Tagada Jones compte parmi les indéboulonnables de la scène française. En activité depuis plus de deux décennies, les Rennais livrent leurs disques avec une rigueur quasi-métronomique et affichent désormais un casier bien chargé en brûlots punk bien vénèrs. Si le temps n ‘a pas vraiment pesé sur la motivation ou la virulence du quatuor – qui aura malgré tout connu quelques changements de line-up –, tout groupe en activité depuis un petit paquet d’années s’expose inévitablement à la problématique du renouvellement. Leur nouvel opus, A feu et à sang, apporte-t-il quelque chose à l’édifice ? Oui et non.
Musicalement, Tagada Jones a depuis longtemps trouvé sa formule. La formation pratique un punk-hardcore teinté d’influences metal et parfois d’enluminures électroniques. Et le quatuor joue vite et bien. Les bretons n’ont jamais été de ceux qui font dans les concessions : Tagada compose avec le c?ur et l’envie, et cela se sent. Droit dans ses bottes depuis le premier jour, le groupe n’aura jamais bénéficié de visibilité sur des médias plus « mainstream » comme certains compagnons de scène, mais aura su conserver son âme et probablement sa cohésion d’équipe, en atteste sa remarquable longévité. A feu et à sang s’affiche à ce titre comme un Tagada Jones pur jus bon cru. A savoir quatorze petites bombinettes qui filent la banane et misent sur un tempo bloqué sur avance rapide. Si l’on pourra juger que les quatre zicos n’ont jamais revu leur copie en profondeur, ils auront développé avec l’expérience une sacré aisance dans la composition de mélodies qui font mouche. Ce nouvel opus compte à ce titre un beau chapelet de compos dotées de riffs entraînants / « jumpisants », des instrus quasi-festives qui contrebalancent à merveille avec le sérieux du propos. On se surprendrait presque à lever du poing et à scander à tue-tête les « wow-wow » et autres « na-na-na » qui pullulent de ci et là.
Si chacun conviendra que sur la forme Tagada Jones ne réinvente pas sa came, l’actualité dégueulasse lui file clairement la matière à composer un disque qui compte. Ne serait-ce que pour l’acte d’oser le balancer en pleine période de confinement longue-durée de la culture, alors que la formation ne sera pas en mesure de le défendre sur scène avant de longs mois. Difficile à envisager pour un gang qui respire et vit véritablement pour la chaleur du live. Composé et enregistré pour une bonne moité pendant le premier black-out Français, l’album profite des textes bien vindicatifs de son frontman, au top de sa forme. L’ensemble est certes toujours fortement politisé, mais pas que. Niko exorcise également la frustration du confinement et dresse les constats des fonctionnements humains de nos sociétés. En résulte une série de titres vraiment intéressants : « Le dernier baril », « Les autres » ou encore « La nouvelle génération ». Le frontman y est certes critique, mais pas totalement négatif, bien au contraire. L’approche fait plaisir à entendre, à l’heure ou beaucoup se limitent à l’ouvrir pour fustiger gratuitement tout et n’importe quoi dans l’unique objectif de se faire mousser.
Sans faire preuve d’une réelle audace dans l’approche de l’écriture, Tagada Jones signe ici un bon disque. Terriblement actuel, parfaitement efficace, ce A feu et à sang s’appuie sur un bel enchaînement de hits qui péteront comme il faut sur les planches… un jour. Et puis voyons la réalité des choses : toute sortie d’un groupe que l’on apprécie dans le contexte actuel fait un bien fou.
.: Tracklist :.
01. À Feu Et À Sang
02. Nous Avons La Rage
03. Le Dernier Baril
04. Les 4 Éléments
05. Pour L’Amour, Pour La Gloire
06. Elle Ne Voulait Pas (avec Didier Wampas)
07. De Rires Et De Larmes
08. Les Autres
09. Un Lion En Cage
10. La Biche Et Le Charognard
11. L’Addition
12. Zombie
13. La Nouvelle Génération
14. Magnitude 13