Les québécois doivent aimer le froid français en ce mois de novembre. Après avoir rencontré les Vulgaires Machins il y a quelques jours, c'est au tour des membres des Trois Accords de se produire sur une scène nantaise. Vacarm a profité de cette tournée hivernale comptant une dizaine de dates pour rencontrer les membres originaires de Drummondville et parler de leur second opus, Grand champion international de course. C'est dans les loges du Ferrailleur que Charles, le batteur de la formation québécoise répond à nos questions, pendant que la première partie se charge de chauffer le public nantais venu en nombre ce soir pour voir le set des Trois Accords. Place à l'interview…
Hervé: Vacarm et les trois accords on pourrait dire que c'est une histoire d'amour franco québécoise. Nous nous sommes déjà rencontré pour notre première interview en Août 2006 dans un festival de Bretagne. Est ce que tu vois de quel festival je parle?
Charles: Si c'était en août 2006 et en Bretagne, je te dirais les Vaches au Gallo.
Hervé: Exact. J'avais un petit indice au cas où ta mémoire aurait fait défaut. Suite à ce concert, un des membres du groupe avait déclaré que c'était agréable de jouer sur une scène où il y avait plus de poubelles que de spectateurs au début du set.
Charles: En effet, il y avait zéro spectateurs et douze poubelles. Mais à la fin du concert, il y avait 800 ou 900 spectateurs. Étrangement le nombre de poubelles était resté identique, donc le ratio a augmenté drastiquement entre la première et la dernière chanson.
Hervé: Votre set débutait à 16 heure donc c'était sûrement un peu tôt pour captiver les festivaliers?
Charles: On avait appris mais plus tard qu'ils ouvraient les portes quand le concert allait commencer. On a donc compris beaucoup de choses à partir de là.{multithumb thumb_width=450 thumb_height=320}
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Hervé: Votre mission «Fromage qui pue» a débutée le 23 novembre, la première date était Lyon. Cette tournée se fait sur une dizaine de dates en France. Avez vous toujours autant de plaisir à jouer dans l'hexagone?
Charles: Oui, il y a des tournées qui sont plus dures que d'autres. Au départ, on avait fait une tournée très cool, on pouvait dormir la nuit en faisant la route. Là, aujourd'hui sous sommes dans un camion à neuf passagers. On roule le jour, on fait les concerts le soir puis on dort à l'hôtel. On est toujours sollicité, on n'a jamais de moments d'arrêts donc c'est un peu plus difficile. En général, on a autant sinon plus de plaisir qu'avant à jouer en France. On commence à être habitué, on commence à comprendre les codes, le fonctionnement… C'est très différent qu'au Canada ou au Québec sur la manière de fonctionner socialement et artistiquement.
Hervé: Cette tournée n'est pas trop fatigante? Il y a seulement dix dates mais vous avalez les kilomètres en peu de temps.
Charles: Non ça va. On est habitué à être dans ce genre de fatigue. C'est une fatigue relativement saine et puis on sait que lors de notre retour à la maison on sera en vacances pendant un bon moment.
Hervé: Votre objectif pour cette tournée est de déchirer la France d'un bout à l'autre.
Charles: Du Nord Ouest au Sud Est.
Hervé: Est ce que sur ces dates le public répond présent?
Charles: Tous les concerts sont complets donc c'est cool. On ne pouvait espérer mieux. Plus que cela il y aurait eu des émeutes à l'extérieur mais on a appris par le passé qu'une émeute ne donnait pas nécessairement de la bonne presse. On essaye d'éviter les émeutes à l'extérieur pour les gens qui ne peuvent pas rentrer. On prend des salles moyennes et on s'arrange pour les remplir.
Hervé: Sur cette tournée vous ne faites que des petites salles. Est ce une volonté du groupe?
Charles: C'est une volonté dans le sens où tourner en France coûte très cher. Puis faire des grandes salles, il faudrait vendre les billets chers pour rentabiliser la tournée donc ça embêterait les fans. On préfère faire des tournées qui nous coutent rien où l'on ne fait pas d'argent mais où les fans sont capables de venirnous voir dans des salles correctes. Pour l'instant, on n'a pas assez de fans pour faires des grosses salles en France.
Hervé: C'est aussi une bonne promo de se produire dans des salles de petites envergures? Le public est tout aussi réceptif et le bouche à oreille a bien fonctionné bien pour cette tournée.
Charles: Oui, le public a l'air d'être content de cette tournée.
Hervé: Vos venues en France sont de plus en plus fréquentes. Notez vous une évolution de l'accueil du public français à chacune de vos nouvelles prestations?
Charles: Les billets se vendent bien. Il y a moins de travail qu'avant pour remplir les salles. Pour Nantes, le public sait depuis trois semaines que l'on joue au Ferrailleur et c'est complet. On n'a pas eu besoin de huit mois pour remplir la salle. Mais les gens chantent toujours aussi fort, ça, ça n'a pas changé (Rires!)
Hervé: Est ce que le public français est aussi réceptif que le public québécois en ce qui concerne vos concerts?
Charles:C'est différent. La qualité remplace la quantité au niveau de l'intensité. On retrouve beaucoup moins de monde ici mais ces gens là sont très motivés. Au Québec on joue devant plus de monde qui sont aussi motivés mais c'est des concerts plus festifs. Tandis qu'ici on a eu des concerts très brutaux dans le sens où je n'aurais pas aimé que ma copine soit dans la foule. Le public français peut être très brutal mais c'est cool aussi car c'est une énergie très punk et hardcore que j'aime beaucoup. Ça peut déplaire à certains membres du public qui ne s'attendaient pas à cela mais personnellement j'aime cette ambiance.
Hervé: Pourra t'on voir un jour un duo des Trois Accords avec un groupe de rock français?
Charles: Je ne sais pas car l'on n'a jamais fait de collaborations dans notre vie. Mais s'il y a un projet intéressant qui se présente c'est sur que l'on va le considérer mais on n'a jamais été à la recherche de cela nécessairement. Il ne faut jamais dire non. C'est possible mais je ne vois pas avec quel groupe. Je sais que les Vulgaires Machins ont fait un duo avec les Burning Heads. Ils ont joués les chansons des Burning Heads puis Burning Heads reprenait les chansons des Vulgaires Machins. Au final ça fait quelque chose d'intéressant. Si un projet comme celui là se présentait aux Trois Accords peut être que l'on ne dirait pas non.
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Hervé: Est ce que les Trois Accords arrivent à être sérieux pendant toute une interview? Je me rappelle notre rencontre aux Vaches aux Gallo c'était mémorable.
Charles: Ce qui est très important c'est de séparer les éléments. Ainsi tu as du bon, du moins bon, du drôle, du moins drôle. Mais lorsque les membres sont séparés, tu prends juste une personnalité avec un état d'esprit comme moi, présentement je suis relax, je viens de finir de manger.
Hervé: Tu digères…
Charles: Je digère tranquillement, je réponds à tes questions. On fait une entrevue relax. Si l'on était les cinq à 14h de l'après midi avec quelques bières de bues ça pourrait être un peu plus brutal.
Hervé: A cette interview était présent toi et Simon. Et vous étiez en grande forme.
Charles: Ah c'est des états d'esprits, des fois on change d'état d'esprit et on devient un peu plus con (rires!)
Hervé: Selon les Vulgaires Machins que l'on a rencontré il y a quelques jours sur Nantes. Les groupes québécois sont plus francophones que les groupes français?
Charles: C'est vrai. Ici, j'ai rencontré trois groupes français. On a rencontré Tryo qui sont des amis…
Hervé: Ils sont sur le même label que les Trois Accords?
Charles: Oui, ils sont sur le même label au Québec. On a tourné avec Marcel et son orchestre également au Québec et en France. Puis on a rencontré les Wampas. Mais toutes les premières parties qui jouent avec nous sont presque 100 % anglophones. Des interprètes et des chanteurs solos il y en a pleins mais des groupes on n'en rencontre pratiquement pas.
Hervé: Il y a une chose que je ne comprends pas avec les groupes québécois c'est qu'ils ont du mal à se faire une place dans le milieu musical actuel. Pourtant lorsque l'on écoute vos albums il y a vraiment du potentiel avec la scène québecoise comme les Trois Accords, les Vulgaires Machins, Malajube… Charles, comment peux tu expliquer cette difficulté aux groupes québécois à s'installer dans le paysage musical français?
Charles: Je pense que même les français ont du mal à s'installer dans le paysage musical français. Je ne pense pas que se soit un problème du Québec ou de la France. Vous avez un marché qui est extrêmement dur à percer et qui est géré par une bureaucratie assez lourde. Sans faire trop de politique, c'est assez laxiste, la vision de la musique est monothéiste. Chaque personne croit en sa propre façon de travailler mais sont incapables de travailler ensemble. Je ne sais pas ce que dans l'avenir cela va donner parce que présentement la musique en France est en état de crise. L'industrie de la musique est dans le même état. En général, les restructurations qui suivent cela sont assez brutales. Je ne sais pas ce que ça va donner dans les années à venir mais en 1970-1980 au Québec on a eu une grosse restructuration musicale et c'est ce que la France va vivre dans les prochaines années. Vous devriez avoir beaucoup de labels indépendants avec beaucoup de groupes qui fonctionnent sur des petites scènes indépendantes. C'est en général ce qu'il se passe quand un système explose. C'est peut être ce qui va arriver en France.
Hervé: Charles je te propose une autocritique. Maintenant que Grand Champion International de Course est sorti depuis plusieurs mois. Y vois tu des défauts et des choses que tu aimerais modifier ?
Charles: Oui, les chansons sont trop léchées et sont trop lentes. J'aimerais qu'elles soient plus sales et plus rapides. C'était une critique que je faisais même lorsque l'on enregistrait l'album.
Hervé: Pourtant je trouve cet album plus rock que Gros Mammouth.
Charles: Oui c'est vrai. Mais de mon point de vue j'aimerais que les chansons soient plus sales et plus rapides.
Hervé: Personnellement je ne suis jamais allé au Canada mais c'est un projet que je compte bien réaliser d'ici quelques années. Je te propose d'endosser le rôle d'un promoteur de voyage pour essayer de me motiver à me rendre dans la contrée de Drummondville. Quels seraient tes arguments pour me donner envie de visiter cette région?
Charles: Premièrement pour te rendre à Drummondville il faut que tu prennes l'avion donc un bon agent de voyage te conseillerait de ne pas prendre Corsair ou Air Transat car c'est des compagnies où c'est assez dur à voyager dedans. Elles ne sont pas très confortables. Ensuite tu arrives à Montréal et ce qui est sûr c'est que tu dois passer au moins une semaine à Montréal pour visiter un peu la ville. Ensuite tu t'en vas à Drummondville mais Drummondville n'est pas nécessairement le point central de ton voyage. Drummondville c'est important d'y aller pour aller fumer un join au parc, boire une bière au Luba café, aller manger une bonne bouffe à la Tratoria. Tu peux aller voir des concerts au cabaret Box Office, aller voir des films au cinéma capitol. Tu peux aller magasiner au centre d'achat. Évidemment, au niveau culinaire il y a la poutine à déguster étant donné que nous en sommes les inventeurs et les premiers à l'avoir commercialisé. C'est nous qui faisons la meilleure poutine au monde.
Hervé: Qu'est ce que la poutine? J'ai déjà entendu parlé de ce plat mais je ne vois pas exactement les ingrédients de la poutine.
Charles: La poutine c'est des frites avec une sauce brune qui est en fait l'équivalent ici d'une sauce pour une entrecôte mais un peu plus sucré. Il y a aussi du fromage que l'on appelle du fromage en crotte qui est l'équivalent d'un cheddar assez gras mais très frais. Il y a frites, fromage et sauce mais on peut aussi faire fromage, frites puis sauce… Il y a plusieurs façons de l'agencer. Après avoir manger une poutine et bien tu prends l'avion et tu reviens en France, ou tu décides de rester vivre à Drummondville. Tu serais mieux là bas, il y a plus de place.
Hervé: Dans l'interview que l'on avait réalisé en août 2006, on était parti dans un délire avec toi et Simon. Simon avait déclaré que les Trois Accords était un groupe qui n'avait pas d'avenir et à ce moment vous aviez décidé pendant l'interview de produire des catalyseurs pour voiture. Est ce que le projet avance?
Charles: (Rires!) Écoute, on a énormément de projets dans la vie. Mais c'est très bien car on se rend compte que l'on distribue tellement d'idées autour de nous que ces idées reviennent vers nous. Je pense que c'est un projet que l'on va reprendre. C'est une très bonne idée, merci de m'avoir reparlé de ce projet. (Rires!)
Hervé: A la différence des groupes français, vous apportez pas mal d'attention à la réalisation de vos clips musicaux. Presque pour chacun des titres de vos albums on peut mettre en relation un clip. Est ce un bon moyen promotionnel pour aider à se faire connaître aux yeux du public?
Charles: Pas en France parce qu'il n'y a pas assez de diffusion. C'est impossible d'avoir de la diffusion en France pour des vidéos clips. Il y a M6 qui diffuse quelques clips par jour. Le marché n'est pas trop tourné vers les vidéos en France. Au Québec, c'est un très bon moyen de promotion. C'est un très bon moyen pour montrer ce que le groupe vit artistiquement par la télévision mais aussi par le net.
Hervé: Est ce que vous choisissez les scénarios de vos clips?
Charles: Oui, on choisit les scénarios.
Hervé: J'ai remarqué q'au niveau de vos clips il n'y a pas souvent de lien entre le scénario et les chansons. Est ce une volonté du groupe? Une sorte de dérision?
Charles: On n'est pas à la recherche de ne pas avoir de liens mais on n'est pas non plus à la recherche d'en avoir un. Jusqu'à maintenant on a pas trop eu la pertinence de faire un vidéo clip qui collait au texte. Ce n'est pas quelque chose qui nous intéresse. Cela ne sert à rien car les gens écoutent les paroles et peuvent se faire leurs propres images dans leurs têtes.
Hervé: Comment vous est venue l'idée du scénario de «Youri» qui est très proche de l'univers Mad Max?
Charles: Youri c'était sensé être plus violent que ça mais au niveau technique c'était compliqué avec l'idée de ce que l'on voulait faire. Le réalisateur a réussi à nous amener vers son idée qui était proche de la notre avec les cuirs, bâtons de base-ball et poussière. Je l'aime beaucoup ce vidéo clip car il est un peu trash.
Hervé: Quelles seront les sonorités du prochain album des Trois Accords?
Charles: S'il n'y avait que moi les chansons seront sales et rapides mais si c'est quelqu'un d'autre elles seront léchées et lentes.
Hervé: Est ce que vous avez déjà commencé à travailler sur le successeur de Grand Champion International de Course?
Charles: Non pas encore. Pour le moment, on tourne trop pour les concerts donc on n'a pas encore eu le temps.
Hervé: Quels sont les groupes ou artistes qui ont motivés les Trois Accords à faire de la musique et qui font dans un sens l'identité musicale du groupe?
Charles: Pour les Trois Accords il y a Paul et Paul, humoristes québécois qui faisaient des chansons. Je te dirais l'ensemble de la scène québécoise nous a influencé au niveau artistique mais il y a aussi des groupes extérieurs comme Pennywise, NOFX, des groupes très punk rock. Mais aussi Rage Against The Machine, Red Hot Chili Peppers. Tu sais on est tous né dans les années 1980 donc on a grandit avec ces groupes. On ne pourra jamais nier l'influence de ces groupes là. Dans la démarche et dans la méthode de travailler on a été beaucoup influencé par les Cowboys Fringants, les Vulgaires Machins. Pas dans la musique mais dans la manière de s'impliquer dans l'industrie musicale.
Merci à Charles pour sa gentillesse et d'avoir répondu aux questions de l'interview.
Merci à Charles (Manageur) et JB de chez MVS pour m'avoir calé cette interview.