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Interview d’AqME (Septembre 2012)

AqME semble traverser les modes sans faillir. Survivant d’un mouvement  néo-metal auquel le groupe ne s’est jamais véritablement affilié, le quatuor aura connu les tumultes des séparations difficiles. Benjamin Rubin (guitares) en premier lieu, Thomas Thirrion (chant) par la suite. Revigoré par l’arrivé de nouveaux musiciens, AqME tient pourtant droit la barre, et poursuit son évolution coute que coute. Débarqué en avril dernier, Epithète, Dominion, Epitaphe se profile à ce titre comme le disque le plus complexe et ambitieux de la carrière des parisiens. Un furieux témoignage de rock’n’roll incandescent, en passe d’être réédité accompagné d’une petite poignée de nouvelles compositions écrites en compagnie du chanteur Vincent Peignart-Mancini. Rencontre avec le groupe lors de leur passage au cœur du département d’Eure et Loir.

BEN : Le changement, c’était maintenant. A l’inverse des hommes politiques, les promesses sont aujourd’hui tenues. Quel regard portez-vous sur les mois écoulés depuis la sortie d’Epithète, Dominion, Epitaphe ?

Etienne (batterie) : Le groupe se sent mieux. Je ne parlerais pas pour Vincent, mais pour nous qui avons été confrontés à un gros changement avec le départ de Thomas, les six premiers mois de l’année ont été relativement compliqués. C’est une grosse séparation, nous avions la tête dans le sac. Le changement n’a pas été très agréable, même si nous personne n’a jamais douté des capacités de Vincent à reprendre les rennes. Nous avions besoin de temps avant de pouvoir passer à autre chose, parvenir à surmonter l’événement. Nous avons eu l’occasion d’enregistrer de nouveaux titres avec Vincent, les dates de concerts commencent à arriver, je pense que nous sommes définitivement passés à autre chose.

Vincent (chant) : Pour être arrivé au moment de la sortie du disque, j’ai l’impression que les choses évoluent. Nous avons gagnés une plus grande complicité. AqME est désormais un « ancien nouveau » groupe.

Avez-vous malgré eu des doutes concernant la capacité d’AqME à se renouveler ?

Etienne : Evidemment. Nous avons toujours des doutes, c’est le propre de la vie de musicien. Il faut essayer de ne pas trop le montrer au public, et  trouver de la force chez les autres membres du groupe. Pour ma part, j’avais besoin de récupérer. J’ai pris beaucoup sur mes épaules ces derniers mois, je commence tout juste à relâcher.

Vincent : C’est le bon côté de cette tournée qui arrive. Nous avions une certaine pression avant la période estivale parce qu’il était important pour nous de réussir cette transition.

Etienne : Nous avions à album à défendre alors que notre chanteur avait quitté les effectifs, pas de dates, c’était une véritable problématique. Lors de l’annonce de Thomas, nous ne savions plus vraiment si nous devions continuer ou non. Nous ne sommes plus à un âge ou nous fonçons tête baissée. C’est pourtant ce que nous avons fait.

La sortie d’Epithète, Dominion, Epitaphe s’est soldée par un quasi-faux départ en terme de tournée. Que manquait-il au groupe à cette période, une véritable crédibilité ?

Nous avons changé de tourneur. Nous sommes aujourd’hui chez Rage Tour. Cette nouvelle collaboration a modifié la donne, nous avons enfin une belle succession de dates d’ici la fin de l’année. Moralement, c’était en effet particulièrement difficile de sortir un disque avec aussi peu de concerts.

Si vous en aviez l’occasion, changeriez-vous quelque chose aux décisions prises suite au départ de Thomas ?

« Si » n’existe pas. Ce qui est fait est fait. C’est évident que nous avons été contrariés à l’idée de sortir Epithète, Dominion, Epitaphe avec un autre chanteur que Vincent, puisqu’il le défend sur scène. Mais c’est une situation inextricable. C’est aussi pour cette raison que nous souhaitions très rapidement enregistrer du nouveau matériel avec Vincent, d’où cette réédition de l’album afin d’effectuer le passage de témoin. Ce choix nous permet de ne pas enterrer l’album, mais également de matérialiser plus concrètement ce que va devenir AqME avec Vincent derrière le micro. L’unique regret tient au fait que Thomas n’ait pas souhaité assurer la tournée, c’est ce qui a rendu cette séparation si chaotique. Mais cela n’enlève rien à la qualité du disque, il faut aller de l’avant. Je n’ai plus spécialement de rancœur à l’égard de Thomas, alors que ca a longtemps été le cas.

Vincent : Je ressens très clairement que le groupe ait désormais entré dans une nouvelle phase. Je pense que le fait de se retrouver en studio a joué en ce sens. AqME avait besoin de se retrouver en studio, de se prouver que le groupe pouvait encore composer des morceaux. Etienne était vraiment sous pression au début du processus, mais nous sommes tous sortis du studio avec le sourire aux lèvres.

Cette réédition semble matérialiser le travail d’un AqME reconstruit, plus sur de lui. Peut-on parler d’une « véritable » sortie pour Epithète, Dominion, Epitaphe ?

Etienne : je préfèrerais définir cette sortie comme une transition. Le disque a été distribué, c’était l’aboutissement de plus d’une année de travail. Les événements ont fait que la présentation au public a été un peu compliquée. Nous n’avons par contre jamais souhaités le réenregistrer avec Vincent. Le disque est terminé, il a été fait comme ça. Le retoucher aurait été absurde. Dans la logique des choses, Thomas aurait du quitter AqME avant l’enregistrement ou après la tournée. Ca n’a pas été le cas, nous avons fait avec, même si cela s’est avéré dommageable pour la sortie d’Epithète, Dominion, Epitaphe.

Pouvez-vous présenter le contenu de ce fameux EP, qui accompagnera donc le disque dans sa version digipak ?

Vincent : L’EP s’appelle Les Sentiers de l’Aube. Il sera constitué de trois titres totalement inédits, ainsi que de trois morceaux enregistrés en live. En ce qui concerne les nouveaux morceaux, notre label nous avait demandé d’en faire un ou deux. Nous avons été un peu plus gourmands, Etienne ayant été très créatif. Nous devions bien ça à At(h)ome. Personnellement, j’avais très envie d’enregistrer du AqME inédit avec ma voix et mes mots. Nous avons vraiment fait dans le brutal, les trois morceaux sont bien énervés.

Etienne : Nous n’avons eu qu’un court laps de temps pour composer. At(h)ome a avancé cette possibilité au mois de mai, il fallait que tout soit enregistré pour fin juillet. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de s’attarder sur la composition, de calculer. Le groupe sortait tout juste d’une grosse période de changement, l’album était en bacs depuis seulement quelques semaines. Nous n’étions pas vraiment dans l’optique d’écrire de nouveaux titres.

 

AqME

 

Ces compositions ont été construites sur des idées totalement nouvelles, ou le groupe disposait déjà de bribes de morceaux ou de chutes de studio ?

J’avais attaqué l’écriture de nouveaux titres dès la sortie d’Epithète, Dominion, Epitaphe. J’aime travailler de cette façon, ne jamais perdre la main. Le groupe reste créatif à partir du moment ou il ne s’accorde aucun répit. Il est nettement plus compliqué de remettre la machine en route après un arrêt, qu’importe la durée. J’avais déjà commencé à réfléchir sur les bases de deux compositions, qui figureront donc sur l’EP à venir.

Vincent : Quand Etienne parle de « bases », les titres sont en réalité quasiment bouclés (rires). Il en a d’ailleurs encore un sous le coude, tout juste « commencé ». Le morceau est en fait déjà là.

Etienne : Même si nous avions des idées, nous n’avons pas eu le temps de nous attarder sur les détails. En ce qui concerne le dernier inédit, la structure a véritablement été fixée au cours de la dernière répétition. C’était en flux tendu.

Vincent : Cet EP est brut de décoffrage, il a été préparé sans pré-prods. C’est vraiment le ressenti du moment, il risque de surprendre certaines personnes. C’est un peu un point d’exclamation, encore plus violent et crié qu’Epithète, Dominion, Epitaphe. Nous avions envie de matérialiser l’envie d’en découdre qui régnait dans le groupe sur le moment, cette envie de se lâcher sur scène. Je ne sais pas de quoi le futur sera fait, mais sur les planches ca va être méchant. AqME a la rage.

Etienne : C’était naturel, nous avons fait les choses spontanément.

Pour AqME, cette approche de l’enregistrement était presque nouvelle. Cet EP est presque l’antithèse d’Epithète, Dominion, Epitaphe dans sa conception…

Très clairement. Nous avions des choses à sortir, notamment la frustration des derniers mois. Cet EP se profile comme un véritable exutoire.

Vincent : Epithète, Dominion, Epitaphe avait nécessité une très longue période de composition. Ici, le groupe a fonctionné de manière totalement différente. Nous avons pris conscience de la virulence des compositions après coup. Je me souviens avoir reçu le premier mix de Magnus – Lindberg, en charge du mixage – cet été. J’étais au bord de ma piscine, le son était si lourd que j’ai presque cru à des erreurs de mixage.

AqME avait pris l’habitude de travailler avec des pointures en matière de production. Si Magnus Lindberg assure une nouvelle fois le mix, qui se cache derrière l’enregistrement ?

Etienne a assuré l’ensemble des prises.

Etienne : Ce n’était pas vraiment une première pour moi, même si je n’avais jamais endossé ce rôle pour AqME. J’ai par contre pris en charge l’ensemble des pré-prods du groupe depuis maintenant deux ans. En ce qui concerne la production, j’ai eu l’occasion de travailler avec Memories of a Dead Man, dont l’album est sorti cette année.

Vincent : Pour en revenir à l’EP, c’était vraiment une expérience intéressante. Nous avons fait ça à la maison, dans la salle de répétition. Tous les morceaux ont été enregistrés au casque, donc les conditions étaient loin d’être aussi confortables que pour Epithète, Dominion, Epitaphe. Le son est pourtant énorme. Si AqME retourne enregistrer dans un véritable studio, ce qui va en ressortir risque bien d’être encore plus écrasant.

Vincent, tu attaques presque la composition « sans préliminaires », avec seulement quelques dates dans les pattes…

En effet. Etienne m’a beaucoup aidé à aborder l’écriture. Il ne voulait surtout pas que j’essaye de faire les choses comme Thomas. J’ai quand même essayé de rester dans l’esprit d’AqME, même si après lecture des textes il semble que mon côté ressorte de tout ça. Je pense que nous sommes restés dans l’ambiance propre au groupe, même si le chant est nouveau. Une voix reste personnelle, donc je ne ferais jamais véritablement comme Thomas. Les textes sont venus rapidement, les instrumentions m’ont inspiré de manière instantanée. Ca fait maintenant onze ans que je fais de la musique, mais j’ai pu prendre conscience que j’avais encore des choses à apprendre. C’est très agréable de travailler avec Etienne, il est de bons conseils. Il m’a un peu transmis ce qu’avait enseigné Daniel Bergstrand au groupe. J’ai découvert certaines facettes de ma voix sur cet EP, Etienne m’a aidé à greffer un côté hargneux et rageur à ces morceaux.

Etienne : C’était bénéfique que Vincent n’ait pas eu le temps de trop calculer. C’est brut, spontané. Il n’a pas véritablement eu l’occasion de penser à ce que les gens pouvaient attendre de lui, et donc d’apporter trop de modifications à ses idées. C’était parfait.

Les labels sont particulièrement impactés par la crise du disque. Rééditer Epithète, Dominion, Epitaphe quelques mois après la sortie initiale n’est pas une opération trop casse-gueule pour At(h)ome ?

Je ne sais pas. Mais le soutien apporté par At(h)ome est incroyable. Nous sortons un disque alors que notre chanteur historique a quitté les rangs, et pourtant ils nous proposent d’eux-mêmes de préparer une nouvelle version de cet album. Le label croit en nous et en notre avenir, c’est rare. S’il n’y a pas eu d’édition limitée à la sortie, c’est en partie parce que nous ne savions pas vraiment de quoi l’avenir serait fait. Est-ce qu’AqME allait splitter dans les six mois ou poursuivre l’aventure, rien n’était véritablement fixé sur le moment. Il ne fallait pas qu’on déçoive At(h)ome sur ce coup là, nous avons mis les bouchées doubles sur ces nouvelles compositions. Et cette proposition nous a permis d’aller de l’avant. AqME n’a jamais baissé la garde, mais cet EP nous a remis le pied à l’étrier.

Vincent : Nous avons de plus bénéficiés d’un accueil incroyable de la part du public parisien au cabaret sauvage. At(h)ome a proposé presque immédiatement derrière cette réédition. Il fallait attraper la perche et foncer, relancer la machine.

Etienne : Moralement, c’était dur. Je ne suis pas certain que les gens puissent en avoir véritablement conscience. Quand tu partages le travail, les amusements que la vie de groupe peut proposer, des longues périodes d’enregistrement… Et que tu perds certains musiciens après douze ou treize ans de groupe, tu as toujours la peur de l’abandon. Cet EP est arrivé au bon moment.

Vincent : J’ai vu le sourire revenir sur les visages. Pour autant, je n’ai jamais eu de doutes concernant mon engagement avec AqME, même lors des premières semaines. Etienne a su me parler, je suis là pour envoyer et je fonce autant que possible.

Personnellement, j’ai un discman et je trouve ça rock’n’roll. Qu’est-ce que c’est d’être rock’n’roll pour vous aujourd’hui ?

Etienne : Faire ce que l’on a envie de faire. Etre passionné par la musique. Vincent répète cinq fois par semaine, en plus de son travail. Il bosse toute la journée, parfois la nuit, et pourtant il assure encore des concerts tous les week-ends.

Vincent : S’accorder cette liberté, même si elle devient de plus en plus difficile à obtenir. Etre rock’n’roll, ce n’est pas picoler et vomir à des soirées.

Et que manque-t-il à la scène française pour créer la même émulsion qu’au début des années 2000 ?

Je pense qu’il faudrait déjà que les groupes arrivent à se parler et à s’entraider. Mais d’expérience, je sais que c’est très compliqué.

Etienne : C’est une bonne question. Je crois malgré tout que pour que le metal parle aux gens, il faut utiliser leur langue. Il y aura des gens pour nous cracher dessus ou nous dire que nos textes sont à chier, mais les seuls groupes qui ont marqué ces trente dernières années chantaient en français. On peut citer Trust, Noir Désir, Lofofora, Mass Hysteria, Eths… Il y a bien évidemment Gojira qui cartonne, mais c’est une exception. Bien sur, ce n’est actuellement pas la mode, et le fait de chanter en français emmerde les true metalleux qui essayent de nous faire la leçon. Si les allemands ont réussi à imposer Rammstein au monde entier alors que la langue est pourtant assez peu mélodique et accrocheuse, je ne vois pas pourquoi les groupes d’ici devraient se priver d’utiliser le français. Peut-être que dans dix ans, nous serons confrontés à une nouvelle vague de groupes chantant en français… C’est dommage car il y a aujourd’hui bon nombre de formations hexagonales qui témoignent d’un très bon niveau mais qui ne parviennent pas à fédérer comme il le devrait. Je pense notamment à Darkness Dynamite, Memories of a Deadman ou The Butcher’s Rodeo. Ces groupes sont pourtant bien meilleurs que nous à nos débuts. Je pense que les français ont envie d’entendre des groupes en français.

Merci à Etienne et Vincent, à Robin chez At(h)ome ainsi qu’à l’équipe de l’Arsenal à Nogent le Rotrou.

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