Puisqu’on vous a dit que Descendents était un groupe immanquable, nous ne pouvions pas aller décemment au Hellfest sans les rencontrer. Ce fut chose faite à l’espace presse, quelques heures avant un show d’anthologie. Cerise sur la crête, nous avons eu la chance d’interviewer les 2 membres fondateurs : le chanteur Milo Aukerman et le batteur Bill Stevenson. Côté pile une légende du punk rock mélodique. Côté face, deux interlocuteurs épanouis, conscients de leur statut et abordant l’avenir avec sérénité.
Hello Bill et Milo, comment se passe la tournée 2019 jusqu’à présent ?
Bill Stevenson : C’est notre premier jour en Europe. Nous venons d’atterrir hier, et nous restons deux semaines. Nous faisons nos concerts par incréments cette année : trois ou quatre concerts d’affilée, puis nous rentrons à la maison. Et quelques semaines plus tard, on repart sur le même principe. Nous ne faisons plus de longues tournées, personne ne veut ça dans le groupe.
Vous n’avez pas joué en France depuis 22 ans…
Milo Aukerman : Ouah !
Bill : Je n’avais pas réalisé…
… Avez-vous un problème avec notre café 1 ?
Les deux : non !!!
Milo : Le café européen est bon dans l’ensemble (sauf peut-être le café anglais). Et de toute façon, on trouve des Starbucks partout.
Quel est ton café préféré ?
Milo : Espresso, pas trop difficile à trouver…
Avez-vous hâte de jouer en France ce soir ?
Bill : Je suis plus excité maintenant que je sais que nous ne sommes pas venus ici depuis 22 ans. Je ne m’en étais pas rendu compte. Je ne peux pas suivre tous les lieux où l’on joue.
Milo : Je me souviens d’avoir joué une fois à Paris, une fois à Strasbourg.
Bill : Pendant la tournée Everything Sucks, nous avions aussi joué à Bordeaux. Je suis tombé amoureux de leur vin !
Qu’est-ce que le Hellfest signifie pour vous ?
Bill : Nous allons le découvrir, nous ne sommes jamais venus ici.
De manière générale, pendant vos tournées, préférez-vous les petites ou les grandes salles ?
Bill : Les deux sont fun pour des raisons différentes. Ce sont dans les petites salles que j’ai les meilleurs souvenirs de concerts de mon adolescence. Je me souviens avoir vu Fear, The Go-Go’s, Black Flag dans de petits clubs. Pour autant, c’est tout aussi agréable de participer à des festivals avec des milliers de personnes buvant leur bière dans une ambiance amicale. Et on peut profiter du beau temps…. Si je devais choisir, je choisirais les petites salles. Mais je ne veux pas choisir entre les deux !
Maintenant que Milo est à la retraite, pouvons-nous espérer plus d’actualités pour Descendents ?
Milo : Oui, nous allons faire plus de musique, nous sortirons peut-être de nouvelles chansons cette année.
Allez-vous jouer de nouvelles chansons ce soir ?
Bill : non, pas de chanson inédite.
Comment cet album sonnera-t-il ?
Milo : difficile à dire…
Bill : Nous ne faisons jamais de plan sur la comète avec Descendents. Nous ne planifions pas les dates de sortie de nos albums. Nous n’avons pas de manager. D’abord, chaque membre écrit des chansons dans son coin. Et quand nous sommes d’accord sur nos nouvelles chansons, nous les enregistrons. En fait, nos albums ne sont pas vraiment produits : ils sont juste enregistrés. ça sonne comme du Descendents. Nous n’avons pas de stratégie, nous écrivons juste des chansons.
Milo : nous partageons le même amour du punk rock. J’ai du mal à croire que nous puissions un jour nous écarter de ce punk pur et dur, parce qu’on adore ça.
Bill : Attends un peu d’écouter ce que je viens d’écrire… (Milo rit)
Allez-vous suivre une évolution plus politique, comme dans votre single récent Who We Are ?
Milo : Encore une fois, il n’y a pas de plan. Si j’écris une chanson, c’est sur ce que je ressens à un moment donné. La prochaine chanson peut parler de fromage parce que j’aime le fromage.
Bill : Nous avons toujours eu quelques chansons avec un aspect politique. Hey Hey sur notre EP Fat, ou encore M-16 sur l’album Milo Goes to College par exemple. Peut-être un peu plus pour certains membres ? Je ne nous définirais jamais comme un groupe politique. Néanmoins, je ne nous définirais pas non plus comme un groupe qui évite la politique. Cela fait partie de la vie. À mon avis, Who We Are est une chanson humanitaire. Juste un plaidoyer pour être humain. Ne pas laisser ton frère mourir de faim, ou ne pas le laisser dormir sous un banc. Si cela signifie être politique, chaque humain doit être politique alors !
Vous avez sorti un T-shirt avec le club de football allemand St. Pauli. Pourquoi avez-vous choisi ce club ?
Milo : Ils nous ont approché à ce sujet. J’avais entendu parler un peu de ce club de football. Ils nous ont invités à venir. Et c’était amusant, j’aime ce qu’ils font là-bas. Leur football fait une interface avec la communauté en quelque sorte. Collaborer avec eux allait de soi.
Bill, tu as joué dans de nombreux groupes. Quel est ton préféré en tant que musicien ?
Bill : Descendents et All représentent un voyage de longue date. Et pour Descendents, je peux l’appeler «mon groupe». Je l’ai créé quand j’avais 15 ans. Je connais Milo depuis ma première année au lycée. Ce que nous avons fait avec Descendents, cela représente toute notre vie, la trace que nous laisserons après notre mort. Mais ensuite, du point de vue technique, j’ai vraiment aimé jouer avec Only Crime parce que les arrangements de batterie sont très difficiles pour moi. Ces gars-là sont un peu plus jeunes et ils m’ont vraiment encouragé. J’ai apprécié le défi, je trouve que ça m’aide à rester jeune.
Qu’est-ce qui te motive quand tu choisis de jouer avec un groupe ?
Bill : Ce sont toujours des amis.
En novembre 2018, les 2 chanteurs de All 2 ont participé au même concert. Comment est-ce arrivé ?
Bill : Tous les membres ayant joué dans All sont toujours amis. Cela a été facile à organiser. Nous n’avons eu qu’à planifier, réserver la salle et jouer ce concert.
Où préfères-tu jouer ? Dans Descendents ou All ?
Bill : J’aime tout en fait : j’aime les concerts de Descendents. J’aime jouer avec All. J’aime la voix de Scott, celle de Chad. Tout ça, ce n’est que du plaisir…
Que pensez-vous de l’évolution du punk rock ces dernières années ?
Bill : Il y a tellement de sous-ensembles et de fragments différents, des sous-genres de punk rock. Il est difficile de répondre en bloc. Le punk rock part un peu dans tous les sens, cette diversification a du bon.
Et le punk rock “grand public” ?
Bill : Non ça, je n’aime pas du tout.
Milo : J’apprécie le fait que le punk rock soit plus exposé. J’apprécie le fait que plus de gens savent ce que c’est, et peuvent apprécier cette musique. Mais l’inconvénient est que cela devient plus courant, plus banal ou dilué. Je prends le bon et le mauvais.
Votre carrière est longue et prolifique. Êtes-vous toujours passionné ou est-ce devenu comme un travail ?
Milo : J’ai été licencié il y a trois ans et cela a été très libérateur à ce moment-là. Je voulais faire quelque chose de vraiment intéressant, qui me plaise à 100%. La musique me faisait ça, pas mon ancien travail. C’était la première fois de ma vie où je me suis dit « Ok, je vais vraiment devenir musicien ». Et ce fut une période très excitante pour moi. J’éprouve plus de passion pour la musique. Avant, je la traitais plutôt comme un passe-temps, et je manquais de temps pour m’améliorer. Mais maintenant j’ai tout le temps du monde. Je peux essayer d’être vraiment excellent dans ce que je fais.
Et toi, Bill ?
Bill : Ces deux dernières années, j’ai finalement trouvé le bonheur, dans ma vie en général, mais plus particulièrement sur scène. J’avais l’habitude d’être nerveux lorsque nous jouions, d’avoir le trac, d’être quasi-malade parce que j’avais peur. Mal à l’aise car je ne voulais pas qu’il y ait des caméras autour de moi. Inconfortable sur mon apparence, ma façon de parler ou de jouer de la batterie. J’ai travaillé tout cela et je suis très heureux à présent. Je suis très à l’aise et les concerts sont maintenant ce qui me réjouit le plus. Quand tu y réfléchis, c’est tellement cool : nous avons commencé ce groupe quand on avait 15 ans et aujourd’hui, nous sommes toujours là et nous jouons devant environ 10 000 personnes, ça déchire ! J’en profite pleinement, c’est génial.
Bill, en tant que producteur, quels sont les groupes avec lesquels tu as préféré collaborer ?
Bill : Je réponds toujours mal à cette question parce que je n’arrive pas à lister toutes les bonnes personnes. Pour moi, beaucoup de groupes sont devenus comme des membres de ma famille parce que j’ai travaillé plusieurs fois avec eux ou parce que notre amitié a dépassé la période d’enregistrement du disque. Je peux en citer quelques-uns : Rise Against, Propagandhi, A Wilhelm Scream, Good Riddance… Je pourrais t’en nommer plus, mais ce sont les quatre premiers qui me viennent à l’esprit. Je reste très attaché à ces gens et à leurs musiques.
Comment choisis-tu les musiciens avec lesquels tu vas collaborer ?
Bill : Si j’aime leur musique et que je les apprécie, ça aide beaucoup. Cependant, cela ne me gêne pas vraiment si je n’écoute pas ce qu’ils font. Lorsque je m’occupe de leur production, je ne les juge pas. Je m’efforce de capter l’essence de leur musique, et de la retranscrire aussi fidèlement que possible. Je peux le faire même si je déteste leurs chansons.
Quels sont vos projets après la fin de la tournée ?
Bill : Quand nous rentrerons à la maison, la première chose que je vais faire sera de passer du temps à jouer de la guitare avec mon fils. Je vais lui montrer quelques trucs, il commence à s’y intéresser pour la première fois. Et après cela, je dois faire une pré-production pour Rise Against pendant une semaine. Puis, j’irai également chez Milo. Nous avons une poignée de chansons pré-enregistrées et nous commençons à travailler sur les pistes de voix et de basse.
Pour finir sur le prochain album, pouvons-nous nous attendre à une évolution du son Descendents ?
Bill : Les choses se font naturellement, on n’y pense pas.
Milo : Steph et moi avons commencé à écrire ensemble, nous ne l’avions jamais vraiment fait par le passé. Quelque chose de nouveau en sortira à coup sûr. Il reste encore des chansons à écrire…
Remerciements :
Bill et Milo pour leur amabilité et leur disponibilité
Philippine et Élodie d’Him Media pour l’accueil et l’organisation au top
Thibaut et Étienne pour leur aide précieuse dans la rédaction des questions.
1. Le groupe est connu, entre autres, pour être grand amateur de caféine ↩
2. All est le groupe où jouent tous les membres de Descendents, sauf Milo Aukerman↩