Les Transmusicales, événement majeur dans la vie culturelle de la ville de Rennes, se devait de réinvestir le cœur de la cité. La capitale bretonne, qui, quoi qu'on en dise, est toujours archi active et foisonnante musicalement parlant, ne pouvait pas laisser sa grand-messe annuelle lui filer entre les doigts pour qu'elle atterrisse à 8 km de son centre. Retour (pour un jour seulement, mais c'est déjà tant) au Liberté, l'un des très bons points de cette 31ème édition des Transmusicales. Y'en a eu un paquet d'autres, et on y était pour voir ça.
Jeudi 3 Décembre
Bon, par contre, les Trans', faut s'y faire dès le départ, c'est fait pour découvrir une tonne de bons groupes, tout en passant à côté d'un paquet d'autres. Pas de pouvoir de démultiplication en poche, c'est bien dommage. Après un mercredi soir passé à vagabonder dans les rues déjà bien animées du centre (Laetitia Sheriff ou encore Ian, parmi bien d'autres, auront conquis les spectateurs des Bars en Trans), direction le Liberté pour entamer les choses sérieuses. Bon, des nouveaux néons, de la peinture fraîche, la salle est plus sympatoche, mais sonne toujours un peu comme une baignoire. Qu'importe, VV Brown n'en a cure. La diva dégage une vraie présence doublée d'une voix chaude et puissante, et le mélange de funk-pop-rock qui tourne derrière colle à merveille. On a pas fini d'en entendre parler. Beast remplira à ras-bord la petite salle à l'étage, son trip-hop charpenté aura fait son chemin dans les oreilles du public avant la date fatidique. Essai réussi.
En bas, gros calibre : Abraham Inc., projet multicéphale comprenant Fred Wesley, Socalled ou encore le clarinettiste David Krakauer. Le public est emballé et le montre, les musiciens (en nombre sur scène) ont visiblement l'air heureux d'être là, et la musique est bonne, sans être archi originale, mais honnêtement, on s'en fout, ça marche super bien. Hook & The Twin convainct un peu moins, bien que leur set soit propre. Le son, un peu bâclé, a joué son rôle dans cette légère déception. Fin de soirée un peu surréaliste avec les serbes de Vrelo, chorale de chants traditionnels mêlés à des grattes couillues et des rythmiques qui envoient. Atypique, mais brillant. Premier soir plutôt sympa donc.
Vendredi 4 Décembre
Retour à ce bon vieux Parc Expo, si loin de la chaleur de la fête, si impersonnel. Après, on peut pas cracher sur la place disponible. Raté Gaggle, chorale anglaise bigarrée composée d'un groupe de filles aussi charmantes que talentueuses. Apparemment, pour le coup, la magie n'a pas opéré. Direction Terry Lynn, qui dépense une énergie impressionnante à balancer son ragga new school. Son flow est impressionnant, l'accompagnement un peu moins, mais ce concert permet de chauffer un public qui commence à se faire dense. Les gars de Detroit Social Club ne réinventeront pas le rock ce soir, mais il faut admettre que le groupe de Newcastle maîtrise bien le sujet, et mettra un peu de température au hall 4 (grâce à leur son ou à leur belle gueule ? Les deux, les garçons aussi avaient l'air satisfaits).
La surprise du soir viendra de Fever Ray, que tout le monde attendait, et que nous n'avons pas vu venir. La voix de The Knife nous plongera dans la froideur de Dead Can Dance, version brume scandinave, le côté tribal en plus. Les danseurs repasseront, mais ceux qui aiment bien fermer les yeux pour planer (pas trop, le light show est archi classe, bien qu'on ne voie que vaguement les silhouettes de musiciens) seront conquis, la 2ème option étant la plus évidente ici. Major Lazer après ça, ça ne peut que tomber à l'eau. DJ set qui casse rien exécuté par l'un des deux acolytes du groupe, MC pas très bon, clichés poussés à l'extrême, certains apprécieront l'effet de style, mais faire picoler des filles à coup de whisky sur scène, c'est pas forcément la meilleure vision de l'art qu'on puisse donner. On préférera à coup sûr l'entité suédoise The Field (ici en version live, avec batteur et bassiste), maniant son électro éthérée à merveille.
Samedi 5 Décembre
C'est bien connu, pour vraiment apprécier la soirée de clôture des Trans', fait aimer user ses semelles en remuant sur le dancefloor. Même pas peur, on attaque (après une interview de The Politics, bientôt en ligne) sur The Japanese Popstars, qui, comme leur nom ne l'indique pas, nous viennent d'Irlande du Nord. Ça balance sec, on peut aisément se croire aux meilleures heures de la techno/break des 90's. L'énergie est transmise au public, venu attendre tranquillement la suite sans trop savoir ce qu'il allait prendre dans les oreilles. La tête d'affiche de la soirée, à savoir Mr Oizo, balancera un DJ set très efficace au début, un peu long sur la fin. Le public, jeune et électrique, est archi au taquet, et hurlera son bonheur au moment ou le barbu de service de chez Ed Banger remixera son morceau « Positif » avec les paroles suivantes : « vous avez la Grippe A, vous allez tous mourir à Rennes ». Touché.
Après un coup d'oeil au collectif Groove Control, crew hip-hop régional avec la patate au ventre, on échoue devant The Carps. Le duo basse-batterie passe plutôt bien, même s'il manque cruellement quelque chose. Non, ce n'est pas la guitare, c'est juste encore un peu lisse pour réellement transpirer le rock n'roll. Pour le coup, on va être servis : les danois de The Politics s'y connaissent en la matière. Première grosse date pour eux, c'est prêts à en découdre qu'ils arrivent sur scène pour nous balancer leur rock frénétique, mi rappé, mi chanté, mais pour le coup complètement jouissif. Le public ne s'y trompera pas : un peu frisquet au début, il se laissera embarquer par l'énergie du trio sans problème. South Central, pendant ce temps là, fait bien son boulot : maintenir la pression du hall 9, en envoyant sévèrement du groove qui fait remuer les pieds. Bien joué, d'autant que Popof n'à qu'à moitié réussi son office sur la même scène juste avant. Mention spéciale à Danton Eeprom, qui clôturera les festivités devant une salle maintenant plus clairsemée, mais tout de même au taquet. On regrettera de ne pas avoir pu tout apprécier à fond ce soir-là (Meneo, le genre de type qui finit à poil sur scène après un set latino 8 Bit, ou encore The Narcicyst, rappeur irakien qui aura prouvé qu'il mérite sa place dans une telle programmation), mais bon, après tout, on est humains. D'ailleurs, hop, au lit, il est 6h du matin.
Le problème avec les Transmusicales, c'est qu'on a jamais grand chose à redire. Des bonne surprises, des claques surpuissantes, des déceptions, en bref, on vient ici pour découvrir, pour mettre ses oreilles en danger. Le jeudi et le samedi se seront joués à guichets fermés, ce qui impressionne, et force le respect. Un festival qui, depuis 30 ans, programme des groupes archi inconnus, et qui remplit ses salles comme ça, y'a pas de secret, faut que le niveau soit élevé. Et le public rennais répond présent à chaque fois, on peut donc raisonnablement dire que les Trans', c'est vraiment excellent, au moins tout autant qu'une dinde aux marrons.
Photos : Pencilkz.