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#Chronique | Mantra : « Laniakea »

Chronique pensée et écrite par Simon B.

Trois ans après son premier album Into the Light Mantra revient avec un projet ambitieux, concept-album aux confins du métal progressif. Sur le thème de la préhistoire, Laniakea nous propose une plongée vers les tréfonds de temps immémoriaux pour nous faire vivre l’expérience des premiers hommes, entre chasse, cueillette et rituels chamaniques d’un autre monde.

Et pour ce faire, Mantra nous montre qu’ils n’ont pas chaumé, production impeccable, son binaural en 432Hz, pour un ressenti optimal. Ambiance renforcée par des gazouillis d’oiseaux ou encore l’incantation d’un sorcier-docteur, ajout de percussions variées, de flûte traversière et de piano. L’entité Mantra gagne en ampleur, et c’est parti pour un peu plus d’une heure de musique « tribale » et « transcendantale » (selon le groupe lui-même).

Après une brève piste d’intro aux allures de voyage vers le passé durant laquelle bruits de nature et percussions primitives nous font directement basculer vers une batterie qui réveille déjà l’homo sapiens qui réside en chacun de nous, et la guitare, lancinante nous fait partir vers les hauteurs de la première chanson de l’album, « Marcasite ». La marcassite était un minéral que nos lointains ancêtres utilisaient pour produire du feu. L’être humain n’est plus obligé de redouter les créatures de la nuit car il maîtrise enfin cet élément. Et c’est ce passage justement, cette transition que la chanson nous fait vivre. Le chant alterne entre hurlé, à la lisière du growl vers un final clair transporté par une orchestration lumineuse. Mantra ne cache pas ses influences, et le mot d’ordre ici est « progressif ». Que ce soit du côté rock (Steven Wilson, King Crimson) ou métal (Gojira, Devin Townsend) les morceaux sont longs et profonds et nous sommes déjà emportés pour un intense voyage.

Ensuite « Inner Cycle » grâce à l’addition d’un chanteur supplémentaire (ex-Grorr) s’articulera comme une lente spirale ascendante très « Tool-ienne » qui explosera de plus en plus à mesure du jeu de questions-réponses entre les chants pour nous amener vers un solo de guitare endiablé, joué ici par Flo de Red Dawn. La sauce prend, ces éléments s’incorporant de manière fluide dans la chanson, d’une belle brutalité.

A peine le temps de se remettre de nos émotions que « Pareidolia » vient nous frapper en plein visage (et ça tombe bien la chanson est en écoute ici). Petit point vocabulaire, la paréidolie est ce qui nous fait imaginer des formes connues sur notre environnement visuel. Par exemple, deux cercles au dessus d’une barre ? Un visage. Ne serait-ce qu’en regardant les nuages ou les nœuds du bois vous avez du subir ce phénomène bon nombre de fois. Le morceau, immédiat et plus compressé que les autres, nous fait vraiment cette impression fugace d’avoir vu « quelque chose », où ? Dans les confins des étoiles ? On ne pourra s’empêcher de penser à Mastodon à l’écoute de ce titre, puissant et groovy sur sa première partie pour entrer dans une psalmodie d’instruments et de voix sur sa seconde partie.

Le temps de souffler doucement avec « Faces », léger morceau instrumental qui grâce à sa rythmique tout en douceur de baguettes et son final flûte et guitare acoustique nous permet de mieux nous reposer avant la suite du programme…

C’est alors que nous tombons en plein milieu d’une cérémonie issue d’un paganisme éteint, si l’on en croit les probables sons de calebasse et autres appels fantomatiques alors qu’un chaman s’adonne certainement à une danse rituelle. Le titre de la chanson « Visions in the Cave » est éloquent. Dans un dédale de roche creusée par le temps nous allons avoir le droit à la prise d’une préparation, sûrement à base d’herbes ou de champignons aux propriétés diverses.

Le début est calme, la post-production fait un effet merveilleux, nous faisant entendre toutes sortes de bruits qui renforcent l’atmosphère étrange, à fleur de peau. Puis les choses s’emballent alors que les distorsions des guitares s’allument et nous voilà propulsés entre les riffs et les cassures de rythme, montée expresse vers l’ailleurs. On sait que l’ayahuasca était déjà consommé plusieurs millénaires avant J.-C., nos ancêtres du paléolithique avaient peut-être leurs pratiques quant à l’usage de psychotropes, et qui sait si leur relation au monde, plus sacral peut-être ne leur faisait pas voir certaines choses, hors de nos compréhensions modernes ? Mantra nous donne à réfléchir alors qu’un long souffle éthéré clôt la chanson.

La suivante, « Abred » « est un des plans de l’existence développé par le néodruidisme. Il représente le « monde des épreuves », soit le niveau des incarnations » (selon wikipédia), la balade ésotérique continue. Après un léger passage acoustique le morceau nous prend à contre-pied en implosant à grand renforts d’une basse lourde et d’un chant guttural à souhait. L’énergie ne retombera qu’à de courts moments qui auront tôt fait de nous rattraper vers les profondeurs de l’introspection surtout lors des derniers couplets, quasi-implorant avant la mélancolie sobre d’un piano sous l’orage, qui emporte tout.

Si vous êtes un aficionado de Pink Floyd, alors « In the Wake of the Millions » vous rappellera sans doute les ballades qu’ont pu composer ces derniers. Le bruit des vagues nous apporte ce moment de lumière sans distorsion ou la guitare au son cristallin, les cymbales, le retour du piano et le roulis de la basse nous mettent dans la condition optimum pour le prochain morceau, l’éponyme Laniakea.

« Laniakea » sur la carte de l’univers, c’est là où la flèche montre un petit « vous êtes ici ». Notre système solaire, notre Voie Lactée sont comprises dans ce superamas qui regroupe 100 000 galaxies, autant dire qu’à notre échelle, il est assez difficile de se rendre compte d’un tel gigantisme. Une idée très bien explorée par le très naturel et kaléidoscopique clip vidéo sorti récemment. La chanson nous parle d’un peuple invisible, dont les constructions s’élèvent vers le ciel dans l’angoisse, ayant besoin pour apporter un sens aux contours étranges de la réalité de dessiner à la lueurs de torches des formes d’animaux aux fond des grottes. Perdu au beau milieu d’un univers infini dont les limites ne sont au fond que de l’abstraction. Parfaitement dosé entre rock et métal, cette chanson est peut-être ce que Mantra fait de mieux sur cet album, nous ramener lentement à prendre conscience d’émotions enfouies. Nous faisant retrouver cette sensation primitive qui vient vous gratter l’arrière du crâne et vous fait voir le monde sans prisme explicatif, sans lois physiques, une approche purement sensorielle. Merveilleusement indicible.

Enfin « Dead Sun » vient clore l’album de façon apocalyptique, véritable machine à pogo pendant les cinq premières minutes. Le tempo est rapide et aucun moment de répit n’est laissé au headbang. Les riffs efficaces appuyés du martellement de la basse finissent par s’arrêter et nous laissent enfin du répit. Les sonorités se font aériennes le temps d’un dernier voyage ou la batterie derrière les nappes se fera un plaisir de nous amener aux confins du cosmos. Mais est-ce vraiment terminé? De sèches percussions hypnotiques ferment l’album durant de longue minutes histoire d’être ramenés en douceur vers nos corps physiques.

Pari réussi pour Mantra, dont ce deuxième effort aura su non seulement nous être agréable à l’oreille, de par sa qualité globale, mais aussi sur les plans sensoriel, émotif et intellectuel.

Par son concept sa mise en œuvre, la musique du groupe fait le grand effort d’une prise de risque, celle d’un art total. Espérons que ce genre d’ambition ne les quitte pas. Car à force de maturation, de digérer ses influences et d’explorer son univers, Mantra risque bien de se faire une place dans le paysage du métal prog’ français.
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Tracklist :

01. Dust
02. Marcasite
03. Inner Cycle
04. Pareidolia
05. Faces
06. Visions in the Cave
07. Abred
08. In the Wake of the Millions
09. Laniakea
10. Dead Sun

Retrouvez Mantra sur : Site officielFacebook Bandcamp

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