Jamaïque, début des années 70. Une voix retentit du fond des ghettos, racontant l’histoire d’un pays plongé dans la violence, la drogue et l’esclavage. C’est la naissance d’un courant de révolte, d’un mouvement révolutionnaire et emblématique: le Reggae. A travers son film-documentaire Made in Jamaïca, Jérôme Laperrousaz dépeint le portrait d’une culture marquée à la fois par la souffrance et l’espoir, d’une musique paradoxale qui se déploie entre messages de paix et appels à la haine. Deux générations d’artistes, incarnés par une vingtaine de figures symboliques tout droit venus de Trenchtown (quartier de Kingston considéré comme le berceau du Reggae) se livrent entre témoignages et séquences live « à chaud », afin de nous faire découvrir leur vision du monde. En un double-album comptant plus de deux heures de sons, la Bande Originale du film reprend ces instants de vie et les rassemble en une compilation authentique. Du Roots au Dancehall, en passant par le Dub Poetry et le Conscious, Made in Jamaïca nous offre un panorama complet de la musique Rastafari.
Le premier volume, Reggae, reprend certains des plus grands classiques du genre. Des morceaux comme « 54 – 46 » (Toots and the Maytals) ou encore « 96° » (Third World) sont devenus aujourd’hui des hymnes reconnus concernant la lutte contre l’esclavage. On retient également les mythiques « No woman no cry » et « I shot the sheriff », repris par un Bunny Wailer à la voix haut perchée, ainsi que les interventions fortement spirituelles du poète Gregory Isaacs (« Kingston 14 » et « The border »). Outre le son Roots représenté par les vieux de la veille, les styles plus modernes du genre trouvent aussi leur place sur ce disque, à travers une nouvelle génération d’artistes. Capleton, « the prophet » comme l’appellent ses proches, déploie son Conscious aux lyrics percutants sur deux titres (« That day will come » et « Jah is my everything ») tandis que Joseph Current officie en tant que Dub Poet à maintes reprises (« You shattered my life » et « Mr Hunner Man »).
Si la première partie de cette Bande Originale suscite l’envie de balancer sa tête langoureusement au rythme des différents riddims, le second volume, Dancehall, amène plutôt à convulsionner énergiquement son corps au gré des beats martelés. Elephant Man et Bounty Killer, deux références de la révolution électronique du Reggae, déballent leurs flows graves et superpuissants sur la majorité des morceaux (« Redemption Song », « Bootie Bounce », « No More Suffering »…). Les paroles se font plus crues, se chargeant d’une brutalité similaire à celle que l’on peut retrouver sur certaines chansons de Hip-Hop : le meurtre, la vengeance, ou encore le racisme sont les thèmes généralement évoqués dans le Dancehall. Pour le coup, on apprécie d’autant plus la musicalité et les rythmiques des titres, notamment à travers les différents mixs du surdoué des platines : Vibz Kartel (« We a kill we », « Emergency », « Realest thing »…). On mentionnera également les contributions de Lady Saw, « first lady » connue pour ses hymnes à l’émancipation féminine, qui n’hésite pas à transgresser les codes machistes de la scène Jamaïcaine (« France » et « Bad gal »).
Pour conclure, Made in Jamaïca, c’est la compilation parfaite à faire découvrir aux profanes du Reggae. Pour les adeptes, elle constituera plutôt un collector du genre, offrant une sélection de titres emblématiques à écouter et à réécouter indéfiniment.
.: Tracklist :.
Volume 1 – Reggae
01. 400 Years – Bunny Wailer
02. Kingston 14 – Gregory Isaacs
03. 96° – Third World
04. That day will come – Capleton
05. Love is the best – Toots and the Maytals
06. No woman no cry – Bunny Wailer
07. You shattered my life – Joseph Current
08. Temptation – Gregory Isaacs
09. 54 – 46 – Toots and the Maytals
10. Old man’s soul – Shiah Coore and Cat Coore
11. Jah is my everything – Capleton
12. The border – Gregory Isaacs
13. I shot the sheriff – Bunny Wailer
14. Rat race – Koolant
15. My gunner man – Joseph Current
16. Can’t breath – Tanya Stephen
17. Celebrate life – Beres Hammond
18. So excited – Toots and the Maytals
Volume 2 – Dancehall
01. France – Lady Saw
02. Redemption song – Elephant Man
03. Bootie bounce – Elephant Man
04. Bad Bounce – Bounty Killer
05. Red Light zone – Bounty Killer
06. We a kill we – Vibz Kartel
07. No more suffering – Bounty Killer
08. Emergency – Vibz Kartel
09. Talk to dem – Bounty Killer
10. Realest thing – Vibz Kartel
11. Gangsta girl – Blessed Stephens
12. Déjà vu – Doc Marshall
13. Out of my mind – Brick and Lace
14. Girls – Doc Marshall & Koolant
15. We can go – Alaine Laughton
16. Jamaican National anthem – Elephant Man