1995. La sortie de l'album éponyme de Lofofora marque cinq années remplies durant lesquelles le groupe a passé son temps à se faire un nom. Chose qui n'arriverait plus aujourd'hui, ces cinq années sont une véritable succession d'événements corrélée à un bouillonnement intense de créativité. Le line up originel a changé, le groupe se professionnalise, rencontre l'équipe Sriracha Sauce (Bruno Ponge et Laurent Yvon) ainsi que Patricia Bonneteaud et bénéficie d'un soutien médiatique fort. Le Monde, The Washington Post, The Guardian ou encore Billboard s'empare du phénomène avant même que le groupe signe chez Virgin. Nous en sommes à la genèse de ce qui représente probablement le plus grand groupe français.
Lofofora n'aura jamais connu un succès tel qu'avec son album éponyme. 1995 concrétise les efforts de cinq années passées à répéter, à démarcher et à tourner. Comme dit l'adage « boulot – studio et très peu dodo ». Lofofora se révèle lors de 14 dates auprès du demi-dieu Iggy Pop et concurrence désormais les refrains de Silmarils (« Cours Vite ») ou de No One Is Innocent (« La Peau ») grâce à son single parmi les single. Lofofora joue déjà « L'oeuf » depuis plusieurs années et ne cessera de le présenter à son public jusqu'à aujourd'hui, chanson emblématique du combat antiraciste que mène Reuno et sa bande en puisant son inspiration et son parcours dans la veine punk alternative du début des années 80. On retrouve d'ailleurs beaucoup de tonalités se rapprochant des maîtres à penser de Lofofora que sont OTH, Métal Urbain ou encore des punks hardcore américains (The Exploited, Bad Brains, Fugazi).
Bien évidemment, « L'oeuf » n'est pas la seule chanson qui révèle la philosophie profonde de Lofofora. « No Facho », « Les Meutes » ou « Justice pour tous » font écho à cette volonté d'un basculement de notre devise « Liberté, Egalité Fraternité » vers l'équité absolue. « Holiday in France », en ouverture de ce premier album, décrit une société véritablement déchéante et individualiste gangrénée par la bêtise consumériste occidentale. Bien que son chanteur s'en défende, Lofofora mène un véritable combat politique pour recréer ce lien social perdu. Lofofora emmène sur sa tournée de jeunes formations qui ne tarderont pas à percer (Mass Hysteria, Oneyed Jack, Watcha,..) et se défend d'un autre pendant idéologique, celui de l'hédonisme, marqué par un titre comme « Baise ta vie » qui résonnera, dix ans plus tard encore, dans une chanson comme « Buvez du Cul ».
Dès 1995, Lofofora pose les bases de ce qui fera son style et son efficacité. Un rock énervé, aux multiples influences allant du hardcore américain, au funk, en passant le reggae jamaïcain ou le hip hop des cités. Le groupe devra canaliser ces multiples influences pour rendre sa musique cohérente et définitivement plus digeste au cours des années qui suivront. Mais maintenant que le groupe est bien entouré, il va pouvoir mettre toute sa créativité au profit d'un public grandissant et d'une scène en développement. La preuve en est, le succès sera au rendez-vous et Lofofora balayera les crises et les remises en cause durant les 15 années à venir. Avec le soutien de Virgin, le groupe lancera l'année suivante, en 1996, son deuxième album, Peuh. Suite au prochain épisode.
.: Tracklist :.
1. Holiday In France
2. No Facho (Dub spirit)
3. Elvis (Martyr et Tortionnaire)
4. Les Meutes
5. L'oeuf
6. Subliminable
7. Justice pour tous
8. Le Désordre
9. Nouveau Monde
10. Baise ta vie
11. Really TV
12. Irie Style