Vendredi soir, alors que les parisiens fuient la capitale pour le week-end de Pâques, je me retrouve avec Yann et Raphaël, respectivement guitariste et batteur de Mass Hysteria, dans le bar « Chez Justine » juste en face du Nouveau Casino, rue Oberkampf. Après que ceux-ci m'ait avoué que ce lieu était leur repère où ils aimaient se retrouver pour discuter, on lance l'interview sur la question habituellement chiante mais que tout le monde se pose. {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
Cap'tain Planet : Comment pouvez-vous qualifier ce nouvel album ?
Yann : Je ne vais pas dire que Mass Hysteria est de retour …
Raphaël : … parce qu'on est jamais partis !
Yann : On a expérimenté d'autres styles musicaux et avec ce nouvel album on a eu envie de revenir à des sonorités qui rappellent Contraddiction.
Raphaël : C'est un album extrêmement dynamique. On a retrouvé une fraîcheur qu'on avait perdu avec les deux précédents albums.
Vous avez posté trois nouveaux titres sur Myspace quelques jours avant la sortie de l'album. Il y a une certaine émulation autour apparemment …
Yann : On n'a jamais vu ça. C'est carrément de la folie. Depuis Contraddiction, on n'a pas eu un tel engouement. On en parlait encore en répétition tout à l'heure, ça nous touche vraiment. C'est impressionnant même si on sait qu'on va forcément recevoir des remarques négatives d'ici peu. Il y a toujours des personnes qui n'aimeront pas l'album et qui préfèreront les précédents.
On vous avez pas mal critiqué sur les deux précédents albums qui étaient plus « pop ». On a souvent dit que vous aviez perdu l'énergie, ça vous a touché ?
Yann : Si on parle du dernier album, les gens ne l'ont pas compris. Comme je le dis à chaque interview, parce que ça m'énerve aussi, le producteur n'a pas su bien mixer cet album. L'album sonne pop alors qu'on voulait qu'il soit rock et qu'il envoie vraiment …
Raphaël : On voulait une dynamique à la Muse …
Yann : … ou à la Rage Against The Machine et le producteur qui avait insisté pour que ce soit lui qui produise l'album suite à une rencontre n'a pas su faire ressortir ce que l'on voulait. Il est jeune (24 ans) et malgré notre confiance, ce fut une erreur. Du coup, notre public n'a pas forcément compris l'album.
Raphaël : Les morceaux étaient moins metal, c'est clair. Mais ils ont la pêche sur scène.
Personnellement, je n'ai reçu que la version promo de votre album, je n'ai donc pas les crédits sur la pochette. Qui a produit ce nouvel album ?
Raphaël : C'est Fred Duchesne. Le guitariste de Watcha.
Yann : Il a tout fait. On a pris tout notre temps. On a mis 3 mois pour mettre en boite cet album avec quelques pauses entre temps.
Raphaël : C'était vraiment à la cool… A domicile.
Yann : On est fans du résultat.
Les précédents albums vous les aviez vendus à combien d'exemplaires ?
Yann : Aux dernières nouvelles, Contraddiction et De Cercle en Cercle se sont vendus tous les deux à 50.000 exemplaires, le dernier s'est vendu à 25.000 exemplaires. Les gens ont probablement été déçus par cet album, ce qui explique le moins bon chiffre de vente.
Raphaël : On peut aussi émettre l'hypothèse du téléchargement qui n'est pas quantifiable. Il y a plus de personnes qui viennent nous voir et qui connaissent nos paroles, que de personnes qui possèdent notre album. C'est une chose assez étonnante à voir depuis la scène.
Yann : Ceci dit, ce chiffre ne veut pas dire grand-chose car on a renouvelé notre public avec cet album. Certains l'ont détesté mais beaucoup de personnes ont découvert Mass Hysteria grâce à l'album éponyme … et il y a probablement des personnes qui vont détester Mass Hysteria avec l'album qui arrive, ils vont trouver ça trop bourrin ! (rires)
Pour en revenir à l'album, comment s'est passé la rencontre avec Manu de Dolly ?
Yann : On a dû jouer la première fois ensemble en 1997. A l'époque, Dolly avait un album disque d'or et dès la première date où on avait joué avec elle, je crois que c'était à Landernau avec Matmatah, on est devenu amis. Tout le long de notre carrière, dès qu'on se croisait, c'était la fête, on se retrouvait en soirée. Malheureusement, ils ont eu un triste accident récemment (NB : décès du bassiste Mickaël Chamberlain en 2005 dans un accident de voiture) mais on est toujours resté proches. Pour ce nouvel album, on voulait un featuring et on a demandé à Manu car le morceau se prêtait bien pour ce genre d'hommage.
Dans votre groupe, il y a aussi eu un changement de line-up. Vous pouvez nous en parler un peu ? Je sais seulement que le nouveau guitariste s'appelle Nicolas …
Raphaël : Effectivement, il s'appelle Nico, c'est un jeune guitariste de 26 ans. Avant il jouait dans le groupe Darkness Dynamite. A la base, il est batteur puis il s'est mis à la guitare. C'est un vrai fan de musique et plus particulièrement de metal. Je t'avoue que j'aime bien en répét' quand on commence à s'échauffer en lançant des morceaux de nos groupes cultes. On part sur des riffs de Pantera, Machine Head ou de Metallica. On s'amuse vraiment, l'intégration se passe très bien. Mardi prochain, ça sera son baptême du feu au Nouveau Casino pour le premier concert de la tournée.
Et toi Yann, ça te fait quoi de jouer avec un nouveau compère ? C'est Olivier qui a composé avec toi cet album, il faudra attendre le prochain album pour découvrir réellement Nicolas peut-être …
Yann : Ca met une nouvelle fraîcheur. Je ne sais pas trop quoi en dire. On s'est quitté en super bon terme avec Olivier, qui part pour un autre projet (NB : Aaron). Ca marche d'ailleurs plutôt bien pour lui ! (NB : 8ème des charts la première semaine). Je suis très content pour Olivier et puis je suis fan de ce que fait Nico, le petit nouveau. Ca met un coup de fraîcheur et c'est toujours mortel d'avoir quelqu'un d'enthousiaste. Nico a déjà joué dans des groupes mais pas dans un groupe de l'envergure de Mass Hysteria. Il découvre pleins de choses, c'est marrant de lui montrer de nouvelles choses dont de nombreuses personnes peuvent rêver.
Sur cet album, je trouve que les machines sont très mises en avant. Maintenant qu'Olivier est parti, comment ça se passer pour la composition et le live ?
Yann : Effectivement c'était Olivier qui composait les machines. Il nous a tout laissé.
Raphaël : En concert c'était moi qui lançait les machines donc on va continuer comme ça et pour le prochain album, on fera probablement appel à des personnes extérieures au groupe à moins qu'on réussisse à intégrer quelqu'un. Si on trouve la perle rare, tout ira pour le mieux mais le prochain album n'est pas prévu avant au moins un an et demi…
Yann : … et puis on n'est pas près de revenir chez nous vu qu'on part pour une tournée internationale ! (rires)
D'ailleurs, vous avez déjà des prévisions pour cet été ?
Yann : Oui, on a une vingtaine de dates qui sont tombées. Je ne les ai pas trop en tête mais on sera sur plusieurs festivals. On n'a pas le droit de révéler où pour le moment car ce sont les festivals qui nous demandent de garder ça secret car ils veulent gérer leur promo eux-mêmes.
Concernant les parties instrumentales, il y a des passages vraiment metal comme le break de « Killing The Hype » ou l'intro de « Une Joie Kamikaze ». Est-ce la marque d'une envie d'intégrer des passages plus au goût du jour ?
Yann : C'est de là qu'on vient. Si tu savais les concerts où je vais avec Raphaël et ce qu'on écoute en ce moment … tu serais pâle. Dernièrement, on écoute des groupes vraiment bourrins et des sonorités qu'on ne pourrait pas intégrer dans Mass Hysteria.
Raphaël : Je suis en plein revival black et death metal !
Yann : Je ne sais pas si ça veut dire quelque chose mais en ce moment je suis à fond sur des groupes comme Necrophagist ou Job For A Cowboy. C'est une tuerie, c'est ultra violent mais je suis fan, par exemple, du guitariste de Necrophagist qui est démonstrateur chez Ibanez.
Raphaël : C'est vraiment la musique qui me fout la patate le matin !
Ah ouais ? Un peu de Necrophagist le matin au réveil ? (rires)
Yann : J'ai commencé avec Slayer à 13 ans. C'est un style de musique qui est vraiment resté mon truc. Ceci dit, j'écoute plein d'autres styles…
D'ailleurs, pour revenir sur le texte de « Killing The Hype », ce n'est pas très fair-play, non ?
Yann : Il y a un peu de Mouss, il y a un peu de nous… Là, je te donne un exemple personnel, Mouss à probablement un avis différent : quand j'ai regardé les dernières victoires de la musique, je me suis vraiment fait chier. Ils font tous la même chose avec leur guitare, leur espèce de chanson française… Pourtant, j'en écoute de la chanson française mais il y a des artistes doués et il y a des suiveurs. En ce moment, on se tape tous les suiveurs et ça me saoûle.
Raphaël : C'est une réaction face à certains groupes qu'on trouve artistiquement nuls.
Yann : J'essaye de rester objectif sur un certain nombre de choses. A partir du moment où tu dénigres la scène française, comme un certain groupe qui s'appelle Naast et qui dit qu'il n'y a jamais eu de rock en France, je suis désolé on donne une réponse claire. C'est une réponse à des groupes incultes musicalement.
A la base, je ne suis pas parisien. Ca fait seulement six mois que je vis à Paris même et j'ai vraiment l'impression qu'il existe une scène purement parisienne….
Yann : Ah mais carrément !
Raphaël (me montrant l'accroche d'une interview de Mass Hysteria dans un magazine fraîchement sorti) : « La nouvelle scène rock parisienne, c'est une musique de parisiens pour parisiens ».
Yann : C'est exactement ça. Ils se copient les uns les autres. Je suis d'accord avec toi, il y a certains groupes que je vais aimer (tel Norma Jean) mais quand tout commence à être dans l'attitude et les photos, je trouve ça détestable.
Raphaël : C'est une musique de poseurs !
Yann : J'aime bien les groupes lookés mais il y a des limites. Il faut être un minimum vrai.
Raphaël : Il y a beaucoup de look et pas beaucoup de musique.
Est-ce que vous allez tourner un clip pour cet album ?
Yann : On en parlait tout à l'heure, on aimerait bien.
Et vous pensez qu'il va pouvoir être diffusé massivement malgré ce retour aux sources ?
Yann : Le seul album qui est passé en radio (on n'a jamais eu d'expérience sur des grosses radios avant), c'est celui qui s'est le moins vendu. On a de très bons contacts avec des radios comme Oui Fm ou le Mouv' mais après, qu'Europe 2 nous diffuse, franchement, on s'en bat les couilles ! On parle à un public qui, pour nous, n'écoute pas la radio. Je discutais avec la directrice artistique de System of a Down qui a refusé NRJ car elle savait que si elle acceptait de diffuser le groupe sur NRJ, elle perdait 50% de son public.
Raphaël : Si ça arrive tant mieux… sinon c'est pas grave.
Vous n'avez jamais eu peur de tomber dans la démagogie avec des phrases telles que « Supprimons la télé, la religion et voyons si c'est pire » ou avec un titre comme « L'espoir Fou » ?
Yann : Ce que veut dire Mouss par là, je vais le reprendre car c'est lui qui expliquait ça dans une autre interview, c'est qu'il faut simplement décrocher un peu. Il dit qu'il ne faut pas se laisser guider et qu'il faut débrancher un peu la télé et oublier la religion.
Raphaël : Il faut se forger sa propre opinion sans être guidé.
Yann : Il faut aussi savoir se faire plaisir. Il dit ça sans être moralisateur. C'est plus pour la formule. C'est un appel.
La scène, c'est un défouloir pour vous ?
Yann & Raphaël : Ah ouaiiiis …
Yann : On est remontés à bloc en ce moment. Certains d'entre nous n'en dorment plus.
Raphaël : C'est un mélange d'excitation et d'angoisse.
Vous vous préparez physiquement ?
Yann : Oui. C'est un peu l'endroit où les gens nous attendent au tournant. Il faut qu'on soit à la hauteur. On répète tous les jours en ce moment. On se donne à fond pour que la tournée se passe bien.
Raphaël : Ca nous manque. Ca fait 8 ou 9 mois qu'on n'a pas donné de concerts. C'est lorsque tu as un public face à toi que tu sais ce que tu vaux.
Vous aviez peur qu'on vous attende au tournant avec cet album ?
Raphaël : Non, justement, ça s'est fait de manière très relaxée. On ne s'est pas posé la question.
Yann : Sur l'album d'avant on s'était posé des questions… Et on voit le résultat. Ca n'a pas loupé. Mais cette fois, les morceaux sont venus naturellement. On ne s'est pas demandé si ça allait plaire. Au fond de nous, on savait ce que ça allait pouvoir donner.
Raphaël : C'était vraiment relax. C'est le meilleur enregistrement qu'on ait fait selon moi de ce point de vu là.
Ce retour aux sources, c'est la réponse à une demande des fans ?
Yann : Non pas vraiment même si on sentait depuis De Cercle en Cercle que les spectateurs voulaient qu'on joue Contraddiction.
Raphaël : Le soucis, comme on le disait tout à l'heure, c'est qu'il y aura toujours du monde qui appréciera De Cercle en Cercle et l'album éponyme. On ne peut pas satisfaire tout le monde.
Le dernier mot ?
Yann & Raphaël : On espère que les concerts vont bien se passer, que vous serez nombreux à venir nous voir et qu'on va bien se marrer.
Merci à Yann et Raphaël pour leur gentillesse et à Florence du label At(h)ome pour sa disponibilité. Photos par Vincent Bouchard.