Dixième édition des Froggle rock, c'est la date ultime pour moi qui annonce à la fois la fin de la saison musicale et le début d'une suivante. Chaque année se réunit dans une affiche intéressante une vingtaine de groupes. L'année dernière nous avions eu le droit à Mass Hysteria et Lofofora en tête d'affiche. Cette année ce sont K2R Riddim, La Ruda, Freedom for King Kong, No One is innocent, Amanda Woodward, Two tone club ou encore Do Or die qui se succèderont sur les deux scènes de ce petit festival. Le week-end s'annonce fort en décibel et c'est avec Loïc et Thibo de K2R Riddim au micro qu'il commence ! {multithumb thumb_width=450 thumb_height=300}
Cap'tain Planet : Que signifie l'expression « Décaphonik » ?
Loïc : On a cherché un titre original qui permettait de rassembler 10 personnes et 10 vibrations différentes dans un album. On a essayé de trouver un dénominateur commun à tout ça. Ca permettait aussi de conceptualiser un titre.
C : Est-ce que cet album est un tournant dans l'histoire de K2r Riddim ?
L : Il est dans le prolongement de notre évolution musicale. Par contre c'était pour nous la première fois que nous travaillions dans des studios renommés avec des personnes intéressantes (Tyronne Donnie, ancien clavier des Waylers qui a fait al réalisation artistique de l'album.). On s'est prit des claques en travaillant avec des professionnels et au final la production est largement meilleure que sur les précédents albums.
C : Quels sont les échos que vous avez reçus depuis la sortie de l'album ?
L : Autant il y en a qui vont aimer la tournure qu'on a prit sur cet album et autant il y en a qui vont être nostalgiques des précédents albums parce qu'à chaque fois on a essayé de pointer des styles et des périodes différentes de la musique jamaïcaine. En plus à chaque fois la production était différente donc on a des sons qui différent d'un album à l'autre. Y en a qui vont dire qu'ils préfèrent le côté rock-steady roots de Carnet de roots alors que d'autres vont préférer le mélange de style de Décaphonik.
Thibo : C'est vrai que nos albums ont toujours proposé un panel large de styles mais là, pour cet album la production diffère vraiment. On a eu l'opportunité de faire un travail en studio, on s'est donné les moyens et on s'est fait plaisir. Certains préfèreront, et c'est sûr, l'authenticité, c'est-à-dire le côté plus proche du live des précédents albums. Même nous au sein du groupe on est partagé mais on est tous d'accord pour dire que c'est quand même notre meilleur album dans le sens où c'est celui où on a prit le plus de temps pour donner notre trip. On a beaucoup appris sur cet album pour ce qui est de la production et de la composition puisque les anciens albums c'était des morceaux qu'on jouait déjà en live et qu'on a enregistré ensuite dans une grange avec des doudounes car il caillait. On enregistrait vraiment à l'arrache en 1998 et maintenant on est passé à des séances de studio, un côté très professionnel.
C : Considérez-vous cet album comme plus festif que les précédents ?
L : Pas du tout … Je ne pense pas qu'il faille considérer nos albums comme festifs. Le côté festif est représenté en live. Il y a bien sûr des morceaux qui vont toujours fédérer la fête et la joie dans le texte plutôt que la revendication. En plus les instrumentaux sont là pour donner envie de danser mais parfois il c'est l'inverse …
T : C'est comme dans la vie de tous les jours, il y a des moments où tu ries et des moments où tu pleures. On aime bien faire des morceaux très ambiancés qui réveillent en l'auditeur une émotion. C'est pour ça qu'il y a des morceaux festifs, des morceaux graves, des morceaux parfois sans textes (juste avec des cuivres) pour que ce soit purement dédié à la fête, etc…
C : J'ai l'impression que vous avez laissé plus de place à l'expérimentation musicale en ajoutant des pointes funky, etc…
L : On a voulu sortir du lot et c'est vrai que des membres du groupe s'étaient mis à écouter de plus en plus de vieux cds de funk, de soul, etc… Et il s'est avéré qu'on s'est demandé pourquoi on ne mélangerait pas la musique jamaïcaine que l'on aime avec tout ça. En plus ces musiques ne sont pas dissociables car elles ont influencés la musique jamaïcaine. C'est le côté nouveau de cet album. On a aussi ramené de nouveaux instruments : des cordes, des bois, des percussions … On fait ça pour se surprendre et aussi pour surprendre les gens.
T : En plus à côté de ça c'est des choses qu'on a toujours fait pour s'éclater entre nous lorsqu'on fait des beufs. C'est des choses qui nous ont toujours influencées, on a eu du temps pour préparer cet album et on a aussi eu le temps de poser des choses comme ça pour se faire plaisir. On a imprimé un côté de K2r Riddim en enregistrant des choses nouvelles, peut-être qu'un jour on fera même du reggae-hard parce qu'on aura le feeling sur cette musique … (rires).
C : Comment caractériseriez-vous chacun de vos albums en quelques mots ?
T : Le premier album est très roots, très sixties, très studio jamaïcain des débuts du reggae. En plus ce sont des morceaux très proches du live. Le second album s'est un peu plus attardé sur la période Marley même s'il y a des morceaux ska et si c'est très varié dans les rythmes. On s'approchait du reggae des années 70-80. Et là pour le dernier on a pioché dans toutes nos vibes.
C : Dans quel état d'esprit étiez-vous au moment d'enregistrer Décaphonik ?
T : Un peu stressé parce qu'il y avait Tyronne Donnie …
L : Je pense qu'on avait envie de répondre à une attente du public. On n'avait pas vraiment le droit à l'erreur. On avait envie de mettre le paquet mais rester nous-mêmes. En plus, en travaillant avec des pointes on ne voulait pas rater ça. La préparation a été assez difficile car nous tournions en même temps mais sur le coup on s'est vraiment fait plaisir.
C : Qu'est ce qui vous a donné le plus de fil à retordre ?
L : Je pense que c'était pouvoir avant tout se mettre sur la même longueur d'onde. Les intervenants qui venaient nous aider étaient là pour trancher sans nous obliger à choisir quoi que ce soit. Après bien évidemment il y a les moyens pour enregistrer qui sont toujours difficiles à trouver puisqu'on est indépendants, il faut trouver des fonds, trouver un entendement avec notre distributeur, etc…
C : Quelle est la recette d'une bonne chanson de K2R Riddim ?
T : Il faut que la majorité des membres ait le bon feeling dessus. Il ne faut pas que quelqu'un rechigne à la jouer. Après il n'y a pas vraiment de recette. Il faut juste que la mayonnaise monte pour tout le monde.
C : Vous avez parcouru un bon chemin depuis vos débuts, qu'attendez-vous désormais de votre musique ?
L : J'espère que ça continuera à faire ce que ça a souvent fait : que les gens rentrent dans la salle avec des soucis et qu'ils repartent joyeux avec plein d'énergie. J'espère que les gens repartiront à chaque fois avec de bons souvenirs et qu'ils s'identifieront à nous en se disant qu'ils ne sont pas les seuls à penser ça. Il faut qu'ils arrivent à se défouler …
T : Il faut qu'on éprouve le même plaisir qu'au premier jour. Il ne faut pas qu'on se repose sur nos lauriers. Il faut qu'on garde notre énergie pour résister le plus longtemps et pour pas qu'on dise qu'on faisait partie d'une « vague reggae ».
C : Concrètement quels sont vos objectifs actuels ?
T : Notre actualité : Lord Bitume, chanteur de Lokoss, groupe de ragga de Lille vient chanter avec nous. En fait depuis Décaphonik il y a deux musiciens qui sont partis du groupe donc on se fait plaisir à inviter des gens qu'on apprécie : Lord Bitume de Lokoss et aussi Tim Mike le chanteur de Mister Gang. Ces chanteurs nous ont donné un autre feeling et une autre énergie qui nous fait du bien. En plus on a des morceaux en commun pour la sortie d'un prochain album. Sinon on a prévu de sortir un DVD car ça fait maintenant deux ans que des personnes nous suivent pour montrer ce qu'est un groupe autoproduit. Il y aura donc des concerts et des reportages sur ce DVD qui devrait sortir au mois de janvier. On pourra retrouver toutes les étapes de la production d'un album, une heure et demie de concert, etc…
C : Cette semaine Yelen et Tripsychord sont morts, qu'est ce que cela change pour vous ?
T : Nous on n'a pas de maison de disques, on a juste Wagram qui distribue nos albums. On s'est arrangés pour être totalement libres de nos actes. On travaille en commun sans pour autant se marcher dessus … Pour ce qui est de Yelen et Tripsychord ça fait mal au cœur car le gouvernement est en train de dégager toutes les structures qui ne passent pas par des circuits classiques tout simplement parce que financièrement ça ne tient pas la rampe. On a eu à faire avec Tripsy, c'est des gens super motivés, qui ont fait des compils qui ont sortis notre live et qui ont surtout bien bougé leur cul pour des groupes qui bossent avec le cœur.
C : Quels seront selon vous les conséquences de la disparition de ces deux labels sur la scène française ?
L : Je pense que les groupes qui démarrent et qui cherchent à garder leur identité vont devoir attendre longtemps avant de tomber sur un réalisateur ou un producteur qui voudra s'occuper d'eux.
T : Le risque c'est de voir disparaître les circuits parallèles et underground qui permettent à de nombreux groupes de vivre de leur musique.
L : Par exemple les webzines et les fanzines … En plus ils sont sources de diversité comme les labels dont on a parlé, ce sont des gens qui évitent d'écouter les grandes ondes et qui cherchent de nouvelles sonorités en cherchant ailleurs, en écoutant ce qu'on fait à l'étranger, etc…
T : L'art va passer en arrière plan …
C : Quelles sont les raisons selon vous de la disparition de ces labels ? Est-ce la multiplication d'offres intéressantes comme les compils Small axe et les albums à moins de 15 E ?
T : Non je ne pense pas. Au contraire, ce sont des compilations qui se sont très bien vendues et qui ont permises de faire découvrir de nombreux artistes. Je pense que ce qui a coulé le label c'est qu'il y a des groupes qui ne pouvaient plus tourner parce que ça n'était plus viable pour eux. C'est très dur de bosser la semaine et d'aller tourner le week-end, rien que tenir un an il faut être fort. Si on empêche ces groupes de tourner et de vivre de leur musique, on empêche en même temps Tripsychord de décharger ces groupes et de leur faire gagner de l'argent. Du coup on fait couler Tripsychord puisque les groupes ne ramènent plus d'argent au label. C'est comme une chaîne alimentaire …
C : J'ai vu sur la pochette de l'album un bandeau incitant à ne pas graver les cds, quelle est votre position sur le téléchargement ?
T : En réalité on a rien contre, on veut juste un peu civiliser les gens et leur expliquer qui si par exemple un gars achète Loris à sa sœur, Johnny Hallyday à sont père et qu'il se grave la musique qu'il aime, il soutient Universal et les autres majors mais pas ceux qu'il aime.
L : Le téléchargement est favorable aux indépendants, il permet de se faire connaître plus facilement. On n'est pas des saints, on a nous aussi gravé des cds, copiés des vinyles en cassettes, etc… Il se trouve que les gens n'ont pas les moyens de se payer les cds originaux car ils sont trop chers. Il y a trop de parasites qui s'en mettent plein les poches entre la composition et la vente d'un album et c'est ça qu'il faut changer.
C : Qu'écoutez-vous ?
T : J'écouterai toujours ce qui est reggae, studio One, rock steady. En ce moment j'écoute beaucoup Lokoss.
L : J'aime bien les vieux sons, j'écoute aussi un peu d'électro et dernièrement j'écoute Benny man.
C : La question stupide : Préféreriez-vous que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en vous voyant ?
L : Qu'elles s'évanouissent pour que j'aille les réanimer et qu'elles pleurent de joie.
T : Moi je regarde que les filles du dernier rang car elles attendent près des loges !
Merci à l'organisation du festival Froggle Rock, vous êtes tellement gentils ! Merci à Loïc et Thibo ainsi qu'au reste de K2R Riddim pour les chaudes soirées qu'ils nous offrent !