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Ragana – Desolation’s Flower

J’ai découvert Ragana sur le split qu’elles avaient produit avec Thou – un groupe que j’aime beaucoup – « Let Our Names Be Forgotten ».  J’avais à l’époque trouvé leur sludge répétitif et crade, imprégné de black metal, hyper percutant.

Cinq années et quelques EP et albums plus tard, le groupe n’a pas beaucoup changé. Les musiciennes viennent de l’Etat du Washington, et je vous l’assure : ça s’entend. En effet, si cet Etat est connu pour ses forêts immenses, ses pluies diluviennes et ses bûcherons patibulaires, il aura surtout vu naitre pas mal de groupes particulièrement sombres. Le duo, composé de Coley à la guitare et de Maria à la batterie, nous propose Desolation’s Flower, un LP minimaliste (ça joue souvent sur une toute petite poignée de notes), sale et au premier abord très dépressif. Mais il ne faut pas s’y tromper. Les deux musiciennes queers sont très engagées, et il s’agit moins de tristesse que de révolte. Ragana déploie une saine colère, qui s’érige comme un ultime mais dérisoire rempart face aux replis identitaires et réactionnaires qui empoisonnent notre époque.

Le morceau qui ouvre l’album et qui partage avec lui son titre – Desolation’s Flower – pose le décor : brumeux, répétitif, alternant calme et tempête, avec un discours engagé.

Ragana explique que leur album est pensé comme « un hymne de gratitude pour les ancêtres queers et trans, connus ou inconnus, par le sang ou par affinité, dont la joie et la survie rendent nos vies possibles, et dont la mémoire nous inspire et nous aide à résister à la marée de haine et d’oppression de plus en plus visible ».

Des moments de rages pures (« DTA ») alternent avec des moments de contemplation mélancolique (« Ruins », « Pain »), souvent sur le même morceau d’ailleurs – et notamment sur le premier et le dernier morceau, qui alternent dans un même mouvement violences et répits. Ces deux pôles émotionnels se répondent avec perfection et sont en cohérence avec leurs influences revendiquées : la folk sombre de Mount Eerie et le black metal de leurs voisins de Wolves In The Throne Room. Coley hurle, donc, et nous prend aux tripes ; Maria chante d’une jolie voix cassée, un peu grunge. Les deux nous partagent leurs émotions avec sincérité.  Bipolaire, l’album reste finalement parfaitement cohérent.

“Death to America and everything you’ve done. I can’t feel anything, I am numb,” (DTA, très engagé)

A la fin de « In the Light of the Burning World », qui clôt l’album avec un dernier accès de fièvre, on entend le ressac de quelques vagues. Ragana semble s’éloigner sur son petit bateau, sans espoir de retour –. Le monde est détruit par la haine, par la bêtise, et les deux rebelles s’en vont, seules, sans se retourner. Elles sont belles.

Tracklist

01. Desolation’s Flower
02. Woe
03. Ruins
04. Dta
05. Winter’s Light Pt. 2
06. Pain
07. In the Light of the Burning World

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