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Rencontre avec Finisterian Dead End – un label Made In Breizh mais pas que…

Lancer un nouveau label métal en France, c’est l’idée folle qui est venu à l’esprit de Laurent, un commercial de 37 ans, en revenant du Hellfest de 2011. En trois ans, Laurent développe ce pari risqué. Entre coups durs et reconnaissances des groupes et du métier, Laurent s’acharne. Aujourd’hui, le label Finisterian Dead End a réussi à s’imposer. Le label compte déjà 12 groupes métal de tous styles dans son écurie et un partenariat avec Season of Mist pour la distribution. Retour sur le parcours d’un passionné.

Tu es fou ou passionné ? Lancer un label de métal en France ! Comment t’es venu cette idée ?

Laurent : (Rires) La question est judicieuse ! J’essaie de travailler au maximum pour que la gestion du label devienne mon métier à part entière mais aujourd’hui, c’est une passion.

J’ai été commercial pendant 15 ans pour des grosses boîtes. J’ai toujours été un passionné de métal, un style que j’affectionne depuis mes cinq ans. En juin 2011, en revenant du Hellfest (une super édition), je me suis demandé  ‘Comment associer mon talent de commercial avec ma passion pour le métal ? ». Pour tout t’avouer, j’aurais aimé être musicien mais je n’ai jamais eu de patience avec un instrument. J’ai une très belle Jackson à la maison, je fais plein de bruits avec, mais c’est tout (Rires). Donc créer un label était l’équation la plus simple pour moi : Commerce + musique = label !

L’idée en elle-même est simple, mais j’ai quand même fait une petite étude de marché pour être sûr de mon coup. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas ou peu de label dans la région Ouest, en tout cas du type de label que j’avais en tête : un label très éclectique au niveau des styles de métal. Et puis….bah vogue la galère ! C’était parti. Au départ, c’était totalement virtuel même si j’avais déjà le nom et l’identité et que je me baladais avec des T-shirts à l’effigie du label trois jours après ! Le label a été vraiment monté après des discussions avec des associations, des groupes locaux, etc…

Tout a commencé réellement  presque un an après, lorsque nous avons signé notre premier groupe, Pictured en mars 2012.

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Pictured (Death Metal Mélodique/Finesterian Dead End)

 

Votre slogan, c’est « Metal From Brittany » pourquoi est-ce si important de souligner votre région ?

Laurent : La Bretagne est une terre musicale et une terre de festivals : Hellfest (si on élargit un peu), Motocultor, Vielles Charrues, le Festival du Bout du Monde, les Transmusicales,  le Festival Art Rock…La Bretagne a un terreau très fertile pour les projets musicaux. Nous avons aussi des labels comme Overcome Records (Rennes) qui a tenu le haut du pavé de la scène Hard Core en Europe dans le milieu des années 90 jusqu’au début des années 2000. Nous avons toujours Mass Productions qui sont sur Rennes également…Bref, nous avons une base énorme et unique !

Même si le slogan affiche clairement notre appartenance à la Bretagne, il est en anglais et non en Breizh. Premièrement, pour des questions de simplicité de communication  mais aussi pour éviter d’être cataloguer ‘Métal & Gavotte’. Je pense que nous n’aurions pas été plus loin que la fête du village…

D’où vient le nom du label ?

Laurent :  Finisterian Dead End est bien sûr un nom très marqué (Finistère – Sans Issue) sur cette donnée géographique. Mais si on regarde par rapport à l’Europe entière, Dead End (sans issue en anglais), le Finistère est bien une voie sans issue car au-delà il n’y a que l’océan. Le nom fonctionne pour tout le monde. Pour les bretons, étymologiquement, Finistère veut dire ‘bout du monde’ mais finalement que tu viennes de Paris ou de Berlin, le Finistère pour toi aussi c’est le bout du monde !

Bagheera (Vulgar Metal/Finesterian Dead End)
Bagheera (Vulgar Metal/Finesterian Dead End)

Comment se distinguer dans la scène métal pour un label ? Quel est ton positionnement ?

Laurent : La question est un peu complexe car je n’ai pas ou peu de relations avec mes confrères des autres labels. Il en existe quand même pas mal des labels en fin de compte.

Pour ma part, je donne beaucoup d’importance à la donnée humaine avec les groupes. Pour moi, c’est le plus important. L’histoire du label c’est écrite grâce aux groupes. Aujourd’hui, nous formons une sorte de collectif de 12 groupes. Nous nous donnons une marche directrice globale : si nous réussissons, nous réussissons tous ensemble. Dans le meilleur des cas, ce qui va réussir aux uns va réussir aux autres et dans le pire des cas, si on se casse la gueule, on se cassera la gueule ensemble aussi. Je suis en contact permanent avec mes groupes par mail, par téléphone…je tente de mélanger management et proximité même si parfois nous sommes loin géographiquement, les nouveaux outils (réseaux sociaux, mails, skype…) à notre disposition nous permettent d’être en contact permanent.

Le côté humain, c’est vraiment ce qui nous distingue. Demain, nous travaillerons peut être différemment si nous sommes amenés à travailler avec plus de distributeurs.

Un label est souvent mal perçu du grand public comme de certains musiciens qui préfèrent aujourd’hui l’auto-promo. Mais en fait, ça sert à quoi un label ?

Laurent : Il faut sortir de l’idée de « ces connards de capitalistes qui roulent tous en Porsche et qui nous piquent notre pognon ! ». Ça marche peut-être pour des grandes majors qui font des sorties à 40, 50, 100 000 exemplaires parce que là on parle vraiment de gros sous. Mais pour un petit label comme Finisterian Dead End, nous n’avons encore tous ces moyens !

Un label, c’est un réel partenaire. Il doit apporter conseils et solutions au groupe. Aujourd’hui, il y a plein de musiciens talentueux mais une grande majorité de ces groupes ont une faiblesse : ils ne savent ni communiquer, ni de se vendre. Le label se doit de faire ce job là et d’apprendre aux groupes à se mettre en avant. Je suis autant manager que prof en réalité.

Demain, tu sors un disque, nous allons travailler sur comment le sortir le mieux possible, comment le promouvoir ? Que partager sur les réseaux sociaux ou pas ? Est-ce qu’on peut dire sur Facebook « Salut bande de baltringues, achetez mon album » ? Il y a deux possibilités : Oui, Si ils veulent jouer à la fête du dimanche chez Tatie Germaine. Non, s’ils veulent faire la première partie de tel ou tel groupe, où travailler avec tel ou tel tourneur, c’est suicider son groupe de faire ça.

Mon boulot, c’est d’essayer d’apprendre au groupe à communiquer, à se structurer, à évoluer et éviter les erreurs de ce genre.

Il faut savoir  qu’aujourd’hui, je ne vis pas de mon activité et que chaque centime récolté est réinjecté directement en communication, en mise en place de site web, etc…le label est jeune, il a besoin de se montrer et de rester souder.

ELLIPSE (Modern Metal/Finisterian Dead End)
ELLIPSE (Modern Metal/Finisterian Dead End)

Quels sont tes critères de sélection pour un groupe ?

Laurent : Ça c’est la GRANDE question ! Je pense qu’il y a eu un effet Hellfest/Season of Mist depuis ces dernières années. Aujourd’hui, je reçois plus d’une quinzaine de démos par semaine du monde entier. J’ai même reçu la démo d’un groupe originaire d’Azerbaïdjan ! Je ne sais pas encore ce que ça donne mais un de mes rêves est de signer un groupe métal de Moyen Orient, même si c’est très difficile aujourd’hui pour des questions de politique, de droits,…Il y a d’excellents groupes en Tunisie !

Je n’ai aucuns soucis au niveau du style, aujourd’hui nous avons 12 groupes de 12 styles différents.

Pour en revenir à ta question, le groupe qui me contacte et qui commence son mail par « Salut Mec ! On est le groupe X, on est trop bon, on est géniaux, blablablabla, vas-y signe nous» il finit direct à la corbeille. Ça ne rentre pas dans ma démarche de travail, j’aime le rapport humain, l’humilité d’un groupe qui a réfléchit son projet. Généralement, je rencontre les groupes physiquement alors il faut aussi un bon feeling entre nous. Ensuite, le son, savoir comment le groupe compose, quelle émotion il me transmette est tout aussi important. J’écoute du métal depuis 25 ans, j’ai beaucoup de facettes et j’aime qu’un groupe touche l’un de ces points. Enfin, pour intégrer le label, c’est aussi une question d’écoute avec eux, quelles démarches pouvons-nous faire pour eux, comment pouvons-nous les aider, comment les intégrer…? Si le groupe nous annonce qui l’a déjà fait 17 dates tout azimuts et changé 25 fois de bassiste et qu’aujourd’hui il lui manque un batteur…ça va être un peu compliqué ! Un membre qui part, c’est déjà très difficile à vivre pour le groupe, parce qu’après je dois le gérer aussi et les aider à trouver un remplaçant. Il est important d’avoir un groupe solide dès le départ même si après la vie fait que certains n’iront pas jusqu’au bout.

Breakdust - Raging Metal Fest II (2013)
Breakdust – Raging Metal Fest II (2013)

Quel groupe aimerais-tu mettre en avant aujourd’hui ?

Laurent : J’aimerais les mettre tous J ! La dernière actu chaude concerne Breakdust (Trash/Death –Bordeaux) qui vont ouvrir le Hellfest cette année ! Pour la petite histoire, lorsque j’ai signé les Breakdust en mars/avril 2013, il avait sorti un album six auparavant qui avait été très mal reçu ! Ils ont eu beaucoup de mauvaises critiques, ils n’ont pas pu tourner avec et ils étaient au bord de l’implosion. Ils se sont donné une nouvelle chance avec un nouvel album et ils m’ont contacté de manière vraiment très humble. Aujourd’hui, leur album ‘Baleful World’ tourne depuis environ deux ans maintenant, ils ont gagné le tremplin du Hellfest l’année dernière et ils ouvrent l’édition de cette année. Ils ont tournés avec des groupes comme Benighted ou Loudblast et leur album est distribué par Season of Mist. Je sais qu’il travaille sur la composition d’un troisième album et j’en suis fier. C’est une belle revanche pour ces gars-là et ils le méritent !

Tu travailles donc en collaboration avec Season of Mist pour la distribution ?

Laurent : Oui ! Depuis janvier 2015 nous avons signé un contrat de partenariat pour la partie nationale dans un premier temps. Nous ne voulons pas brûler les étapes et nous réfléchissons aujourd’hui à un partenariat pour l’étranger avec cette belle référence qui est Season Of Mist pour atteindre les structures anglaises, allemandes, etc…

The Ersatz (Alternative Shock Industrial/Finesterian Dead End)
The Ersatz (Alternative Shock Industrial/Finesterian Dead End)

C’est quoi ta plus grande fierté ?

Laurent : Ma plus grande fierté est d’avoir réussi à faire sortir de nulle part, une espèce de bestiole improbable qui est Finisterian Dead End et à en faire ce qu’elle est aujourd’hui. Nous ne sommes pas mainstream, nous restons quand même très underground mais si on m’avait dit il y a quatre ans ‘Laurent tu vas monter un label et tu en seras là aujourd’hui’, je ne l’aurais pas cru ! C’est un peu un rêve de gosse qui se réalise ! La première chronique que nous avons sur Metalorgie, un webzine que j’apprécie beaucoup, je me suis dit « Putain c’est énorme » ! Ma semaine est rempli de petites fiertés badines telles que celle-ci. Avoir un encart dans Rock Hard ou dans Hard Rock magazine, voir le visage heureux de mes artistes en concerts, fiers de monter sur scène…Ça ne veut peut-être pas dire grand-chose pour tout le monde mais pour nous ça représente beaucoup ! Des fois je me demande, si je ne vis pas la chose plus intensément que les autres (Rires) !

Montrer que malgré les coups, si on a la volonté de réussir tout est possible. Il n’y a pas besoin forcément d’avoir des millions en poche pour lancer un projet, il y a des choses qui sont encore faisables.

Tes ambitions aujourd’hui ?

Laurent : Personnellement, quand j’ai monté le label, j’avais 34 ans et je me suis donné comme objectif de le rendre viable pour mes 40 ans. Il me reste encore trois ans pour avancer !

Ma deuxième ambition est de signer des groupes français ou européen qui ont déjà quelques bagages et qui sont entre amateur et super pro de telle façon à apporter leurs expériences au sein du roaster.

Et sinon quels sont tes disques à toi ? Comment as-tu découvert le métal ?

Laurent : Mes parents sont des gros fanas de rock. Mon père est un grand amateur des Stones, de Led Zeppelin, Lou Reed, etc…ma mère, elle, c’était plutôt David Bowie, Leonard Cohen. Le premier album que je me suis acheté, ce n’était pas du métal. J’avais cinq ans, j’ai pris mon petit argent et j’ai acheté ‘Music for the Masses’ de Depeche Mode. Si je mets de côté ‘Final Countdown’ d’Europe parce que tout le monde a acheté le disque à l’époque, mon premier 45T de métal était ‘And Justice for All’ de Metallica. J’avais onze ans et je me suis vraiment pris une claque. Je rentrais en 6ème et j’ai appris l’anglais en traduisant les textes de Metallica. Les paroles et la structuration des morceaux m’ont énormément marquées. C’était à des millénaires de ce que je connaissais avec des groupes comme les Stones qui ont des structures très basiques. Metallica a été vraiment une révélation avec tous ces solos, ces breaks, cette énergie ! Et cette jaquette ! J’ai acheté l’album en premier lieu parce que la jaquette m’a plu.

depeche mode music for the masses

Par la suite j’ai découvert les Guns, Mr Big,…je n’étais pas trop dans la mouvance Anthrax ou Slayer à l’époque. J’ai eu ensuite ma période grunge mais sans Nirvana, ma came c’était plutôt Pearl Jam ou Alice in Chains. Puis avec quelques temps de retard, je me suis mis à Pantera avec l’album ‘Far Beyond Driven’. La suite n’est qu’une longue glissade joyeuse dans le monde du métal avec les groupes de Road Runner, les Fear Factory, Machine Head. J’ai eu plusieurs phases : skateur, néo métal, métal à chanteuse (sauf Nightwish, je n’aime pas Nightwish !), dark métal pour finir dans le black métal ! Aujourd’hui à 37 ans, je suis plus dans le doom et le prog.

Quel est le style de métal que tu n’aimes pas ?

Laurent : Le style que j’apprécie le moins, c’est le pagan métal ! Je n’aime pas vraiment tous ces trucs vikings, païens, etc…Mais je pense que c’est une réaction à ma vie de Breton. Je crois qu’il y a un côté celte chez ses groupes qui ne me convient pas ! Autant j’adore, les groupes qui incorporent des éléments folkloriques à leur musique, autant les groupes très typés comme Ensiferum, Turisas, Fintroll ou Korkiplaani, je n’adhère pas vraiment sauf peut-être avec 15 litres de bière dans chaque poche !

Tes trois albums de prédilection ?

Laurent :

Pearl JamTen (1991)

pearl jam ten

Mr BigLean into it (1991)

mr big lean into it

PanteraFar Beyond Driven (1994)

Pantera-FarBeyondDriven

Un ptit mot à passer pour la fin ?

Laurent : Soutenez les groupes locaux et les structures indépendantes ! Déplacez-vous au concert même si il est à 5 euros, ça ne veut pas dire que c’est nul ! Et inversement ce n’est pas parce que c’est 5 ou 10 euros que c’est trop cher. Achetez le merch des groupes, ce n’est de l’extorsion de fond car un tshirt à 15euros peut les aider à réaliser une prochaine date, un prochain EP, un site web et leur permette de faire une date plus important qu’au petit pub de mamie Germaine. Bougez-vous pour faire vivre la musique métal en France ! Tous les groupes ont leur place sur les plus grandes scènes si vous les aider ! Vous avez le pouvoir !

Site web : http://finisteriandeadend.com/
Facebook :https://www.facebook.com/FinisterianDeadEnd.Metal.Label
Twitter : https://twitter.com/Finist_Dead_End

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