Signés depuis leur album précédent (Within Dividia, en 2004) sur Relapse Records, The End n'a désormais plus grand-chose à rapprocher des musiques extrêmes d'ordinaire distribuées par le label. Trois ans auront été nécessaires à la composition de ce troisième album, de longs mois qui n'auront pas été sans conséquences sur la qualité de l'ensemble tant celui-ci parait minutieusement réfléchi.
Il reste relativement rare d'avoir à faire à une telle mutation, en particulier dans le milieu des musiques surexcitées. The End l'opère néanmoins avec une remarquable audace, redéfinissant totalement son identité et son approche de la musique, au risque de tourner le dos à une écrasante majorité de ses anciens supporters. Car si la dimension post-rock était très légèrement présente et assez insignifiante par le passé, celle-ci se voyait compressée entre les influences nettement plus énervées telles que le grind ou le death. Il en est tout autrement pour Elementary, beaucoup plus mélancolique et posé (en témoigne la poignante ballade de conclusion « And Always… »), débordant d'ambiances atmosphériques et de mélodies nettement plus accessibles, sans que ce choix ne puisse pour autant s'apparenter à une quelconque tentative de lissage des morceaux. Il est certes probable qu'avec ce troisième album The End parvienne à toucher un public très différent, mais l'ingéniosité des structures de chaque morceau tend à prouver que la formation n'opère à aucun moment un changement visant à atteindre une plus grande notoriété. Le quintet entre désormais dans la catégorie des groupes que l'on ne peut se résigner à classer dans une unique et restrictive catégorie, tant Elementary témoigne d'une incroyable richesse musicale. Proche par certains aspects des dernières tribulations sonores d'Isis ou Cult Of Luna (« Animal »), dérivant le morceau d'après vers des tirades légèrement plus proches de son passé (« Dangerous »), The End fusionne violence et ambiances ouatées sans manquer à aucun moment de cohérence.
Elementary est néanmoins loin de s'apparenter à une œuvre soporifique, se révélant même sur son intégralité d'une beauté à toute épreuve. Les canadiens conservent un certain goût pour la saturation, mais évitent simplement d'employer les riffs de guitares agressifs sur la totalité de la composition. La violence arrive le plus souvent après un passage atmosphérique enveloppé de brouillard (« The Moth And I », « Throwing Stones »), ou inversement, les variations d'ambiances déclanchant immanquablement chez l'auditeur une foule de sentiments divers. Adapté en conséquences des profondes évolutions opérées pour les instrumentations, le chant d'Aaron Wolff se montre bien plus polyvalent et travaillé. Les tirades hurlées arrachées se veulent toujours aussi efficaces (« Dangerous », le virulent « Awake ? », l'un des titres les plus puissants de l'album), mais le frontman livre en parallèle une prestation ébouriffante en matière de chant clair. Profond, intense et superbement juste, ces incartades mélodiques trouvent logiquement place sur les ambiances les plus éthérées, précédant de quelques pas une rage assommante.
Parler d'album de la maturité ne sera pour une fois pas superflu. Avec Elementary, The End se détache peut-être d'une quelconque mouvance musicale, mais accouche d'un extraterrestre d'une rare intensité. Les canadiens ont su prendre des risques, on ne pourra aujourd'hui que les acclamer.
.: Tracklist :.
01. Dangerous
02. The Never Ever Aftermath
03. Animal
04. The Moth And I
05. Throwing Stones
06. My Abyss
07. Awake ?
08. A Fell Wind
09. In Distress
10. And Always…