Maniacx, c’est un peu la formation hip-hop que l’on attendait pas et qui sort de nulle part avec un album délirant sous le bras. Crazy Sounds With The Aliens disponible depuis septembre, le trio part à la conquête de l’univers à grands renforts de sonorités déglinguées. A mi-chemin entre les Svinkels et Beastie Boys, les trois garçons étaient en représentation gratuite dans la capitale de l’Aquitaine. Rencontre avec les protagonistes du son Maniacx dans un appartement Bordelais.
Comment est né Maniacx, quel a été le parcours du groupe jusqu’à aujourd’hui ?
Nawak : On s’est formés en 2005.
Duff et Flik Flak : C’était pas plutôt 2003 (rires) ?
Nawak : Pardon, 2003. On était tous issus de groupes de rock alternatifs, et on a été amenés à travailler ensemble suite aux différents splits de nos formations. Le premier album est donc arrivé en avril 2005, ce qui nous a donné l’occasion de nous produire sur scène. Nous avons par la suite enregistrés un second album, Crazy Sounds With The Aliens, qui est maintenant disponible depuis septembre 2008. Le projet fonctionne bien, on a eu la chance de jouer dans plusieurs régions de France depuis la sortie de ce disque.
Pourquoi cette conversion du rock au hip-hop ?
Flik Flak : C’était une passion musicale que l’on avait tous en commun. On se connaissait pas rapport à nos groupes, et on avait à plusieurs reprises lancés cette idée de créer une formation purement hip-hop.
Duff : Nos groupes de rock étaient également plus portés vers la fusion.
Flik Flak : Quand nos groupes ont splitté, on a tous sautés sur l’occasion.
La musique de Maniacx se rapproche du Crunk, tout en y greffant des sons assez inhabituels. Au final, l’ensemble reflèterait presque un esprit assez « Américain », si ce n’était ce côté délirant qui vous est propre. Quelles sont vos influences en matière de composition ?
Flik Flak : A la base, on a en effet tous écoutés énormément de rap US, ca nous a influencés. Le Crunk, c’est un peu un « style dans le style ». Au niveau hip-hop, on puise nos influences dans tous les sous-genres. Le Crunk bien sûr, mais aussi du rap plus classique ou des choses qui mixent le genre avec de l’électro. Maniacx sonne à l’américaine notamment du fait de nos paroles, qui sont entièrement en Anglais. Mais on essaye aussi de relayer cet esprit par des jeux sur les beats.
Duff : Mais je pense que Maniacx à des influences bien plus variés que le hip-hop. Tout dépend de nos humeurs, parfois on va écrire à partir d’une ligne de guitare, ou d’un riff de guitare purement rock.
Flik Flak : Pour revenir à nos débuts, un groupe comme Svinkels nous a vraiment donné envie de faire des instrus. Dans le genre hip-hop un peu décalé…
J’imagine que les médias doivent souvent vous comparer aux Svinkels…
Flik Flak : Non, ca ne revient pas toujours. Par contre on nous compare énormément aux Beastie Boys ! Dans le style de rap je pense que l’on peut nous rapprocher de Svinkels, mais notre son reste quand même différent.
Pourquoi ce choix de l’anglais ?
Nawak : J’ai commencé à écrire en Anglais assez tôt, et j’ai un très bon feeling avec la langue. On a fait le test en Français avec Maniacx, pour une chanson sur le premier album. Mais c’est vrai que le groove de l’Anglais est incomparable, ca sonne mieux, et c’est international. Par rapport aux instrus, je me pose même plus la question, c’est devenu naturel.
Flik Flak : En Français, Maniacx serait encore plus comparé à Svinkels. Dans un sens, l’emploi exclusif de l’Anglais nous permet de nous démarquer.
Vous avez des pistes à l’international ?
Duff : Ca devrait arriver, du moins on l’espère.
Flik Flak : Pour le disque, ca devrait se négocier. Pour chaque pays, il faut voir avec une structure différente. Au niveau des concerts, on a été jouer en Espagne, en Suisse…
Pour revenir aux instrumentaux, ils ne se limitent pas aux samples et intègrent de vrais parties instrumentales, notamment avec des guitares ou des cuivres. Comment se déroule le processus d’écriture ?
Flik Flak : Globalement, on compose tout, et sur certains aspects on fait appel à des personnes extérieures au groupe. Pour un morceau comme « Rime’s Shot », on joue tous de la guitare donc on peut écrire la base, mais on n’a pas le niveau pour le solo de guitar hero ! On a donc fait appel à un ami, qui a fait son job de technicien. Mais on savait ce qu’on voulait, un truc bien rock et à l’ancienne.
Nawak : C’est la même chose pour « Blue Bitches », avec le solo de trompette. On a eu recours à un professionnel.
Duff : Mais on a quand même une idée précise des parties, c’est simplement la technique qui nous fait défaut.
Flik Flak : Sur « Blue Bitches », j’ai par exemple composé les parties de trompette au clavier. Mais on souhait avoir un vrai son de cuivre, donc on a préféré faire appel à une personne extérieure. Après ils amènent leurs arrangements personnels, mais on compose toujours la base de leurs interventions. C’est arrivé que ces musiciens apportent des choses auxquelles nous n’aurions pas pensées.
Duff : Forcément lorsque ces personnes arrivent en studio, ils ne voient pas tout à fait les choses de la même façon que nous. Après, c’est une question de compromis.
Au niveau de la scène, tous les instruments sont enregistrés ?
Flik Flak : Oui, on tourne avec le line-up basique. Au début, on se disposait de façon classique : le MC devant, et les deux autres derrières. On essaye de rendre l’ensemble plus dynamique, de bouger un maximum.
Nawak : Les instrus sont telles quelles, comme sur l’album. Mais on essaye de rendre le tout vivant même sans les musiciens.
Flik Flak : Par exemple pour le solo de guitare, on va tous se positionner devant et faire du air guitar. Pour les parties de trompette, on monte sur scène avec un instrument déglingué et on fait semblant de jouer. Ca renforce le côté délirant du show.
Vous intégrez des sons 8 bits, vous posez avec des guns Playstation… Les Maniacx sont des vrais geeks, ou c’est à défaut d’avoir des Cadillac et des filles pour la promo ?
(rires)
Duff : On joue bien aux jeux vidéo en effet, on est tous geeks à la base ! Et puis ca nous a fait rigoler de nous moquer un peu de cette scène hip-hop « bling-bling ».
Flik Flak : En jouant aux vieux jeux-vidéo, ca nous arrivait de bien triper sur la musique, c’était hyper répétitif !
Nawak : On a piqués tous les petits sons qui agrémentent le jeu, les « bip-bip » quand tu sautes, ce genre de choses.
Flik-Flak : Sur le premier album, Duff avait beaucoup de samples issus de musique de jeux-vidéo 8 bits, mais ca restait quand même relativement discret. Au fur et à mesure, on a eu envie de continuer dans cette veine là, d’en mettre d’avantage.
Est-ce que d’autres aspects de votre musique ont évolué entre le premier et ce nouvel album ?
Nawak : On a tous plus ou moins évolués, moi personnellement dans mon flow… On savait ce qu’on voulait, les idées sont arrivées plus vite. Crazy Sound With The Aliens s’est fait plus rapidement que l’opus éponyme, même si certaines chansons nous ont demandé beaucoup de temps. Pour « Alcohol » par exemple, on avait une idée, mais on n’arrivait pas à l’atteindre. On a fait beaucoup de prises guitares avant d’arriver au morceau final.
Avec le recul, comment percevez-vous ce premier disque ?
Flik-Flak : C’était nos débuts… On joue encore les titres phares sur scène évidemment. Pour un disque que l’on a un peu fait dans le speed, on en reste fier.
Nawak : Crazy Sound With The Alien s’est fait plus facilement, mais il y a aussi plus de travail. L’éponyme a été une ouverture, sur le nouveau on voulait un son plus mature, que ca reste dans le même esprit mais avec plus de variété. Il est plus poussé, on a énormément travaillé en studio.
Flik-Flak : Ce premier disque éponyme nous a ouvert des portes, on est passés d’une auto-production à une signature chez Booster. Maintenant on est également distribués par Pias, on a un véritable tourneur. Tout a changé, il y a eu à la fois une évolution au niveau de la musique en elle-même ainsi que de la carrière du groupe.
Que pensez-vous de la scène Hip-Hop actuelle ? La tendance va vers des rappeurs presque « clichesques » dans leur attitude à singer les Américains…
Nawak : Pour l’anecdote, on a fait une scène et une émission de radio avec DJ Muggs, qui est dans Cypress Hill. Il déclarait très franchement de la scène Française qu’elle n’avait plus rien à envier aux américains, qu’elle avait sa propre touche. Je trouve que certains puristes abordent toujours les mêmes sujets, et ca a tendance à devenir lourd. Des groupes comme Assassin ou 2 Bal 2 Neg ont été plagié à outrance… Un gars comme Booba au contraire apporte quand même une certaine fraicheur, même s’il se la pète vraiment à la ricaine. Nous, on a pas notre mot à donner sur cette attitude, on est pas vraiment sur la même planète. Les types sont dans le hummer, nous on serait plus à débarquer 2CV rose fluo et à se pointer avec des lunettes débiles. Mais on écoute des gens comme Booba ou la Fouine, qui arrivent à apporter une nouvelle couleur au hip-hop. Nous de notre côté on tourne d’avantage avec des groupes de rock, d’électro ou de dub, parce qu’au final Maniacx évolue dans plusieurs environnements à la fois. On n'a pas beaucoup fait de dates « purements hip-hop ».
Flik-Flak : Les rares fois ou on a partagés l’affiche, ca a été difficile. Les gens n’ont pas vraiment compris pourquoi on se mettait à sortir un solo de guitare entre deux beats. Aux USA pourtant, beaucoup de rappeurs n’hésitent pas à le faire.
Comment se compose votre public ?
Duff : C’est vraiment très cosmopolite.
Nawak : On a très peu de fans « puristes » en matière de hip-hop, par contre quand ces personnes viennent nous vois ils tiennent souvent un discours du genre « c’est pas du tout mon style, mais sur scène ca le fait ». Après les gens qui aiment Svinkels ou Puppetmastaz adhérent en général à notre musique.
Flik-Flak : Etrangement on a aussi un certain nombre de metaleux !
Vous avez montés un projet avec Puppetmastaz en 2007. Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ?
Duff : On les a rencontrés lors d’un concert, on faisait leur première partie.
Flik-Flak : Le feeling était bien passé, on était restés en contact. De ce fait, on leur avait proposés un featuring pour Crazy Sounds With The Aliens. On a également été programmés sur le festival Garorock, et la personne qui organise cet événement aimait bien mettre en place des collaborations inédites. On a donc immédiatement proposés à Puppetmastaz. C’était un spectacle commun, et ca a d’ailleurs surpris beaucoup de monde.
Nawak : Certaines personnes pensaient que les groupes allaient juste reprendre leurs morceaux, que Maniacx allait intervenir sur les compositions de Puttermastaz, et vice-versa.
Flik-Flak : Il y avait quand même des compositions reprises dans nos répertoires, mais une grande partie du spectacle était totalement inédite. On s’est retrouvés en studio pour composer de nouvelles choses.
Nawak : On leur a proposés ca après avoir travaillés sur les featurings. On a entièrement crées le spectacle pendant trois ou quatre jours. On a fait la musique, imaginés les décors, le scénario…
Flik-Flak : C’était quand même assez osé, presque avant-gardiste. Ce n’était ni Maniacx ni Puppetmastaz, on avait appelé le tout Center Of The Earth. C’était présenté sous la forme d’un conte, sous une forme très théâtrale. En festival, ca n’a pas été bien compris par tout le monde.
Quelle était l’histoire derrière cette « collaboration musicale et théâtrale » ?
Nawak : C’était assez compliqué, il faut s’accrocher. Imaginons Le Seigneur des Anneaux, sur 3 DVD de trois heures. Ce spectacle, c’est la version longue (rires) !
Flik-Flak : Avec les scènes coupées !
Nawak : Pour faire court, le spectacle parlait de deux geeks. Ces gars adorent un jeu vidéo du nom de « Center Of The Earth », dont les héros sont les Puppet. Mais ces deux personnes bloquent au niveau 17. S’en suit de longues discutions sur la résolution de ce niveau. Heureusement, mon père est chasseur de gobelins (tout le monde explose de rire). Donc, mon père me dit qu’il a découvert une créature bizarre. Nous en déduisons donc que cette bête est un Puppet, directement issu du jeu vidéo, et nous allons dans la forêt pour lui demander comment passer le niveau 17. On cavale, on trouve une créature mais on ne sait pas ce que c’est. J’oublais, entre-temps nos deux protagonistes ont trouvé une harpe magique (rires). Bref, c’est bien une Puppet, qui nous emmène dans son monde. Là, elle nous donne la solution du niveau 17, et nous sommes projetés dans l’antre des Puppets. Et donc ils nous apprennent à parler Puppet, et à la fin tous les personnages montent Maniacx par rapport à cette expérience. Autant dire qu’à côté, le scénario d’Orange Mécanique c’est de la compote. D’ailleurs je suis sur que Tarantino serait chaud pour adapter ca !
Vous n’avez pas eu l’occasion de sortir le spectacle en DVD ?
Nawak : On aurait aimés, mais c’était trop compliqué. Les actualités de chaque groupe ont évolué de part et d’autres, donc c’était impossible. On l’a juste fait cinq ou six fois, on a eu d’autres propositions mais les différents membres des groupes étaient trop éloignés géographiquement.
Que prévoit Maniacx pour les prochains mois ?
Nawak : Des hummers, du bling-bling et des biatchs avec des strings ! Plus sérieusement, une tournée en 2009, présenter au maximum le nouvel album. Et un troisième disque pour 2010-2011, on travaille déjà dessus d’ailleurs. On espère être encore là dans quelques années, revenir à Bordeaux encore plus fort (rires).
Flik-Flak : On voudrait aussi dire aux internautes de ne pas hésiter à se rendre sur notre myspace, il y a quelques titres en écoute sur notre lecteur, et un nouveau morceau qui est disponible en téléchargement gratuit.
Nawak : Allez tous télécharger « I Want A Mullet » ! C’est une compo qui a été écrite juste après la sortie du nouvel album, une petite ouverture sur ce que va être Maniacx sur le prochain album. C’est un petit clin d’œil à ce rock 80’s qu’on a tous écoutés. C’est pour ceux qui ont la nuque longue, et il y en encore ! Venez nous voir sur scène, on adore se mettre en situation, on se prend pas au sérieux. On ne dévoile pas les surprises, mais les gens pourront découvrir certaines choses amusantes en nous découvrant sur scène.
Merci aux Maniax et à Fl0.