Cap’tain Planet : Pouvez-vous nous décrire votre univers ?
YO/BULL : Bullshit Inc. Avant d’être un groupe de musique, c’est d'abord une aventure humaine, celle de Lole et Yo/bull, qui en 1996 ont décidé d’unir leurs motivations et créativité et réaliser un projet commun, qui au final est devenu Bullshit Inc. Ensuite, c’est devenu une aventure humaine, 12 changements de line-up au compteur en 10 ans, ce qui explique le temps que nous mettons à sortir nos albums. Enfin, au-delà de ça, le groupe a pour univers la réalité du quotidien, autant que l’imaginaire tiré de nos lectures, visionnages ou délires persos et communs.
C : Comment décrivez-vous les ambiances mises en place par Bullshit Inc. au travers de ses compositions ?
YO/BULL : Comme un mælström d’influences musicales, car nous écoutons beaucoup de choses stylistiquement différentes, et aussi une interactivité entre le sens du texte, le ressenti que l’on éprouve en composant le riff, les tessitures des samples et autres sons que l’on bidouille. On ne prétend pas inventer un style de musique, ce serait au-delà du prétentieux, mais nous ne nous posons que peu de questions relativement au style musical, ou à la tendance du moment. Bien que je reconnaisse être parfois influencé par certaines musiques que j’écoute, mais c’est toujours une question de feeling…canalisé dans le sens que l’on ressent. Mélancolie, agressivité, hargne, colère, joie et peine, lumière et noirceur se chevauchent et s’entremêlent, et ça donne ce que vous écoutez.
C : Quelles émotions essayez-vous de faire passer à l’auditeur ?
YO/BULL : Nous n’essayons rien. Ca peut paraître prétentieux, mais, à notre avis, la seule chose qui compte c’est de toucher l’auditeur, peu importe sur quoi se portera sa réflexion, le frisson, c’est le plus important. Je veux dire que pour nous, chercher à calculer un effet revient en somme à enlever une partie du résultat. Chacun possède sa propre sensibilité, à chacun de vivre notre musique comme il l’entend. Certaines personnes la vivent comme une expérience envoûtante, d’autres y trouvent mélancolie et tristesse, alors que certains préfèrent l’énergie dégagée par la dynamique du live…à chacun son paradis.
C : Etes-vous influencés ou cherchez-vous à produire une musique entièrement personnelle ?
YO/BULL : Curieux de tout, et pas seulement en musique, nous nourrissons notre créativité de nos expériences, et donc fatalement, il en résulte que nous pouvons être influencés par quelque chose qui nous touche, nous émeut. Mais la plupart du temps, on ne calcule pas, on fonce. De la spontanéité avant tout. Après seulement, si nécessaire, on calcule, on affine, on canalise.
C : Vous avez splitté juste avant la sortie de « Replikant » avant de vous reformer rapidement. Quelle en était la cause ?
YO/BULL : Trop de trop mauvaises choses, pression, ras-le-bol, pour certains, manque de motivation, pour d’autres, peur de l’inconnu et de la précarité d’être musicien en France, et ce malgré l’intermittence. Mais chacun sait qu’ici bas la vie de saltimbanque est très mal vue, car les gens de pouvoir aiment à utiliser les spécificités de chaque profession pour diviser le peuple. Jalouser le voisin est beaucoup plus facile que de chercher à comprendre les vraies questions aux problèmes sociaux. Un musicien, depuis la médiatisation de la réforme du statut d’intermittent est trop souvent perçu comme un nanti qui vit sur les allocations chômage, pour lesquelles il cotise, de part sa déclaration d’embauche, que comme un précaire, ce qui est pourtant la réalité de beaucoup. Mais l’amour de notre groupe nous a à nouveau réunis, avec comme but de reprendre là où on était malgré ceux qui ne le désiraient pas, aidés en cela par ceux qui sont aujourd’hui des membres à part entière de la famille Bullshit Inc.
C : Comment se sont intégrés vos nouveaux membres (guitariste et bassiste) dans la composition des titres ?
YO/BULL : A ton avis ? Tout le monde s’intègre à tout après un bonne soirée arrosée, puis un petit passage par l’équarrisseuse, pour finir par une lobotomie des familles, et hop !, le tour est joué. Je te rassure, tout s’est très bien passé. Christophe (le bassiste) est un ami de longue date, Lole (batterie) est même le parrain de sa fille ! Quant à Alban (guitare), c’est lui qui nous a directement sollicités, ayant appris notre situation. On peut dire que les liens du clan se sont resserrés autour d’un noyau dur comme fer, qui fait que l’on peut aujourd’hui parler de famille Bullshit. Faisant ce constat qui est qu’avec autant de gars motivés, il eût été criminel de ne pas se remettre en selle, non ?!?
C : Vous avez des textes revendicatifs, quels sont les thèmes qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
YO/BULL : Tout ce qui touche à l’abus de pouvoir, d’argent, et en général tout ce qui bafoue les règles élémentaires du respect. Que ce soit contre un peuple, un sexe, la vie animale, ou végétale, nous sommes insoumis aux tendances qui font que l’on accepte sans combattre les choses que l’on nous présente comme étant des fatalités, des calamités auxquelles nous ne saurions trouver de résolution. Je considère que le genre humain, en étant l’espèce la plus « intelligente » du genre animal, à pour devoir de faire respecter l’équilibre entre les tous les paramètres qui composent la Vie sur Terre. Je sais que c’est actuellement une tendance « à la mode » dans le métal d’avoir une « conscience écologiste », mais je le répète, la mode je m’en fais un torche-cul, pour parler crûment… La prise de conscience de certaines réalités est importante à nos yeux, même si nous savons qu’une chanson ne changera pas le cours de l’Histoire, peut-être par naïveté, on persiste à le crier haut et fort, quitte à être mal perçu. Nous faisons toujours les choses de la manière dont on les ressent le mieux.
C : Vos textes sont plutôt pessimistes, non ?
YO/BULL : Réalistes. La vie quotidienne nous démontre que les sujets abordés dans nos morceaux sont loin d’être obsolètes, ou hors de propos. Je ne sais pas si dans ta ville la vie est belle, mais à Perpignan, la vie est tendue comme une corde d’arc. On a encore en mémoire les émeutes qui ont suivi les doubles meurtres, et encore à l’heure où j’écris ces mots, on sent dans l’air de l’électricité, comme si tout pouvait repartir et s’embraser à la première provocation de la part de l’un des deux antagonistes. D’où la nécessité de chercher les causes des problèmes qui nous engluent dans ce marasme de dépression, poser les questions qui dérangent, inviter l’auditeur à participer à notre quête de réponses, fédérer autour d’une idée…. Être citoyen, s’impliquer à son niveau, dans son milieu sont, entre autres, des choses qui nous tiennent à cœur. {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
C : « Replikant » est sorti depuis quelques temps désormais, quels sont les retours que vous avez eu ?
YO/BULL : Depuis que Schizophrenia records, le label sur lequel nous sommes, a mis l’album dans les bacs tout semble se passer au mieux. Compte tenu que la restructuration du groupe, la formation des nouveaux membres, la composition de nouveaux titres, la recherche de partenaires, de structures, de dates, la promo et les concerts sont à faire simultanément. Et sachant que Bullshit n’est pas un groupe ni subventionné, on peut dire que tout va aussi bien qu’il est possible que cela se passe. De plus, j’étais jusqu’il y a peu le seul intermittent du groupe, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Merci à notre gouvernement de sacrifier des pans entiers de population pour justifier de leur politique partiale, et ségrégationniste. Nous avons tous des activités professionnelles annexes pour subvenir à nos besoins, et des familles à charge, pas plus pas moins que tout le monde, mais ça ne facilite pas les choses. Alors, on fait ça avec la furie et la foi, pour paraphraser la Fonky.Family., et il nous est agréable de voir quelquefois que le résultat des luttes que nous menons, nous apporte autant que ce que l’on dépense en énergie pour l’obtenir. Quoi qu’il en soit, le meilleur des mercis est encore de venir s’éclater lors de nos concerts. Et le meilleur soutien, de se procurer l’album.
C : Quelles sont les aspects que vous souhaitez améliorer pour le prochain album ? Avez-vous retravaillé vos titres pour la scène ? Si oui, de quelle manière ?
YO/BULL : Probablement élargir le champ d’action au niveau style, sans y perdre l’âme de Bullshit Inc. Plus de bons riffs métal et de samples, creuser plus profond dans les styles et continuer à garder la dynamique de percussion que l’on a obtenu sur Babel 1000, ou Chysalide. On pense à plein de choses, de l’acoustique, du remix, de la re-composition….Ca turbine, mais le temps n’est pas élastique…
C : Combien de concerts avez-vous à votre actif ?
YO/BULL : 200, en 10 ans….Pas trop pire, pour des d’jeun’s qui n’avaient rien pour se développer, nous venons de signer avec Old School prod. pour le management et le booking, au niveau structures dans leur région d’origine. Mais rien n’est statique, et il est parfois possible d’être un peu aidé par quelques personnes dont le poste au sein d’une salle nous permet d’y poser nos valises pendant deux à trois jours…mais ici bas, décidément, rien ne vient sans peine, si l’on n’est pas riche et puissant…Ceci dit, c’est pas nouveau comme fait….lol !
C : Est-ce que vos prestations live possèdent quelque chose de particulier ?
YO/BULL : Nous travaillons notre set dans le but de proposer un show le plus proche du ressenti que nous avons par rapport à l’album, ce qui pourrait inclure des effets vidéo, ou de la pyrotechnie, mais d’une manière plus « théâtre de rue », c'est-à-dire, lorsque les structures nous le permettent, faire venir des jongleurs, et cracheurs, de feu sur scène. Mais tout cela demande beaucoup de moyens financiers, et notre situation est plutôt modeste sur ce plan là.
C : Avez-vous une recherche esthétique particulière ?
YO/BULL : La simplicité, pas de paillettes, ni de glamour, ça correspond assez peu à notre style. Nous aimons à rester nous même, et à ce que notre musique ressemble à qui nous sommes.
C : Quelles sont vos relations avec Schizophrenia Rec. et French Metal ? Quels sont leurs apports ?
YO/BULL : Tous des cons, t’façon, c’est clair, on se hait…. (rires) Non, il se trouve que Petebull et Keish (les Boss de Schizophrenia Records) sont des gars formidables, qui font leur maximum pour que le rêve soit possible avec l’authenticité et la dévotion de passionnés… Quant à French Metal, j’ai le sentiment que sans leur présence au niveau underground (déjà trois compilations à leur actif en deux ans…qui dit mieux ?), la découverte de la scène française serait bien morne. Donc, merci et chapeau bas à ces deux structures de l’underground qui oeuvrent pour la cause du Métal, dans son ensemble.
C : Quel regard portez-vous sur votre région en matière de musique ?
YO/BULL : Les jeunes se battent et se bougent, les structures publiques de l’Etat Français ne suivent pas. Il ne nous appartient pas de juger de la forme, mais il semble qu’au fond, et ce d’aussi loin que je me souvienne, rien n’a vraiment changé. On bâtit des salles, et fait campagne sur le thème des jeunes sans moyen, s’alliant ainsi leurs suffrages, puis, une fois les budgets votés et alloués, on oublie bien vite de renvoyer l’ascenseur… A chacun de voir s’il adhère, ou pas aux démarches démagogues de nos élus. Ceci dit, l’underground s’organise et se structure, vaille que vaille, mais ça reste parfois insurmontable, car même parmi nous, il y a des esprits chagrins qui se délectent de voir se casser le nez certaines orgas, au détriment du bien commun…
C : En quel sens la musique vous permet-elle de vous exprimer ? Pourquoi avoir choisi ce style musical pour vous le faire ?
YO/BULL : Catharsis de toutes nos frustrations et opinions, la musique est l’exutoire à notre malheur, là encore, rien de nouveau sous le soleil ; on a choisi un style musical au champ large, de façon à pouvoir exprimer l’intégralité de nos feelings respectifs, à l’image du blues, qui, quand il est énervé est qualifié de rhythm n’ blues, parfois de soul, quand il se fait langoureux et mélancolique. Free Ride Core, pour ne pas dire Anti-Boundary Métal (Métal anti-frontières).
C : Quels sont vos objectifs actuellement ?
YO/BULL : Tourner le plus possible pour défendre sur scène cet album qui nous prend aux tripes, gagner en maturité, encore et encore, pour améliorer notre processus créatif. Pondre de meilleures compositions, pour faire en sorte que le successeur de Replikant lui soit supérieur, ou du moins, éviter de répéter inlassablement le même schéma créatif, même si nous savons parfaitement que certaines choses ne vont pas changer radicalement, car nous restons les musiciens que nous sommes, et malgré le travail technique, ou de recherche de nouvelles voies, notre fond sera toujours qui nous sommes, c'est-à-dire BULLSHIT INC.
C : La question que je pose à tous les groupes : Préféreriez-vous que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en vous voyant ?
YO/BULL : Dans nos contrées, les filles crient comme le faisaient les fans des Beatles, donc, par chez vous, à moins qu’elles ne soient grandes, pulpeuses, peu farouches et topless…ça risque d’être dur à battre !!!
Voilà, merci à vous de l’intérêt que vous nous portez, merci à Shizophrenia Records, French Metal, Old School Prod., L’asso.[K] dense, à tous ceux qui nous suivent. See ya on the road, pour vérifier nos dires…dès octobre si tout va bien. Checkez les news, et les dates sur www.bullshit-inc.net.