Avralize – Freaks

La nécessité économique de ratisser large a eu raison des questionnements relatifs à la direction artistique pour bon nombre de labels musicaux. L’éclectisme n’empêche certes pas la qualité, entendons-nous bien. Mais les « anciens » pourraient aujourd’hui regretter l’époque pré-streaming où la simple mention d’une maison de disque pouvait à elle-seule motiver un achat sans écoute préalable. Et au passage générer de belles découvertes. Arising Empire est l’une des exceptions à ce phénomène moderne : fondé en 2015, cette sous-section de Nuclear Blast s’est spécialisée dans le metalcore européen next-gen, avec à son roster quelques jeunes pousses prometteuses. Pèle-mêle : Novelists, Landmvrks ou Annisokay. Fraichement signés, les allemands d’Avralize s’inscrivent pleinement dans la dynamique Arising Empire. Avec un premier album moderne et ultra-puissant, le quatuor affiche un impressionnant potentiel.

L’Allemagne semble définitivement se profiler comme le nouvel eldorado du metalcore. Longtemps trusté par les ricains, le genre explose littéralement outre-rhin avec des pépites comme Future Palace et désormais Avralize. Le groupe se profile clairement en newcomer : la couverture médiatique reste mesurée, les dates sont encore rares et majoritairement locales, mais les mecs se donnent clairement les moyens de leurs ambitions. Le volet visuel est travaillé avec soin – dégaines de hipsters, coupes ciselées, fines moustaches et couleurs flashy – et la quasi-intégralité des morceaux de Freaks, leur premier disque, a été clipée. Lorsque l’on constate l’importance de l’image pour les nouvelles générations, nul doute qu’Avralize fait le bon choix commercial. Mais au-delà du pur marketing, le son et les morceaux sont clairement là. Les quatre gars déroulent en une grosse demi-heure une avalanche fat de titres implacables. Freaks affiche seulement huit morceaux au compteur, mais Avralize donne clairement une leçon à ses maitres en matière d’écriture et d’équilibre des contrastes. Le groupe n’a rien à envier à un Architects ou à Bring me the Horizon :emballésd’une prod’ d’une redoutable ampleur, leurs travaux ne sacrifient jamais la technique à l’efficacité, ni les mélodies à l’agressivité. Le jeu d’équilibriste est déjà assuré avec maestria.

L’accroche est immédiate. Freaks est à la fois easy-listening et très exigeant dans l’architecture de ses compos. Avralize tape dans le metalcore, mais dans le metalcore nébuleux à tendance djent. Pas de construction neuneu à base de simple enchainement couplet growlé / refrain clair répété encore et encore, le groupe voit plus loin sans pour autant faire dans le mathcore prise de tête. De belles surprises éclosent de ci et là et insufflent de petites touches de folie bienvenues, à commencer par un solo de saxophone bien troussé sur « Canvas » ou des samples toujours judicieux. Chacun maîtrise à merveille sa partition. La basse groove, et bénéficie d’une mise en avant qui n’est pas sans rappeler les plus glorieuses heures du néo-métal. Seul à la barre côté grattes, Philipp Tenberken use de tout l’arsenal à sa disposition : tapping inspiré, solos décoiffants, riffing tour à tour plombé et aérien, motifs syncopés qui tapent du pied ou brekadowns délirants de lourdeur. Cerise sur le gâteau, le frontman Severin Sallier se balade sur les instrus avec une insolente aisance. Les refrains sont redoutables, le registre hurlé l’est tout autant. Parfois jusqu’à des hurlements Deathcore que l’on pensait un peu passé de mode – « Stab by Stab », la grosse claque de l’album –, quitte à placer des « blegh » délicieusement clichés dans les recoins les plus sombres. 

Avralize, c’est la rigueur allemande dans toute sa splendeur. Débarqué de nulle part, le quatuor balance un premier disque qui frappe fort. Seule ombre au tableau : l’ensemble est mille fois trop court. Huit titres, huit uppercuts, c’est concis. Mais putain, qu’est-ce que ça peut faire mal. Difficile de ne pas être enthousiaste en constatant le boulevard qui s’ouvre devant cette jeune formation pleine de promesses.