On les croyait au bord du gouffre. Voici 20 ans que Lofofora nous assène ses riffs lourds, sa hargne et son message porté par la voix profonde de Reuno. La référence du métal hexagonal, auteur des incontournables Le Fond et La Forme ou Dur Comme Fer, nous avait unanimement déçu avec son dernier album en date, Mémoire de Singes, suivi du départ de Pierre Belleville (batterie) en mars 2009. Quatre ans plus tard, Lofofora revient avec un nouveau regard, toujours aussi critique, sur notre société et un constat sans appel. Lofofora signe son grand retour avec un septième album, Monstre Ordinaire.
Les superlatifs fleurissent lorsque l’on parle de Lofofora. Précurseurs, depuis 1989, Reuno et Phil n’ont jamais cessé de s’affirmer dans le mélange du rock, du punk et du metal pour faire s’effondrer les cloisons entre styles, mouvances, étiquettes et genres. Chantant uniquement en français, Lofofora est un groupe militant et engagé qui ne mâche pas ses mots ; Reuno les crâche. Et, ce n’est pas du blabla ou des prêches dans le désert car dès 1993 on retrouve Lofofora sur la scène des Transmusicales de Rennes face à un public de masse, et le groupe ne cessera de puiser son énergie dans le live en faisant transpirer les foules. En studio, Lofofora concrétise son expérience de la scène au travers de hits incontournables (« L’œuf », « Les Gens », « Le Fond et la Forme », « Les Choses Qui Nous Dérangent ») qui vont vivre au rythme de la vie du groupe et, parfois de ses changements de line-up. C’est d’ailleurs au début des années 2000 qu’intervient le premier changement majeur pour Lofofora avec les départs d’Edgar et Farid qui laissent place à Daniel et Pierre au moment de la sortie de leur 4e album, Le Fond et La Forme, qui vient confirmer Lofofora comme le groupe majeur de la scène métal française. Les cinq années qui suivent font tendre Lofofora vers son apogée avant le passage à vide, Mémoire de Singes.
C’est donc avec beaucoup d’a priori que l’on porte à l’oreille ce septième opus, Monstre Ordinaire. L’effort paye avec un album globalement plus cohérent et Reuno digne dans sa rage portant ses idées à bout de voix. Dès « Utopiste », on comprend que Lofofora a mis du sien dans la composition de cet album avec un titre fort, qui met en avant les guitares sur-saturées et la voix de Reuno qui n’apparait qu’après un court moment de suspens. On ne commence à goûter à la saveur de ce septième album qu’à partir du deuxième titre, « Les évadés », nourri d’une salve de vibrations lourdes et distordues qui viennent faire écho à des influences hardcore old school avec « Elixir » mettant en scène Reuno sous la forme d’un prédicateur de bas-étage. Lofofora a la haine, et c’est ce que l’on aime. Pas de chichi, pas de blabla, Lofofora crache sur tout ce qui bouge avec une certaine présence d’esprit, mais en prenant soin d’oublier toute forme de délicatesse, à l’instar de « La Merde en Tube ». Peintre de notre société, Reuno est aussi un formidable portraitiste dessinant d’un trait le visage sombre d’ « Un Mec Ordinaire », dans la langue de Molière ; un titre comparable par sa fluidité au single « Les Gens » et qui trouve son prolongement dans une seconde composition, plus introspective, « Ma folie ». Monstre ordinaire se clôture avec « La Beauté et la Bête », probablement une pièce maitresse de cet album avec une instrumentation progressive et une montée en puissance qui puise une nouvelle fois sa force dans l’énergie du chanteur.
Si ce septième album goûte encore l’amertume d’un précédent raté, il renoue avec des compositions qui s’inscrivent dans l’identité forte de Lofofora. Monstre Ordinaire est une fresque vivante qui conjugue savamment regards sur le monde et portraits cyniques. Une vérité en soit.
.: Tracklist :.
1. Utopiste
2. Les évadés
3. Elixir
4. Les conquérants
5. La merde en tube
6. Le visiteur
7. Ma folie
8. Un mec sans histoire
9. Cannibales
10. Frustrasong
11. La beauté et la bête