A l'occasion de sa venue aux Nuits Zébrées de Nova, au Chadaba d'Angers, rencontre avec un des artistes montants de la scène électro française : Louis Warynski alias Chapelier Fou, qui après avoir parcouru quelques festivals estivaux, se promène un peu partout en France pour défendre la sortie d'un dernier EP et l'arrivée d'un premier « vrai » album début 2010. Une interview avec en filigrane le passé et le futur donc.
Une première question assez simple : qui est le Chapelier Fou ?
Chapelier Fou : Alors en fait, quand j'ai commencé à faire de la musique, à sampler plein de trucs, je samplais beaucoup de phrases parlés, de poètes, de philosophes… Et j'ai chopé dans des brocantes des vinyles d'Alice au pays des merveilles. J'ai alors pas mal utilisé la voix du Chapelier, je me suis un peu accaparé le personnage. A l'époque, je crois même que je faisais des disques que je filais à des potes, ça les a pas mal marqué, et c'est resté le surnom ensuite.
Et comment t'es arrivé ce tournant vers la musique ?
Chapelier Fou : A l'origine j'ai une formation classique. J'ai fait du violon au conservatoire. Et je me suis mis au lycée à écouter des trucs de Ninja Tunes… A partir de 95, quand le trip-hop à commencer à devenir un peu autre chose, à dériver sur des trucs… j'écoutais vachement de trucs qui se proclamaient trip-hop. Et je me suis mis à comprendre comment cette musique marchait, et à du coup mettre en pratique ce que j'avais compris par l'écoute, le fait que c'était que des trucs repiqué. Je viens pas du tout d'une culture hip-hop, c'est venu par le parallèle du trip-hop cette pratique là.
Ainsi tes influences viennent surtout de ce mouvement du trip-hop ?
Chapelier Fou : Le trip-hop mais pas que… y'a aussi beaucoup de classique. D'autant que j'ai fait beaucoup d'études de musicologie, donc il va y avoir par exemple des compositeurs qui m'ont marqué, même si j'ai écouté qu'un dixième de ce qu'ils ont fait.. Ou alors ça peut venir par quelqu'un qui te parle d'un autre. J'ai découvert énormément de choses dans mes études, notamment de la musique du début du XXe. Ma grosse claque, ça a été Debussy. C'est le moment où la musique a arrêté d'être pet-sec.
Un nouvel album est annoncé pour le début de l'année prochaine, comment ça s'est passé pour sa construction ?
Chapelier Fou : Il sortira en Mars prochain. Tout est enregistré, il reste juste le mixage à finir. J'ai toujours fait tout tout seul… là ça fait des mois et des mois que je suis dessus. Je voulais encore une fois m'occuper de tout, mais il s'est avéré que le résultat sonore laissait à désirer. Je pense que je suis arriver au bout de mes capacités techniques. D'autant que j'ai fait des trucs un peu plus compliqué. Y a parfois jusqu'à 50 pistes pour un morceau. Du coup, on a bossé avec Karim pour tout remettre à plat.
Tu viens de sortir plusieurs EP avant cet album. Y aura-t-il un lien ou l'album sera vraiment une oeuvre différente ?
Chapelier Fou : Les EP qui sortent sont la fragmentation d'un album que j'avais auto-produit, ce que je considère comme mon premier, que j'avais vendu par correspondance. Quand je suis arrivé chez Ici d'Ailleurs, eux avait ce disque là, qui leur plaisait vachement… mais moi je voulais pas sortir un truc déjà fait. Du coup, ça a été une bonne idée de le sortir en trois petits disque. Et puis j'aime beaucoup ce format court. Les gens sont assez formatés : un album, c'est 40 min. Mais non, on peut faire d'autres trucs, tout comme il y a des courts-métrages.
D'ailleurs sur le dernier EP sorti le mois dernier, il y a une grande cohérence qui s'en dégage…
Chapelier Fou : Ouais, c'est d'autant plus vrai qu'il commence celui-ci comme mon premier album. Les trois premiers titres s'enchaînent et c'était comme ça dès le départ. C'est pas un hasard.
Et par conséquent, le choix des titres qui seront présents sur cet album est déjà fixé ?
Chapelier Fou : La question se pose pour un ou deux titres. Mais après, la plupart je les joue déjà sur scène depuis 1 ou 2 ans sur scène, donc je sais que je peux leur faire confiance. C'est vachement important, cette confiance qui peut naître avec un morceau.
Le passage entre l'enregistrement d'un morceau et le fait de le jouer sur scène, ça se fait facilement ou tu dois retravailler tes morceaux ?
Chapelier Fou : D'un côté ça se fait assez facilement. Quand j'enregistre un morceau, je le dissocie pas vraiment du live. En fait je pars d'une base « live », que je joue. En général, je bosse les morceaux dans une optique live et après avec l'ordinateur c'est super pratique, j'enregistre le tout, je remet à plat, je retravaille ma structure… Pour le violon, je les réenregistre proprement. Je peux même revenir dessus six mois après. Mais tous viennent d'une prise live que j'ai réenregistrée. Et puis sur le prochain album, il y a pas mal de titres que je joue depuis 1 ou 2 ans sur scène, donc je sais que je peux leur faire confiance.
Le fait de jouer en live seul, c'est un choix assumé et qui ne changera pas ?
Chapelier Fou : Ba c'est très bien que je sois tout seul. Moi je veux garder ce côté performance, danger, pas se foutre de la gueule du monde… Le musicien sur scène est là pour prendre des risques et que le public se dise à la fois que ça doit être dur, ou que c'est beau, des trucs comme ça. Après jouer avec d'autres gens, ça m'allégerait… ce qui pourrait un peu me faire chier d'un autre côté. Enfin je suis pas fermé… mais bon, pour le moment les rencontres ont pas eu lieu. Même si dans le label Ici D'Ailleurs, on a vachement une dynamique de groupe. Le manager aime bien nous faire jouer les uns avec les autres. Ce qui peut peut-être ouvrir des portes ensuite.
Les instruments que tu utilises sont assez atypiques et appartiennent souvent à des univers différents : violon, clavier, guitare électrique… Ca te vient comment l'envie d'utiliser ces instruments ?
Chapelier Fou : J'aime bien diversifier mais en même temps je triche. Je joue du violon, de la mandoline et de la guitare… mais en fait, je les joue tous accordé comme un violon. Pour moi, je joue toujours du violon. C'est très difficile en fait de s'accorder à autre chose. J'ai le même doigté pour tous les instruments. J'ai acheté un bouzouki, il est accordé comme un violon. C'est terrible quoi. Et puis sinon j'achète des claviers par le net…
Faire des premières parties, Dominique A ou Wax Tailor surtout, tu conçois ça comment ?
Chapelier Fou : Première-partie ça veut pas dire grand chose. Le ressenti est différent selon la soirée. Dès fois tu le sens bien. Avec Wax Tailor, dans la communication, je ne suis pas annoncé. C'est « Wax Tailor + Première partie ». Par contre avec Dominique A, ça vient de lui. Il m'a fait jouer chez lui, à Marne La Vallée, au lancement de sa tournée. Il a organisé une grande soirée, j'ai fait deux concerts ce soir là… c'est tout à fait différent et ça me fait plaisir. Après les publics sont super différents. C'est d'un côté moins évident avec celui de Dom A, qui est plus exigent, plus âgé aussi. C'est plus sérieux. Et en même temps, les retours que j'ai sont bons et me font d'autant plus plaisir. Mais avec Wax Tailor, les gens sont surexcités, c'est cool aussi.
Est-ce que la radio joue un rôle, aide un peu le Chapelier, comme ce soir où tu joues pour Nova ?
Chapelier Fou : Nova, je suis en contact avec eux. J'ai fait plusieurs émissions déjà. Mélanie Bauer aime beaucoup ce que je fais et m'avait déjà inviter dans son émission. Là je savais que c'était Nova qui organisait, j'y suis allé les yeux fermer. Mais j'avais pas capté que c'était en direct à la radio.. C'est intéressant en même temps. Et puis c'est bien, c'est le boulot d'une radio.
Et les autres radios ?
Chapelier Fou : FIP s'y intéresse un peu.. France Inter aussi puisque je sers de bande-son pour les reportages sur les papous ! Mais je sais que je serai jamais sur une compilation de Radio France, ne serait-ce parce que c'est des morceaux instrumentaux, qui durent parfois 5 ou 6 minutes…
Le fait d'ajouter des paroles sur ta musique, c'est une piste envisageable ?
Chapelier Fou : Sur le prochain album justement, j'ai posé un peu ma voix pour répondre à celle de Matt Elliot. Il y a plusieurs participations à venir de cette façon. Mais j'aime beaucoup le côté instrumental, évocateur, impressionniste. Quand tu commences à mettre des paroles, c'est un pas vers le fascisme. Faut laisser le chant ouvert.. même si les paroles peuvent rester ouvertes. Ce qui est le cas d'ailleurs de ce qui a été fait pour l'album.
Pour finir, qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ? Un album à conseiller particulièrement ?
Chapelier Fou : J'écoute toujours plein de trucs différents. Le dernier PJ Harvey, je me suis pris une grosse claque. Je me suis dit qu'il fallait que j'achète tous ses albums. J'écoute énormément Sonic Youth, ou des trucs électroniques très barrés en fait. Beaucoup d'Animal Collective. Et puis beaucoup de folk : Domingo par exemple… Plein de trucs différents en fait. Bon par exemple, le dernier disque que j'ai acheté c'est l'intégrale de John Cage pour piano préparé !…
Un grand merci au Chapelier et à Karim pour leur accueil, ainsi qu'à Jean-Philippe Béraud pour l'organisation de l'interview.