Malgré un court EP (This Present Darkness en 2000) qui rencontrera un franc succès localement, personne n'attendait véritablement ce premier opus de Chimaira. Pourtant, tout le monde le prendra en pleine face lors de sa sortie. Même Kerry King, d'ordinaire si critique envers la nouvelle scène Américaine, ne tarit pas d'éloges concernant ce Pass Out Of Existence. C'est dire si Chimaira avait déjà (et avec guère plus de trois années d'existence au compteur) toutes les cartes en mains pour s'imposer.
Car si ce premier essai ne possède pas encore la force de frappe des albums qui lui succèderont, il n'en demeure pas moins redoutable. Taxé de Metalcore lors de son arrivée en rayonnage, Pass Out Of Existence n'a pourtant guère de points à rattacher à une formation comme Killswitch Engage, qui explose parallèlement à la même époque. Chimaira livre quatorze brûlots qui ne font preuve d'aucune concession, dosant sa facette mélodique avec une réelle parcimonie, rendant au passage sa musique moins accessible mais nettement plus intense. En témoignent les lignes vocales du hurleur en chef Mark Hunter, posées sur bandes comme un véritable exutoire. Le frontman embrume le travail instrumental de ses compères dans une noirceur totale et complète (l'impressionnant « Dead Inside », sur lequel Mark semble déballer tous ses sentiments les plus sombres), s'époumonant et vociférant autant qu'il lui est possible sur des paroles totalement personnelles et sincères. Cette âme ténébreuse parvient à instaurer un climat véritablement malsain en alternant avec brio les hurlements sur un registre clair aérien, qui bien que relativement rare vient s'insérer à merveille entre deux grognements (l'excellent « SP LIT », « Pass Out Of Existence »), ou encore en usant de tirades parlées afin de rétablir le calme le temps de souffler quelques secondes (« Painting The White To Grey », « Forced Life »).
Le résultat est d'autant plus appréciable que la section instrumentale fait preuve d'une efficacité et d'une cohésion assommante. Certes, rien de bien neuf et d'original sous le soleil (noir), mais une envie de bien faire les choses difficilement contestable, et un terreau sonore particulièrement bien semé pour le leader de la troupe. Les instrumentations s'accordent en effet à merveille au chant, oscillant constamment entre une hargne sévèrement burnée (l'énorme « Let Go » d'ouverture) et passages plus mélodiques, en particulier à l'occasion de quelques ponts ou refrains sur lesquels la voix s'adoucit (« Dead Inside », « Options »). Les musiciens de Chimaira ne laissent à aucun moment retomber la tension, contribuant pleinement au climat oppressant amené par le chant de Mark. Le groupe intègre de nombreuses influences thrash old-school, tout en conservant un son moderne et attrayant, habillant discrètement les instrumentations d'une petite pincée de samples. Les riffs percutants s'enfilent les uns derrières les autres, la section instrumentale faisant preuve d'un niveau technique plus qu'acceptable, en particulier en ce qui concerne les parties de batteries absolument monstrueuses d'Andols Herrick. On sent néanmoins le binôme de guitaristes formé à l'époque par Rob Arnold et Jason Hager capable d'encore bien plus.
A défaut d'être la meilleure pierre apportée à l'édifice construit par Chimaira, Pass Out Of Existence pose déjà des fondations plus que solides. Le style est déjà là, même si le groupe semble encore craindre d'innover. Un petit défaut qui se verra rapidement corrigé par la suite.
.: Tracklist :.
01. Let Go
02. Dead Inside
03. Severed
04. Lumps
05. Pass Out Of Existence
06. Abeo
07. SP LIT
08. Painting The White To Grey
09. Taste My…
10. Rizzo
11. Sphere
12. Forced Life
13. Options
14. Jade