C’est dans le cadre du Froggle Rock Festival numéro 12 que nous interviewons la Ruda quelques heures avant la sortie de l’album « La trajectoire de l’homme canon ». Pierrot (dans une salle aux couleurs de son équipe de foot préférée) nous reçoit pour une parlotte. L’ambiance est détendue, c’est le début de la tournée. {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
François : Retour sur le DVD live sorti en 2005. Quel est le bilan que vous en tirez, quels sont les retours ?
Pierrot : Notre but premier était de fixer l’image, et de l’allier au son. Nous avions déjà sorti un album live, mais sur celui-ci ce n’était pas forcément le but recherché. Nous voulions montrer ce qu’était la ruda sur scène et ça passait par montrer le coté scénique sur un support vidéo. Cela a permis de montrer ce qu’était la ruda sur scène au bout de quatre albums, de faire un « bilan » en quelques sortes…
Le DVD a été finalement bien accueilli. Le deuxième DVD, celui des bonus a été aussi bien accueilli, on a essayé de montrer ce qu’était la ruda dans la vie de tous les jours, montrer un peu l’évolution du groupe durant ces années.
Quand au live proprement dit, il n’a pas eu l’impact du premier album en public, mais c’est finalement normal car ce sont deux lives enregistrés à deux époques du groupe, deux photos instantanées de ce qu’est la ruda. Ce qui est intéressant c’est surtout l’image venant en plus du son. Nous sommes souvent enterrés, et peut être à tord, par certains par les disques studio, le live permettant de satisfaire ces gens-là. C’est vrai que nous sommes plutôt un groupe qui existe par la scène.
Peut être que l’on continuera ce concept de sortir un live régulièrement. Bon puis ce qui est intéressant c’est que dans ce genre d’exercice on est pris sur le vif à un instant donné, nous faisons plein d’erreurs, il arrive que l’on chante mal par exemple. Y’a plus de réalité dans ce genre d’exercice.
Bref, on est super content de l’avoir fait, c’était un projet que nous avions depuis longtemps, on s’est posé beaucoup de questions (avec qui, comment, où…), ça n’a pas été évident à faire, mais aujourd’hui on en est très fier. Le projet étant dans les bacs on a pu alors se concentrer sur le nouvel album.
Justement parlons de ce nouvel album « La trajectoire de l’homme canon », comment c’est passé la phase d’écriture ?
La composition s’est faite de façon tout à fait classique pour nous, c'est-à-dire, que les idées de base des chansons sont parties d’idées de base musicales. Manu et fred sont souvent sur leurs ordinateurs, ils composent une idée puis on enchaîne… En fait c’est l’œuvre de tous, dans le sens ou chacun apporte sa « patte », sa sensibilité. Moi-même j’enregistre sur un petit dictaphone comme le tiens. Et puis on écoute les idées de chacun… On en crée des idées de chansons que l’on triture sous toutes les coutures. On les fait vivre jusqu'à en obtenir une matière « viable ».
Est-ce que la méthode a changé en vue de l’enregistrement live de l’album ?
Oui ça a changé, l’enregistrement live est un choix. On a vu que nous pouvions le faire à ce moment là. On se sentait plus mûrs et maîtres de nous même.
On avait envie de jouer live sur l’album, le but étant de rapprocher le monde de la scène à celui d’un album. D’arriver à graver notre énergie sur la composition et le disque, d’avoir le même impact qu’un live, ce qui est vain de toute façon…
Nous avons réussi à nous préparer convenablement et le fait d’avoir terminer l’écriture un mois avant d’aller enregistrer était un plus. Ce qui nous a permis de faire vivre les compositions, de les répéter à fond, de les maîtriser, de les faire vivre et vraiment se les approprier. Sans ça, ça aurait été plus difficile… Mais on a pu le faire. C’est vrai que dans la plupart des cas, on n’arrive pas à faire cela, ça demande plus de temps. D’ailleurs, ça nous a permis aussi de pouvoir les jouer sans retenue durant l’enregistrement.
Qu’est ce que ce genre d’enregistrement a apporté à un album studio de la Ruda ?
Je pense que ça a apporté de la fraîcheur. Et puis le fait d’être tous ensemble au même moment dans le studio nous a permis de défendre ensemble les morceaux et de se rapprocher. Souvent, il arrive que pour enregistrer, les musiciens d’un groupe ne se croise pas, le batteur enregistre de son coté puis les basses et guitares etc.… Chacun travaille de son coté. Moi au chant en dernier. L’idée était d’avoir une émulation commune et de créer de l’énergie. Alors au niveau du son ce qui est dommage c’est que c’est presque impalpable. Ce genre d’enregistrement enlève tout de même de la rigueur que tu peux avoir autrement, mais ça rend le disque plus naturel, plus fluide.
Par ce biais on arrive à donner une âme supplémentaire aux morceaux, parce que l’on joue tous ensemble. C’est ce que nous avons recherché. On arrivait à enregistrer un morceau par jour, on voyait notre projet qui évoluait au fur et à mesure, on avançait de façon horizontale et non verticale, j’entends par là, que l’on faisait un morceau et quand il était fini, nous faisions le suivant. Et non pas par instrument. Et puis quand tu as fini, du coup il te reste du temps pour retravailler ce qu’il ne te plaît pas ou ne vas pas.
On était à 6000 bornes de chez nous en Amérique, dans notre auberge de jeunesse, on pensait à notre album du matin au soir en le vivant pleinement au quotidien, on voyait évoluer notre petit bébé. Bonne expérience au final.
Pourquoi le choix du Québec et de Franck Joly ?
Le choix du Québec peut paraître exotique, mais pour nous il s’est imposé pour trois critères. Tout d’abord il y avait le critère humain : on connaissait Franck, un enregistrement est toujours un peu stressant pour les musiciens et le fait de le faire avec une connaissance permet de gagner du recul et de le faire de façon plus cool. D’aborder l’événement plus sereinement
Puis il y avait le critère artistique aussi. C’est le sonorisateur des « Vulgaires Machins », un groupe de punk québécois, avec lequel on correspond et on travaille, on les invite en tournée et eux aussi. Humainement ça passait bien, il aimait bien notre travail, il est jeune, mais ceci dit, il est plein de talent et déjà très professionnel, il a de la bouteille. Et puis il a fait notre son sur certains de nos concerts donc on le connaissait déjà bien.
Et puis il y a le critère économique. Là-bas, tu peux avoir un studio de grande qualité à un coût moindre qu’en France. On a enregistré au studio Piccolo à Montréal. C’est un studio qui fait plutôt de la variété (Celine Dion, Garou, Isabelle Boulay…). Ce genre de studio coûte très cher en France à matériel égal et que l’on ne peut pas se payer si on veut avoir du temps. La on l’a eu pour un mois de prise dans un bon studio pour pas trop cher avec quelqu’un de compétent. Et finalement on est vraiment content de l’avoir fait.
La trajectoire de l’homme canon va sortir dans deux jours, que peux-tu nous dire dessus ?
On ne s’est pas réinventé mais renouvelé un petit peu, cet album est plus axé sur la chanson, la voix est plus mise en avant, on lui a donné un peu plus de place. C’était une des directions que l’on s’était données. J’ai pas mal travaillé le chant. On a essayé de travailler dans la continuité de ce que l’on faisait, grosso modo deux tiers de rock et un tiers de contre temps ou plus calme. On s’est autorisé à mettre un peu de clavier même si c’est des effets purement propres au studio. On a fait des chansons plus simples et paradoxalement plus compliquées, une chanson comme « un et un » n’est pas très Ruda tant au niveau du texte qu’au niveau assemblage musical. Pour la première fois aussi sur cet album on a travaillé à partir d’un texte pour la « de la vie jusqu’au cou », ça s’entends d’ailleurs. C’est compliqué de parler de soi à ce moment la, je n’ai pas encore de recul.
En même temps on est très content de cet album on a réussi à faire ce que l’on voulait. Ca donne une bonne image de ce que l’on est en ce moment. Bon, c’est sûr que les aficionados du « salska » ne vont pas trop s’y reconnaître, bien que qu’avec un titre comme « des horizons des péages » ça peut le faire, on tient des morceaux sur une base de contre temps ou même « mélodie en action ». On a des couleurs et des humeurs assez variées. C’est important pour nous, mais l’album possède une unicité tout de même.
Bon c’est vrai que je fais un catalogue de fleurs, ça me vient à la volée comme ça. On a aussi deux chansons sur la même musique. « De simples choses… » et « … de choses et d’autres ». Ca montre bien deux atmosphères que l’on peut faire avec des paroles différentes et une même musique. Ca montre bien aussi les doutes que l’on peut avoir lors de l’écriture. Mais pour nous dans ce cas, on aimait bien les deux versions. Chacune avait une âme propre et une réelle personnalité, voir même un univers. Ca donne presque deux chansons différentes au final.
Au niveau des textes, avec trois albums dans les jambes, sont-ils plus personnels ?
C’est sur que je me sens plus libéré maintenant vis-à-vis de mes complexes qui sont naturels bien sur, ça fait incroyablement mal aux oreilles quand on s’écoute, et puis quand on met des mots en français sur du rock l’esprit de la chanson va changer énormément. Par rapport à des textes en anglais, il faut rajouter souvent un supplément d’âme qui donne un sens plus imaginaire aux paroles. Il faut se dévoiler un peu.
En plus avec maintenant presque 70 textes, on est un peu obligé de « plonger vers l’intérieur », de se réinventer, car les sujets faciles à aborder le sont déjà dans certaines chansons. Tu es obligé de fouiller. Il est vrai que je m’autorise plus de lyrisme, j’aime bien aussi le caractère un peu plus châtié, plus luxuriant j’écris aussi des chansons assez franches.
D’amour aussi, comme dans « Marylin »…
Oui, mais alors plus dans le dépit amoureux, parce que c’est un thème qui offre des perspectives dans la métaphore.
Dans cet album j’ai essayé d’écrire de manière un peu plus positive que mélancolique. Dans l’album « 24 images secondes », mes textes étaient un peut plus mélancoliques sur certains sujets. Celui là est un peu plus gai, ce qui donne des chansons assez simples mais plus difficiles à faire comme « Ronnie sait… » ou comme « Mélodie en action ». Dans les deux premiers albums j’aurais été incapable d’évoquer l’amour comme sujet, j’aurais trouvé ça trop impudique venant de moi, j’avais aussi un peu peur d’employer ce genre de mots. D’ailleurs je crois que je n’ai jamais employé le mot amour, j’aurais eu l’air con… Bon et puis dans le genre de musique que l’on fait c’est quand même plus compliqué d’utiliser le mot amour qu’une phrase du genre « Le Pen est un méchant garçon » qui va être quelque chose d’engagé et qui frappe sur scène, qui est un thème fédérateur. Maintenant on est plus sur de nous, et c’est un thème que l’on peut engager sans pudeur.
Un petit mot sur la pochette de l’album ?
Oh oui, le comics cela a été un grand débat. C’est ce qui a été le plus long chez nous, autant musicalement on se rejoint que dans le visuel, on a chacun des goûts différents.
On tombe alors sur des choses très sobres, pour le consensus. Bon pour le coup avec un nom d’album pareil cela décrit un certain univers, on a travaillé avec Victor Marco qui a fait entre autre les affiches du Garorock à Marmande. On lui a laissé carte blanche pour la pochette. C’est celle qui nous plaisait le mieux.
Au niveau de la « Set List » il y a eu beaucoup de changements, elle a beaucoup évolué…
Ben tiens, il n’y a plus « L’instinct du meilleur » en introduction ni même « Trianon ». C’est une petite révolution tout de même. Et nous ça nous fait du bien. Hier à Caen, le concert a eu un très bon accueil, c’était la première fois que l’on faisait le spectacle en son entier, le public était content. Bon et puis c’est aussi une preuve que l’on est content de notre travail sur le nouvel album, car pour la première fois on rentre 10 chansons du premier coup sans se poser de questions. Ce qui nous a fait plaisir ce sont les réactions du public qui sont bonnes. D’habitude sur les premières dates on observe un léger recul sur les nouvelles compositions et là ça ne s’est pas passé comme ça. Le public était au taquet du début à la fin. On a réussi à traduire de la bonne énergie par rapport à ça. Bon puis on avait besoin de donner un coup de « jeune » à ce set. On a arrêté « Trianon » non pas par ce que l’on n’aime plus ce morceau mais à un moment il faut faire des choix et se renouveler. Cette chanson, avec les répétitions, on a du la jouer 2000 fois, on a besoin de jouer autre choses. Et puis « l’instinct du meilleur » c’est un morceau qui nous « emmerde » pas mal dans le sens où cela fait 5 ans que c’est notre introduction et on était un peu prisonnier de ça. On a essayé d’autres introductions mais qui n’avaient pas l’énergie de celle-ci. Du coup on a envisagé les choses autrement. Donc du coup on est sur un set assez neuf, mais qui marrie quand même des morceaux des autres albums. Je pense que le set est bien équilibré avec plein de nouveautés.
Vous emmenez des groupes de la scène rock, émo rock du moment ?
C’est vrai. On partage souvent la scène avec des groupes de ce genre musical. On a souvent jouer avec Dead pop club, Sexypop aussi. On aime bien faire tourner ce genre de groupes. Personnellement ce n’est pas mon genre de musique, mais en concert ça le fait, ça se marie bien, et puis humainement aussi alors… Ce qui est marrant, ce sont des groupes qui chantent en anglais qui ouvrent pour nous, alors qu’avant c’était plus le contraire, comme si une barrière de langue s’était formée. Du coup pour eux c’est plus difficile d’exister.
Quand tu vois les « Burning Heads » qui est assurément un des meilleurs groupes de la scène française, voire le meilleur groupe, un des plus représentatif, engagé, inventif qui est aujourd’hui de obligé s’organiser, de ruser de se battre pour exister, tenir des projets. Il y a plein de groupes que l’on aime bien. Sur cette tournée on n’a pas trop eu le temps d’organiser une mini tournée avec un autre groupe.
Pour la suite des événements ? Vous allez tourner jusqu'à quand ?
Ouais on va pousser, on verra, jusqu'à fin 2007. On espère faire une bonne centaine de dates pour éprouver notre album, le défendre. On va le défendre pendant deux ans. Après on ne sait pas encore, et puis c’est difficile d’y voir longtemps à l’avance comme ça. On ne sait jamais ce qu’il peut arriver. On avance par sauts de puces. La on est plus dans l’instant présent, on va profiter de la scène, elle nous a manqué cette année.
D’autre projet, vers l’étranger, un autre DVD… ?
Le DVD non pas encore… La on est plus dans le mini projet acoustique. Hier on a fait un mini concert à Caen en version acoustique. Et c’est un projet qui nous intéresse. Pourquoi pas enregistrer ou réenregistrer des titres en version acoustique. Cela nous intéresse pas mal car c’est une autre manière de travailler qui suppose un chant différent, un angle différent, voir des instruments différents, un angle plus en finesse.
L’étranger, on va partir bientôt en Allemagne. On devait partir dans deux semaines au Québec, le label n’est pas prêt pour la mise en place de nos disques, et nous ne pouvons y aller à perte au niveau financier, on a dû annuler. On a la rage, mais de toute façon ce n’est que partie remise. On avait une tournée de prévue avec les « vulgaires machins », mais on va y aller. On est déçu, quinze jours au Québec c’est toujours une joie. Bon après y’a la Suisse, la Belgique, on a un plan au Japon, peut être qu’un jour ça va sortir. Mais pour cela il faut que l’on arrive à partir au moins dix ou quinze jours pour amortir le voyage. Bon on a pas mal de projets dans les cartons…
Verra t’on le retour du « devoir de mémoire » l’an prochain ?
Mai 2006 ? C’est vrai qu’on l’avait joué en 2002 suite aux événements. J’espère qu’on n’aura pas à le refaire l’an prochain. C’était sur un coup de colère. J’espère que ça va mieux se passer et que les gens vont aller voter, ce sera déjà pas mal.
Merci à Max, Pierrot bien sur, Philly, Cédric et le Stewart.