C’est l’histoire d’un groupe de rock français né en 2006, à Quiberon, la presqu’île. Ville qu’il appelle communément la Californie de la Bretagne. Déjà, à cette époque, il prétendait que le Rock’n’Drôle était né. Ses membres jouaient, en effet, un rock des années 90 sur des paroles bien aiguisées en humour français. 17 ans plus tard, en l’an de grâce 2023, ils donnèrent un concert grandiose dans une salle de concerts mythique du paysage parisien. Une boîte à spectacles fêtant ses 130 ans cette année, et ayant vu passer les plus grands des plus grands. Je veux, en effet, parler de l’Olympia ! Mais, n’allons pas trop vite. Et revenons en arrière lorsqu’il ne s’agissait que d’un pari complètement fou…
C’est, en effet, le 05 mars 2022 que tout commença. Près de chez eux, à Rennes, Les 3 Fromages débutèrent une longue tournée de plus de 2 ans au Musikam. Un complexe pouvant accueillir 520 personnes au total. 83 dates plus tard, après avoir arpenté la France du Nord au Sud et d’Ouest en Est, prenant même la peine de franchir la frontière en Suisse pour trois dates et une en Belgique, nos quatre amis atterrirent telle la cerise sur le gâteau de la Capitale française pour leur ultime étape. Une idée folle, comme la décrit si bien Eric Brison, son fondateur et chanteur. Guitariste et bassiste à ses heures perdues. Il faut dire que le pari est risqué : réussiront-ils à remplir une salle de 1996 places alors qu’ils ont choisi des lieux modestes pour leur tournée ? Par exemple, à Annequin dans le Pas-de-Calais, la jauge maximale n’était que de 180 places !
Cela ne leur fait pas peur. Pour se donner plus de chances de vendre des places, ils ont une idée lumineuse : créer une page sur Facebook intitulée « Olympiaturage ». Et ça marche ! « Je démarre de Nantes, 3 places sont disponibles ». « Amis périgourdins, je peux vous y amener ». Régulièrement, les annonces viennent enrichir les publications déjà présentes. Les internautes se mettent en relation les uns les autres pour faire la route ensemble. En se partageant les frais, cela réduit considérablement le coût carburant + péage + parking. Au départ de Lille, un fan depuis 2011 propose ses services. Histoire de ne pas arriver en retard, il démarre en début d’après-midi. Les trois passagers sympathisent, et se rendent compte qu’ils ont les mêmes goûts musicaux. Ils ne voient pas le temps passer. Covoiturer joint également l’utile à l’agréable.
Les baroudeurs arrivent enfin. L’Olympia n’est pas très loin. Cinq minutes de marche avec de bonnes enjambées. Une fois sur place, ils contemplent la devanture : « Les 3 Fromages » inscrit en toutes lettres (et un chiffre) ! Pas de doute, même Eric Brison (chant, guitare, basse), Willy Gachet (batterie), Tibo Getz (chant, guitare, basse) et Kevin Rousseau (clavier) ont dû avoir du mal à réaliser ! Beaucoup de personnes sont déjà présentes. Ils prennent le temps de faire quelques prises de vue pour immortaliser tant de beauté avant de les rejoindre en bout de file. Au vu des tristes évènements actuels, la sécurité est renforcée. Des agents de sécurité surveillent l’ordre. Aussi bien chez les fans que parmi les mouvements des passants autour. Les spectateurs sont divisés en blocs à l’aide de barrières. Il s’agit, également, de laisser libres les accès pompiers des édifices adjacents du boulevard des Capucines.
L’attente jusqu’à l’ouverture se compte encore en heures. Le public se retrouve, fait connaissance. Bières et chips sont échangées. Une chanson du groupe est entonnée dans l’un des blocs. L’ambiance monte au fur est à mesure des minutes écoulées. L’heure de l’ouverture des portes arrive enfin. Comme ils l’avaient promis à leurs fans sur les réseaux sociaux, les quatre compères sont là pour les accueillir, ils sortent même sur le trottoir pour aller les saluer un à un ! Avec des sacs remplis de badges ronds noirs où, en plus de leur logo en rose, il est écrit « Les 3 Fromages à l’Olympia » et « J’y étais ». Ils en offrent un à chacun. Quelle bonne idée et quel beau souvenir ! Puis, ils disparaissent à l’intérieur avant que les vigiles n’ôtent les barrières pour permettre l’accès. Une foule se forme rapidement devant le stand de merchandising. Des tee-shirts et des affiches créés spécialement pour l’occasion en quantité limitée sont pris d’assaut.
A l’intérieur de la salle de spectacle, les crash-barrières sont vite occupées par ceux qui veulent être au plus près de la scène. La fosse et le balcon se remplissent à vue d’œil. Lorsque le spectacle commence, on a l’impression que la jauge maxi est quasiment atteinte. Pari réussi pour Les 3 Fromages ! Place à la fameuse « 1ère partie surprise secrète (à ne surtout pas louper) », telle qu’ils la décrivent sur leurs réseaux. Un groupe apparait. Quatre membres. Leur nom ? Les Hardos. Ce célèbre groupe de rock américain tout droit venu de Minneapolis, en plein « World Tour 2023 », fait l’honneur de sa présence pour quatre titres de son répertoire, et une cover des 3 Fromages : « Hey Baybay ». Entre deux, le chanteur s’excuse en anglais de ne pas parler un seul mot de français. Il chante pourtant parfaitement bien dans la langue de Molière, et les titres sont même dans notre langue. C’est bluffant ! Mais… Attendez une minute ! Ne seraient-ce pas des déguisements et des perruques ? C’est incroyable, il s’agit en effet d’Eric Brison, Willy Gachet, Tibo Getz et Kevin Rousseau grimés en membres d’un groupe qui n’existe pas ! Les 3 Fromages avaient prédit plein de surprises, et ça commence très fort.
Lorsque l’immense rideau rouge s’ouvre pour le concert tant attendu des bretons, une musique effrayante se fait entendre. Une grosse voix souhaite la bienvenue aux spectateurs, et annonce le groupe en citant ses musiciens. La scène est traversée de toutes parts par des faisceaux de lumière blanche. Derrière, se dresse un somptueux temple grec où « Les 3 Fromages » est gravé dans la roche. Le même que sur la pochette de leur album « V ». Eric, Willy, Tibo et Kevin font leur entrée à l’annonce de leur nom et rejoignent leur instrument. Les quatre éléments peuvent se déchaîner : « Ouvre les yeux » est le premier titre joué, tandis que des jets de scène sont allumés dans le fond. Willy Gachet et sa batterie se trouvent au centre. A sa gauche, Kevin Rousseau joue simultanément sur ses deux claviers telle une pieuvre. Devant lui, Tibo Getz gratte sa guitare sur une estrade qui crache soudainement une immense colonne de fumée verticale. Quant à Eric Brison, il se déplace partout, micro à la main. Le concert commence non sans panache, pour le plus grand bonheur de la foule qui reprend les paroles à tue-tête en se dandinant.
Dès le deuxième morceau « Ma botte au cul », des invités font leur apparition. Il s’agit du guitariste Titou Macfire et de la violoniste Ana Macfive, du groupe Celkilt. Ils avaient déjà accompagné les stars du soir sur certaines dates de leur tournée. Ils ne sont pas les seuls car Anto, de Soldat Louis, assure une nouvelle fois la partie Uilleann Pipes et Flûte sur « La Vie en Tournée ». Quant à Cachemire, il est représenté par son chanteur Fred Bastar, son guitariste Ron Godd, et son bassiste Seb Le. Sur « Ça c’est vraiment toi », la reprise du groupe Téléphone, Fred divise la foule en deux. Il prend le contrôle de la partie gauche, tandis que Tibo Getz s’occupe de la droite. Le but étant de savoir qui chantera le plus fort. Au total, ce ne sont pas moins de huit titres qui seront joués avec des invités. Comme cerise sur le gâteau, l’apparition des membres du propre staff des 3 Fromages sur « La tartiflette » provoque chez eux une grande surprise. En effet, le groupe ignorait qu’ils prendraient possession des instruments pour les accompagner sur cette chanson.
Et le public dans tout ça ? Lui aussi joue un rôle dans le concert-apothéose de la tournée ! Dès le départ, il reprend les paroles, donne la réplique aux chanteurs. Il ne se passe pas un seul morceau sans sa participation plus qu’active. Il représente dignement les artistes, et c’est une belle récompense pour eux. Une belle reconnaissance, même. Imaginez, sur « La galère d’un pirate », un public qui s’assied en nombre au milieu de la fosse. Tels des rameurs à bord d’un navire, les fans miment leurs mouvements au son des « Ho ! Hisse » chantés. Sur « On est le monde », tous les smartphones ont leur lampe torche allumée. Les stars chantent leur chanson devant une voie lactée en toile de fond. C’est magnifique, c’est intense, c’est émouvant. On comprend pourquoi Willy Gachet a pleuré autant. Quatre fois, selon lui. Il s’est même pris en auto-dérision quand ses larmes ont coulé pendant « La tartiflette ». Il faut le comprendre : comme les acolytes le disent si bien, si on leur avait dit, il y a dix-sept ans, qu’ils joueraient cette chanson à l’Olympia, ils ne l’auraient jamais cru.
Cet immense show, c’est aussi le son et lumière. On le doit à Gwen et Mika, en professionnels accomplis. Cela frise la perfection. C’est à la hauteur de cette salle de spectacle mythique des nuits parisiennes. Le son est pur, calé avec une précision d’orfèvre. Un volume optimal et des effets d’espace maîtrisés. Les chants des spectateurs ne sont pas couverts, mais ne gênent absolument en rien celui qui a envie d’entendre les artistes. Quant à la lumière, non seulement elle éclaire plus que correctement la scène, mais elle occupe absolument tout le volume proposé par l’Olympia. Celui qui se trouve au fond, et qui ne peut pas profiter pleinement du jeu de scène de ses idoles de près, a la chance de profiter de projections sur la foule, les murs et le plafond en parfaite harmonie. Une boule à facettes vient même compléter l’armada des projecteurs pour répandre toutes leurs couleurs partout. Sur « Bienvenue à bord », l’ultime titre en compagnie des guests, Les 3 Fromages ont pensé à des canons à confettis dorés qui tirent au-dessus de la fosse. Les bras se lèvent pour les toucher, les attraper. C’est un feu d’artifice sans étincelle. Chapeau messieurs !
Infatigables, les quatre fantastiques ont tout donné pendant près de deux heures. Pour le plus grand bonheur des chanceux qui ont pu y assister. Dont la famille du groupe, présente dans le public, qui a fait le déplacement spécialement pour l’occasion. Et qui doit, très certainement, être plus que fière de leurs enfants. 17 ans de carrière, 5 albums qui ont tous été représentés par plusieurs titres joués en live. 46.000 fans sur Facebook, 13.000 sur Instagram, 2.000 sur Twitter, 28.800 sur YouTube… Alors que Quiberon ne recense que 4.659 habitants au 1er janvier 2023 ! Des fans venus des quatre coins de France, peut-être même des pays limitrophes. Chez les aficionados, Les 3 Fromages à l’Olympia était l’évènement incontournable à ne louper sous aucun prétexte. Beaucoup avaient coché la date du 20 octobre 2023 sur leur calendrier, pris une journée de congé. Voire plus. Depuis ce jour, Eric, Willy, Tibo et Kevin reçoivent beaucoup de beaux témoignages sur les réseaux sociaux. Eux qui voulaient « comme tout le monde la retraite à 25 ans », d’après les paroles de « La vie en tournée », ils ont encore bien des jours et des années devant eux à être adulés. Un Olympia, oui : ils l’ont fait ! Mais, ne serait-ce que le premier ?
RAGE TOUR et AEG PRESENTS
Crédits photos : Guillaume BOVI