est-il indispensable ? Oui et non. Il s’agit clairement d’une excellente porte d’entrée dans l’univers et l’histoire de la formation, comme tout bon best-of qui se respecte. Tagada Jones n’étant pas une formation « commerciale » – le groupe, malgré sa visibilité, est signé en indé et ne s’adresse pas au grand public –, les bretons n’avaient aucune véritable obligation lors du choix du menu. Le track-listing a simplement été constitué de morceaux que les musiciens souhaitaient jouer sur la tournée à venir. L’intérêt de la galette réside par ailleurs dans le dépoussiérage effectué en studio. Le quartet a tout ré-enregistré, dans un esprit « live » pour les voix – quasi en une prise pour chaque titre –, ce qui offre une belle cohérence entre les morceaux et a permis de discrètes corrections lorsque cela s’avérait nécessaire, notamment les machines qui ont été retravaillées et modernisées. Mais surtout, les Rennais offrent ici des versions soutenues par des cordes où/et par les tonitruants Bidons de l’An-fer. Ces nouveaux arrangements ne concernent pas toutes les compos, mais s’invitent sur une bonne moitié du disque, parfois avec un impact certain en ce qui concerne les percus. Le choix pourrait sembler casse-gueule pour le volet sympho, mais les cordes ne débordent jamais de façon déraisonnée sur les riffs et n’altèrent en rien la puissance de l’ensemble.

TRNT offre une balade bien énervée à travers le temps. Entre morceaux cultes, du 100% inédit – le fameux « Le poignard » – et des semi-nouveautés, il y en a ici pour tous les goûts. Si les die-hard fans qui possèdent la disco complète auraient certainement préférés s’envoyer un véritable nouveau disque, cette compilation permettra de patienter avant un « véritable » album que les Tagada Jones souhaitent enregistrer dès l’année prochaine.