Est-ce que vous pouvez nous présenter un peu ce qu’est le Bal Des Enragés?
Vx: C’est pas une tournée déjà, c’est Koh Lanta!
Poun: Nan il y a une vraie histoire, que Niko raconte très bien.
Niko: Ce soir (le 24 juillet, NDLR) c’est un peu spécial car on fête les un an pile poil de la création du Bal! Tout à commencé il y a un an à Malestroit, au festival du Pont Du Rock. Il faut savoir que le festival avait été annulé une année, suite à des intempéries, donc tu sais comment ça se passe dans ces cas là, la structure a été chamboulée, il y a eu des licenciements… donc on a fait un concert de soutien avec Les Caméléons, et l’année d’après ils nous ont donné une carte blanche de deux heures pour les vingt ans du festival, et comme le thème c’était un peu l’alternatif, on leur a proposé de faire une heure de Tagada Jones, et une heure de reprises, mais pour que ce soit plus sympa, avec des invités, les gens avec qui on croise souvent le fer sur les tournées. Donc on a envoyé les invitations, ça s’est fait, et quasiment tout le monde est venu. Pour la première, on a répété la veille, on ne savait même pas précisément ce qu’on allait jouer, donc c’était un grand bordel, qui perdure d’ailleurs depuis! Et ça s’est tellement bien passé, que ce soit avec le public ou entre nous, qu’on s’est tous dit pourquoi ne pas remettre le couvert? La petite particularité du Bal c’est que en plus de rendre hommage aux groupes qui nous ont donné envie de monter sur scène, à chaque nouvelle chanson l’équipe complète de musiciens et de chanteurs change, et ça c’est un concept que les gens n’ont pas l’habitude de voir sur scène. En tout cas le côté bordel de l’histoire a l’air de plaire aux gens! Donc voilà, là on fait les festivals d’été, et puis on s’est dit qu’une petite tournée par an ça pourrait être pas mal, pas tout le temps car on a tous des groupes à côté, mais que c’était envisageable.
Quand vous êtes monté sur scène la première fois avec tout ce monde, vous vous imaginiez être encore là un an après?
Vx: Mais si on s’était imaginé, jamais on n’aurait accepté! (rires)
Poun: Moi Niko quand il m’a appelé, il m’a dit: Damny ne peut pas être là pour la tournée de février, ça te branche de partir avec nous? Donc lors de cette tournée d’hiver, moi j’avais un creux avec Black Bomb A à cette période là, donc j’ai accepté direct.
Vx: C’est surtout parce que t’aimes la neige et moi j’aime pas trop ça.
Poun: Ouais c’est ça! (rires)
L’essentiel des reprises que vous faites sur scène tourne autour du punk, pourquoi ce style plutôt qu’un autre?
V: Parce que le Punk!
N: Disons que sur la liste des morceaux que l’on joue, c’est un peu le point fédérateur de tous les groupes.
Mais il y a le métal aussi comme point commun entre les groupes?
N: Il y a du métal aussi dans nos reprises, mais c’est vrai que c’est arrivé par la suite.
P: Le premier concert, bon je n’étais pas là mais je me permets d’analyser un peu la chose, vous aviez surtout repris des trucs assez basiques, ou classiques du style des Sex Pistols ou des Clash que tout le monde connait, et après quand le cercle s’est élargi, on s’est dit tiens, ça serait bien d’incorporer ça ou ça.
Damny: Ce qui est cool c’est que comme il y a plusieurs chanteurs, chacun a un peu son registre, son truc dans lequel il est le plus à l’aise, et ça permet d’amener un peu de variété dans le spectacle.
N: Diversité d’ailleurs car c’est interdit le mot « Variété » dans Le Bal, merde Damny! Relis ton contrat page 12, bordel! (rires) La problématique du truc, c’est que le premier concert a duré une heure, mais après qu’on a lancé la tournée on s’est dit qu’on pouvait jouer plus longtemps, donc le dernier concert, par exemple, a duré 2h30 voire 2h40! Donc on a vachement élargi le truc, car au début on tapait vraiment dans les trucs les plus anciens, et après on s’est dit qu’on pouvait jouer plus de choses différentes et que chacun y trouve son compte, autant les artistes que le public. Le principe du Bal c’est aussi qu’on peut y venir de 7 à 77 ans!
D: C’est vrai que le mec qui a 20 ans aujourd’hui qui va venir nous voir, il a pas forcément passé sa vie à écouter du Stooges ou du Sex Pistols, mais plutôt du Rammstein ou du RATM.
C’est aussi une manière de faire découvrir à un public plus jeunes les standards alternatifs?
D: Ouais exactement, mais c’est aussi parce que Le Bal n’est pas un truc fermé, il y a du punk, du métal, du Rock, de l’Indus…
N: Et puis il y a des trucs vraiment atypiques dans Le Bal, comme notre reprise de Rammstein justement, c’est Schultz, le chanteur de Parabellum qui la fait! Si tu veux, pour les gens qui connaissent Parabellum, même s’ils ne connaissent pas Rammstein, je pense que ça vaut le coup d’oeil de voir Schultz chanter Rammstein!
V: Ah ouais carrément!
Ce n’est pas trop compliqué de jongler avec les emplois du temps de chacun pour organiser la tournée du Bal?
N: Non parce que on a été un peu perfides, on a appelé pour dire qu’on annulait les concerts des autres groupes! (rires)
P: Ah c’est pour ça qu’on a pas joué l’autre jour là? Nan mais sérieusement, on est tellement nombreux maintenant dans Le Bal que lorsqu’il y en a un qui ne peut pas venir, ou même qu’il y en a 3 ou 4 qui doivent aller jouer avec leurs groupes respectifs, il en reste quand même une quinzaine pour monter sur scène!
N: Nan mais c’est assez souple aussi, par exemple quand on était sur la tournée et que Vx avait des concerts avec Punish Yourself, il s’absentait pour faire les concerts avec son groupe, sans que ça ne pose de problème. Généralement ça ne bloque pas les emplois du temps des uns et des autres.
Au niveau du choix des morceaux, comment ça se passe?
N: Bah déjà il y a Internet, c’est formidable pour ça!
D: Moi de par mon expérience, quand Niko m’a proposé ça, il m’a dit voilà, on joue ça, il m’a donné la setlist de ce qu’ils jouaient déjà, et m’a dit propose nous en cinq et on en choisira là-dedans. Et tout le monde a ramené des morceaux, et on a jaugé ce qu’il était possible de faire ou non, mais sans prise de tête aucune.
Est-ce que Le Bal Des Enragés est un projet voué à durer?
V: Ouais on va faire ça jusqu’à nos 90 ans, une tournée l’hiver, une tournée l’été… (rires)
Je voulais dire par là, est-ce que c’est un projet qui peut déboucher sur des enregistrements ou des sorties?
N: Il y a un disque live qui est sorti… Nous ce qui nous surprend le plus, si tu veux, c’est que à part faire les cons sur scène car ça c’est assez simple, il y a un vrai engouement de la part du public. Donc il y a beaucoup de gens qui nous demandaient un disque, on a donc enregistré un live qui a dû sorti la semaine dernière, même pas encore en magasin, et il est vraiment pour ceux qui le veulent, on le vend un peu sous le manteau! (rires) Plus sérieusement, pour répondre à ta question à savoir si ça va durer ou non, tant que ça se passe bien et qu’on est sur la route à faire les cons, ça peut être sympa de continuer à faire ça, un mois par an à faire les cakes…
On parle souvent de la faible importance de la culture Rock alternative en France comparée à d’autres pays…
V: Ça dépend, si tu prends l’Ouzbekistan par exemple, on n’est pas mal. (rires)
P: Ça vient surtout du fait qu’il n’y a aucune représentation! Si tu prend Le Bal comme exemple, il n’y a aucune promo, ça se fait que par bouche à oreille et par Internet, il n’y a aucun média qui relaie le truc, tout simplement. Quand tu vas dans d’autres pays, en Suède par exemple, la culture Rock elle est là! Moi en France de toute façon, je ne compte pas sur un leader pour me dire de sortir de chez moi et d’écouter du Rock… mais ça n’enlèvera jamais la passion que tu pas avoir de jouer et d’être sur scène.
D: La représentation de toute façon on s’en branle, l’essentiel c’est que les gens viennent voir les concerts. Là on parle de la France, mais c’est un pays qui socialement, n’est pas enclin à développer ce genre de choses… on est des parasites par rapport à ce qui se passe dans ce pays!
V: Parfaitement! Parasite et fier de l’être!
D: Et en même temps là sur Le Bal, il y a vachement de gens qui viennent donc on se dit qu’il y a pas mal de parasites dans ce pays en fait!
N: C’est une histoire culturelle aussi, les médias français, comme les institutions, ont toujours poussé la chanson française, la variété et pas grand-chose d’autre.
P: Attends, les Inrocks ont écrit un truc sur Le Bal! Ils ont écrit trois lignes sur leur site internet! J’ai halluciné! Eux qui ne parlent que de trucs de branlette indie, là ils ont parlé de nous!
N: Mais à part justement sur le festival de Dour où les médias en ont parlé, sinon les médias ne défendent pas ce genre de musique, ni tout genre un peu extrème.
Mais justement ce manque de représentation, vous avez un début d’explication pour ça?
D: Mais faut voir dans quel pays on vit quoi, bordel! La culture actuelle n’est pas enclin à défendre des trucs sur des mecs en marge, entre guillemets, comme nous! Aujourd’hui, on fait de la musique instantanée, comme on prend un café! Il n’y a que des trucs avec des plans de carrière, etc, faut prendre des pincettes… nous on n’est pas du tout là-dedans, on s’en branle. Donc quelque part, on ne rentre pas dans cette case là.
V: On n’a pas un staff derrière qui réfléchit sur les opportunités ou quoi que ce soit…
D: Nous, et tu vas le voir ce soir, on monte sur scène, on ne sait même pas si ça va bien se passer, si ça va bien s’enchaîner ou quoi, mais on y va tellement avec le cœur et la banane…
V: On n’a même pas d’attaché de presse!
D: C’est pour dire!
J’en viens un peu à l’organisation du truc justement, vous faites tout par vous-mêmes ou il y a une structure qui chapeaute un peu tout ça?
N: C’est fait à la familiale un peu. C’est un peu comme dans les groupes dont les gens font partie, on s’autogère. Il n’y a pas vraiment de gens qui viennent prendre des décisions pour nous.
P: De toute façon, on reprend des titres qui disent des trucs du genre: « Policier moustachu, aime la bite, aimes le cul!» alors qu’on est dans un pays où on fout des putains de caméras à chaque coin de rue, c’est sûr, on ne rentre plus dans la case! Mais en même temps, il y a plein de gens qui ont besoin de ça dans ce pays!
Pour terminer, et puisque c’est une attitude que vous revendiquez ouvertement, c’est quoi être Punk en 2010?
N: C’est de ne pas lire les Inrocks! (rires)
P: Faire ce que tu as envie de faire et ne pas attendre qu’on te donne l’autorisation pour le faire.
D: C’est avoir la crête dans sa tête et non pas sur sa tête!
V: Le Punk ne se définit pas. (silence et rires)
N: C’est en tout cas ne pas recréer les clichés Punk des années 70 mais toujours essayer de faire quelque chose de nouveau…
Merci à Niko, Vx, Damny et Poun pour leur disponibilité, merci à Séverine (Enragés Prod) ainsi qu’ à l’association Artsonic qui nous ont permis de réaliser cette interview.
Interview et photos: Julien Peschaux pour Vacarm.net.