Cachemire – Dernier Essai

Nantes, nouvel épicentre du rock made in France ? Ces dernières années, quelques belles formations émergent de la scène locale. Une possible conséquence de l’implantation proche de festivals qui drainent désormais un public massif, mais également de structures hyperactives qui parviennent depuis quelques années à attirer de belles pointures, le Ferrailleur en tête de liste. Après deux galettes assez confidentielles, Cachemire passe la seconde et conclu un deal de distribution avec l’indé At(h)ome, signature qui fait suite à leur intégration au roster du tourneur Rage. Avec un skeud efficace sous le bras, le quatuor met toutes les chances de son côté pour s’imposer au national.

On apprécie le punk pour ce qu’il est : un bon défouloir, un coup de tatane dans la tronche. De l’énergie brute et speed souvent assortie de propos incisifs, critiques voire démagos. L’approche du genre pourra varier selon les envies des groupes et de leurs publics respectifs : respecter à la lettre et au riff près la stricte définition du genre – les tontons de Pennywise font à ce titre très bien le taf –, ou s’aventurer un peu plus loin quitte à froisser les puristes hardcores. Cachemire adopte globalement cette volonté de ne pas s’imposer de barrières. A l’écoute de ce Dernier Essai, on perçoit clairement les racines et influences du quartet. Les chœurs oï s’invitent de ci et là, les refrains sont bardés de « who who » / « ouh ouh » chaleureux, les morceaux regorgent de grattes abrasives et la rythmique tape grave du pied. Les Nantais couchent sur bandes une belle ribambelle de hits percutants qui déroulent de la mélodie en veux-tu en voilà : difficile de se retirer de la tête des compos comme « Influenceur » ou « Freeman ». Le travail du frontman Fred Bastar – patronyme aussi délicieux que sa petite moustache – est excellent, aussi bien sur les mots que sur le chant. Le tout avec un feeling très live – « Dernier Essai » ou « Criez ! » – si marqué que l’on jurerait les titres capturés en une unique prise.

Parlons un peu gastronomie. Si le fond de la pizza est commun – tomate ou crème, fais ton choix –, quelques recettes proposent une expérience unique. L’hawaïenne par exemple. Un régal si vous voulez mon avis, mais le débat n’est pas là. Cachemire, c’est « base punk » mais esprit pizza hawaïenne. Les mecs te tartinent à gauche et à droite des arrangements qui imposent leur patte. Le disco-punk-rock « Saturday Night » pousse son délire à fond la caisse et déroule un côté kitsch tellement assumé qu’il en devient foutrement accrocheur. Au préalable, on se cogne quelques incursions de cuivres, des touches électroniques, un banjo et une bonne dose de second degré. Le groupe s’en branle clairement de faire du punk dans les règles de l’art mais reste toujours classe. Les Nantais osent la diversité sans jamais rogner sur l’efficacité : Cachemire fait avant tout du TRES BON rock’n’roll. On se marre parfois, mais on en prend surtout plein la poire. Et les textes de Bastar – et sa moustache – sont aussi là pour pointer les dérives les plus ridicules de nos sociétés, le hit-single « Influenceur » en guise de porte étendard de l’album. D’ailleurs, toi qui lis cette chronique, n’hésite pas à la partager et abonne-toi à la page Facebook de Vacarm. Merci.  

On ne va pas pousser le bouchon jusqu’à dire que Cachemire vient de s’affranchir de l’album de l’année, mais les quatre gars balancent un très bon troisième album qui ne se répète jamais et se dévore sans problème du début à la fin. Et accoucher d’un disque sur lequel le public de 2022 va tenir quatorze titres sans zapper chez le voisin est déjà en soit une belle réussite. Allez, go.