Reports Hellfest : Samedi 21 juin / Dimanche 22 juin
L’édition 2007 avait déçue, la faute à de nombreux problèmes d’organisation ainsi qu’à une météo peu clémente, la cuvée 2008 aura enfin remportée tous ses objectifs. Un soleil radieux, une implantation entièrement revue et une équipe qui sera parvenue à améliorer l’accueil et le bon déroulement du festival, le Hellfest avait cette fois-ci tous les atouts en main pour inscrire durablement les festivités dans les mémoires. D’autant plus que du côté de la programmation, Benjamin Barbeau et son équipe avaient réunis l’impensable, soit plus de quatre-vingt groupes issus des scènes du monde entier. Une affiche de choix qui parvenait à couvrir absolument tous les styles référencés dans les musiques extrêmes, les organisateurs étant parvenus à étaler de façon équitable sur chaque jour découvertes et locomotives, les chevauchements gênants étant de plus évités. Les deux scènes principales étant situées l’une à côté de l’autre, seule la Discover fonctionnera donc de façon autonome. Unique véritable problème présenté par cet ingénieux procédé, les balances ayant lieu sur l’une des deux viennent parfois à couvrir le groupe jouant sur l’autre, plus particulièrement lorsque celui-ci vient à faire preuve de passages plus éthérés dans sa composition. Un détail qui demeurera néanmoins assez rare, les formations présentes ayant pour une écrasante majorité appuyées sur la pédale sans temps mort au cours des ces trois journées de tabassage en règle des conduits auditifs.
Alchemist – Discover Stage
Arrivés quelques heures après le début des hostilités, c’est donc aux australiens d’Alchemist que nous seront confrontés d’entrée de jeu. Une excellente formation qui officie du côté d’un metal hybride à la fois puissant et mélodique, le Hellfest lui donnant enfin l’occasion de présenter sa musique sur le territoire Français. La prestation était donc suivie par une poignée d’aficionados désireux de découvrir le potentiel scénique d’un groupe qui avait impressionné avec ses deux dernières productions, Austral Alien et Tripsis. Les protégés du label Relapse prennent donc l’assaut de la Discover Stage à quinze heures pétantes, et délivrent un set sans temps mort, ces derniers ne disposant que d’une bien maigre plage horaire de quarante minutes. Juste le temps de jouer six compositions alambiquées, malheureusement desservies par un son abominable. Un habillage sonore d’autant plus regrettable que la section instrumentale ne fait preuve d’aucune faille dans son interprétation, en témoigneront les excellents « Wrapped In Guilt » et « Anticipation Of A High », ainsi qu’un sublime morceau quasi-instrumental délivré à mi-parcours. Adam Agius semble récolter les effets négatifs d’une tournée qui se termine, le frontman témoignant d’un timbre marqué par la fatigue et peu enclin à reproduire les difficiles envolées de chant clair. Les problèmes seront partiellement réglés en court de set, et Alchemist parvient tant bien que mal à instaurer son univers bien particulier, même si la découverte du groupe par le biais direct de la scène paraît peu évident. Le constat demeure donc mitigé, même si la simple présence des Australiens sur nos terres avec ce mini-set composé de morceaux aux qualités indiscutables aura de quoi enthousiasmer. Un groupe majeur que l’on attendra de re-découvrir sur les planches dans des conditions optimales.
Septic Flesh – Discover Stage
Le son de la Discover Stage s’améliore de facon significative au moment de l’entrée en scène des grecs de Septic Flesh. Déclaré comme mort il y a quelques mois, le groupe a opéré un véritable retour en force avec un Communion qui aura remporté un beau succès public et critique. Le groupe étant donc attendu de pied ferme, et le chapiteau affichera complet au moment des premières et sombres déflagrations émanant des guitares du binôme Sotiris V. / Christos Antoniou. L’entrée en matière grandiloquente (sur l'introduction « Behold the Land of Promise ») laissera place à un show impeccable, chaque instrument trouvant sa place dans un son lourd et pesant, les samples étant au contraire d’Alchemist parfaitement audibles. Ingénieux et varié sur disque, le black-metal dont se fend Septic Flesh prend encore une tout autre dimension sur scène. Oppressant, le concert rendra l’atmosphère ambiante encore plus pesante, la lumière du jour se voyant mentalement occultée par une avalanche d’échappées sombres et torturées, à l’image d’un enchaînement « Lovecraft's Death » / « Anubis » monstrueux. Face à la qualité du set, il reste donc décevant de voir le groupe quitter la Discover Stage quelques minutes avant le temps qui leur était pourtant imparti.
Paradise Lost – Main Stage
Enhainé directement sur Septic Flesh, le show des vétérans de Paradise Lost poursuit la chute du spectateur dans une abîme de noirceur. Pourtant au dessus de la scène principale, le soleil, plus brûlant que jamais, est à son zénith. C’est donc avec l’efficace single « The Enemy » issu du récent In Requiem que les anglais mettent le feu aux poudres, le chant de Nick Holmes s’avérant pour le coup irréprochable. Expérience aidant, la formation va livrer une prestation sans accrocs, boostée par un son débordant de puissance. Ce qui n’handicapera en rien la dimension sombre et triste de la musique de Paradise Lost, l’ambiance devenant étouffante à l’occasion d’un « Requiem » magnifique et repris par la foule. Scéniquement, les musiciens se montrent à leur meilleur niveau, et occupe l’espace conséquent de la Main Stage avec classe. En quarante minutes et un bon déballage de hits (« One Second », « As I Die », « Pity The Sadness »), la formation témoigne de tout son savoir-faire ainsi que de son statut de leader d’un mouvement Metal Gothique assez peu représenté au Hellfest. Lent, lourd, ténébreux, le concert de Paradise Lost figurera parmi les plus envoûtants de ce vendredi 22 juin.
Mayhem – Second Stage
Si Mayhem se développe lui aussi dans la noirceur la plus totale, le groupe, récemment privé de son guitariste / compositeur Blasphemer, ne laissera pas un souvenir mémorable. Ceux qui attendaient avec impatience les nouveaux délires vestimentaires du leader Attila en auront pour leurs frais, puisque c’est dans une relative simplicité que le frontman foule la scène du Hellfest. Tout juste dénotera-t-on une étrange croix en guise de pendentif ainsi que la présence douteuse d’un brassard évoquant évidemment ceux arborés par les nazis. De la provocation certes, mais bien moins hilarante que les déguisements de sapin de noël ou de lapin dans lesquels était apparu le sieur Attila. Pour le reste, la prestation demeurera un grand mystère pour ceux n’ayant pas décryptés avec soin l’œuvre intégrale de cette étrange formation black metal. Si les adeptes rentrent dans le jeu malgré la canicule, les autres n’y ctrouveront guère plus qu’un étalage de bruits divers. Une difficulté d’accès que n’arrangera pas l’attitude décalée et peu communicative des protagonistes. Difficile donc d’émettre un véritable jugement suite à ce show quasi-expérimental.
Katatonia – Second Stage
Les élucubrations mystiques de Mayhem ayant refroidis bon nombre, c’est donc avec Katatonia que nous poursuivrons cette première journée à Clisson. L’un des premiers groupes à bénéficier des dix minutes de set supplémentaires, une prolongation bien vite engloutie face à la maîtrise dont témoigne Katatonia. A l’instar de Paradise Lost avec qui les suédois développerons quelques similitudes, le quintet fera forte impression. Le chant de Jonas Renkse, juste en tous points, survole l’audience pendant que les musiciens l’enveloppent dans un écrin de brouillard et de sensibilité. Le travail d’orfèvre opéré sur disque sera retranscrit avec la plus grande fidélité, Katatonia touchant ses adeptes d’une flèche en plein cœur. « Cold Ways », « Evidence » ou encore le dernier single « July », le quintet décoche ses compositions en adoptant un jeu de scène tout en retenue parfaitement adapté à l’ambiance amenée. La musique et la qualité de son interprétation se suffisent à elles-mêmes, le voyage en apesanteur assuré. Fabuleux, malgré l’intrus matérialisé par ce soleil impossible à couvrir. Katatonia aura indiscutablement mérité sa place en soirée.
Kruger – Discover Stage
Changement de registre avec les suisses de Kruger, qui auront entamés leur prestation alors que Katatonia se lance dans ses derniers titres. Aidés par des morceaux à la brutalité communicative, les suisses proposent un show survolté. Les guitares volent dans tous les sens, les musiciens tournoient, le public se déchaîne. Kruger mène son bulldozer à merveille, la folle machine se voyant conduite par un intenable Reno. En plus d’assurer ses parties vocales avec brio, le bougre s’en donne à cœur joie, se baladant entre la scène et le public, utilisant le matériel stocké sur les côtés comme terrain de jeu. Perché à quelques mètres au dessus de ses camarades, le frontman se pose tranquillement pour scruter la foule amassée dans la chaleur de la Discover Stage, livre ses tripes à travers un chant beuglé viscéral, et termine sa course en effectuant une acrobatie de conclusion. Kruger défouraille et défoule, et c’est lessivés que les spectateurs quittent le chapiteau.
Baroness – Discover Stage
Vingt minutes de pause s’avèreront nécessaire avant la claque de ce début de soirée. Fort d’un The Red Album qui aura fait l’unanimité, le groupe était parmi les découvertes de l’année les plus patiemment attendues de ce Hellfest 2008. Innovante et sublime, la musique de Baroness passera le cap de la scène avec brio, celle-ci regorgeant pourtant d’éléments et de subtilités. Sans artifices ni jeu de scène particulier, les trois musiciens se posent face à leur public, et se concentrent avant tout sur la complexité des parties à retranscrire. Ce qui sera admirablement bien opéré. Presque intégralement instrumentaux, les morceaux de Baroness naviguant entre postcore et metal psychédélique feront mouche. Bien qu’aussi déroutant en live que sur album, le trio enchante en quelques accords, et nous convie dans un véritable trip musical psyché quarante minutes durant. Le nouveau volet de la discographie de Baroness sera assurément plus qu’attendu.
In Flames – Main Stage
Le set de Baroness pourrait en fait être perçu comme l’exact contraire de celui d’In Flames, bien que la musique de ces derniers, aussi contestée soit le groupe désormais, restera elle aussi d’une qualité certaine. Visuellement, les suèdois auront en effet mis le paquet, proposant par la même occasion le concert le plus festif de ce long week-end. Le déballage de pyrotechnie est tel que même les détracteurs viendront jeter un œil curieux à la main stage, In Flames se constituant quasiment de ce fait l’audience la plus conséquente du Hellfest. Entre les flammes jaillissant de tous les côtés, les diodes s’illuminant dans tous les sens et reprenant des brides de paroles ainsi que les différentes explosions venant appuyer les refrains tubesques du groupe, In Flames a trouvé là l’un des meilleurs moyens de promouvoir son dernier-né A Sense Of Purpose. Nouvel opus pour lequel le groupe nous servira quelques morceaux choisis, dont l’efficace et fédérateur nouveau single « The Mirror’s Truth », parsemés parmi un pot pourri des extraits de productions précédentes. Le groupe ne s’aventurera néanmoins quasiment jamais sur la période pré-Reroute To Remain, et semble plus que jamais s’épanouir dans sa nouvelle orientation musicale (seul « Colony » sera rescapé des premiers opus du groupe). Bien que Suédois d’origine, In Flames propose un véritable show à l’américaine, dopé par un son puissant et une présence scénique inébranlable. Anders Fridén assure le spectacle, s’essaye le temps de quelques mots à un Français primaire, avant de nous annoncer que le groupe jouera « des nouveaux morceaux pour nous exploser la tête des vieux pour nous pénétrer le cul »… Un grand moment de philosophie. Le final sonne comme une apothéose, rythmé aux efficaces « My Quiet Place » au cours duquel Anders oubliera ses paroles, « Take This Life » et l'hymne « My Sweet Shadow ». Accompagné d’un gigantesque feu d’artifice, ce dernier titre pose un point final grandiose à un set ultra-rodé et efficace.
Carcass – Second Stage
Après un tel festival pyrotechnique, difficile de passer derrière In Flames, même quand on porte le nom mythique de Carcass. Malgré le passé de la formation ainsi que la joie de la revoir enfin reformée, la magie n’opérera quasiment à aucun moment. Carcass laissera en effet un goût amer, les musiciens semblant réunis sur la Second Stage du Hellfest uniquement pour toucher un cachet que l’on imagine conséquent. La médiocrité du son ainsi que la panne d'inspiration dont témoigne l'ingénieur lumières auraient encore pu passer comme des éléments secondaires si les musiciens avaient témoignés d’un minimum de motivation et de communication, ce qui ne sera à aucun moment le cas. Chacun dans son coin, ces derniers reproduisent donc consciencieusement leurs parties, en particulier en ce qui concerne un Mickael Amott démonstratif, mais ne semblent prendre aucun plaisir à re-fouler les planches ensemble. Carcass procurera bien quelques frissons à l’écoute des classiques que sont « Heartwork » ou l'énorme « Carnal Forge », mais ne convainc pas malgré l’avalanche de titres joués (près d’une quinzaine) ainsi qu’une grosse heure de show. La grosse déception de ce vendredi.
La journée se terminera malheureusement pour certains sur une seconde désillusion. Ceux qui ne souhaitaient pas assister à la prestation de Madball en cours d’après-midi ou avaient répondus présents à Septic Flesh seront en effet passés à côté de l’annonce concernant le décalage du concert de Bleeding Through. Ratés donc, les américains laissent leur créneau aux efficaces Madball. Seconde déception, d’autant plus que ces derniers semblent bien préparer un disque plus efficace que leur précédent opus The Truth.
Crédits photos :
Paradise Lost & In Flames – Oricom
Septic Flesh & Mayhem – Breizhjoker
Merci aux gens croisés sur le Hellfest. A Phil de Innovative Promotion, Guillaume de Season Of Mist, Roger du Hellfest, Guillaume Gwardeath.