Voilà de la prise de tête musicale en perspective. Mais de la bonne et savoureuse. Unexpect est un groupe bien différent et détaché des modes actuelles, une formation tellement aventureuse qu’elle ne pouvait que se fermer les portes d’une large reconnaissance. Mais qu’importe, tant les canadiens excellent dans une mouvance musicale qui leurs est totalement propre. In A Flesh Aquarium, leur second opus, est une œuvre d’art bizarroïde, un tableau aux sens multiples sur lequel on pourrait passer des heures sans parvenir à en décrypter l’intégralité.
Il suffira d’ailleurs de jeter un rapide coup d’œil sur le line-up d’Unexpect pour dresser le même constat. Avec trois vocalistes aux registres bien distincts, un bassiste neuf cordes ainsi qu’un violoniste dans ses rangs, la formation ne pouvait livrer qu’une inclassable galette, même si à la base d’obédience rock. Se contenter d’une unique étiquette serait bien trop réducteur, tant In A Flesh Aquarium se vit comme un voyage à travers les époques et les styles musicaux. L’avant-gardisme, style musical qui pour beaucoup ne s’apparentera malheureusement qu’à un grand n’importe quoi, est le terrain de jeu de ces sept musiciens qui fusionnent dans une tambouille musicale à 200% originale et sans restriction de toutes leurs influences. Les lignes de basses, très marquées, tissent le fil conducteur des morceaux sur lesquels viennent se greffer une foultitude d’éléments inattendus, qu’il s’agisse d’incartades pianistiques d’influences jazzy, de violons baroques aussi dissonants qu’inquiétants (l’étrange et froide ouverture d’un « Megalomaniac Trees » très ambiancé) ou encore de riffs de guitares percutants et virulents (« Chromatic Chimera »). Unexpet se joue de tout format aux barrières restrictives, enquillant le lent et le mélancolique sur le surboosté (le galopant « Summoning Scenes » qui mute brusquement vers l’éclectro-ambiant), répondant à une série de riffs survoltés par une musique de cirque complètement psyché voire une incursion vers des sonorités médiévales (« Desert Urbania » et son piano délirant), poussant son désir d’expérimentation dans ses ultimes retranchements. N’avoir aucune limite semble être l’objectif fixé par cette troupe canadienne, et étrangement cette multitude d’éléments cohabitent à merveille, même s’il demeure quasi-impossible de retenir ne serait-ce qu’un gimmick des premières écoutes.
Le travail est tout aussi déstabilisant au niveau du jeu de questions / réponses opéré sur les voix des trois protagonistes. Le groupe passe également d’un extrême à l’autre, opposant des timbres très différents qui se greffent parfaitement à l’étrangeté et aux nombreuses cassures présentées par les textures instrumentales. Le jour et la nuit s’opposent, la voix angélique proche de l’opéra de Leïlindel s’impose sans gène face aux grognements gutturaux et autres réjouissances amenées par ses collègues masculins, et réciproquement. Aucun registre ne prend véritablement le pas sur l’autre, ceux-ci s’invitant à la fête alors que le terrain semblait pourtant dégagé en faveur de l’un ou l’autre (« Psychic Carrousel », « The Shiver : A Clown’s Mindtrap », ballade mélancolique qui vire au délire sur-réaliste). Il serait presque plus aisé de définir la musique si enivrante et techniquement virtuose d’Unexpect comme du Tim Burton Core. Car à l’image d’un cinéaste à l’approche artistique hors normes, les compositions de In A Flesh Aquarium naviguent avec une incroyable aisance entre passé, présent et futur afin de s’établir dans un monde de contrastes, étrange contrée à la fois cauchemardesque et féerique. Les dix compositions de cet album font d’avantage appel à l’imaginaire et au ressenti qu’à une quelconque volonté d’analyse et de catalogage.
Unexpect dresse avec In A Flesh Aquarium un univers empli de mystères assez peu aisé d’accès de prime abord, mais irrésistible une fois passé la barrière des premières écoutes. On s’y perd certes par moment, mais n’est-ce pas là le but premier de ces canadiens : laisser l’esprit divaguer vers des horizons inconnus et énigmatiques ? Grandiose.
.: Tracklist :.
01. Chromatic Chimera
02. Feasting Fools
03. Desert Urbania
04. Summoning Scenes
05. Silence 011010701
06. Megalomaniac Trees
07. A Clown's Mindtrap
08. Meet Me at the Carrousel
09. Another Dissonant Chord
10. Psychic Jugglers