Le règne de George W. Bush sur les Etats-Unis avait su réveiller l’usine grinçante Ministry, constituée d'activistes d’un metal industriel tonitruant depuis le milieu des années 80. Avec The Last Sucker, la bande d’Al Jourgensen ferme le cycle entamé courant 2004 avec House Of The Molé, et pose par la même occasion une dernière pierre à une carrière bien remplie. L’apothéose après vingt-sept ans au service de la musique ? La réponse tendra indiscutablement vers le positif, tant ce dernier opus studio frise l’excellence.
Ministry a défini les jalons d l’indus metal. Nul besoin pour le groupe de se ré-inventer aujourd’hui, les musiciens en maîtrisant les codes à la perfection. Un savoir-faire qui transpire par tous les ports de ce véritable pamphlet anti-Bush, ultime témoignage qui passe à la scie circulaire tous les albums précédents afin de n’en conserver que le meilleur. The Last Sucker témoigne d’un esprit vindicatif ultra-aiguisé ainsi que d’une réelle volonté de violemment tabasser les tympans des bien-pensants, le maître de cérémonie Al Jourgensen semblant remonté comme à l’ancienne. Le gaillard n’exigera de ses cerbères que l’apocalypse sonore, et ceux-ci le desservent avec justesse en présentant une avalanche de riffs lourds et acérés, véritables cascades d’électricité terrassante martelant l’esprit sans aucune forme de répit (le furieux « The Dick Song » et son riff marteau-piqueur entêtant). Ministry n’est pas ici pour faire de la poésie, et martèle avec insistance son message corrosif, jouant à de nombreuses occasions sur la répétitivité des parties de guitare afin de détraquer complètement les esprits les plus résistants à sa propagande acerbe. Sollicité avec parcimonie, l’électronique se place une nouvelle fois comme un renfort de choix. Les synthés, samples et autres programmations s’effacent donc au profit de structures thrahisantes à souhait (le fulgurant « No Glory », l’étonnante reprise du « Roadhouse Blues » des mythiques The Doors), The Last Sucker témoignant par ailleurs d’influences punks sur certains contours (l’excellent « Die In A Crash » sur lequel Burton C. Bell viendra poser sa voix). A ce déluge puissant et écrasant s’adjoint une rythmique bloquée en mode matraquage métronomique, comme pour mieux s’assurer que la cible ne puisse à aucun moment se plaindre qu’un quelconque élément moins décapant.
Le groupe taille dans le lard sans s’encombrer de détours inutiles, mais n’en oublie pas cependant de se fendre que quelques envolées guitaristiques rafraîchissantes et savamment disposées au sein des compositions. Thomas Victor (Prong) et Sin Quirin balancent une série de solis old-schools bien sentis contribuant à la l’excellence de The Last Sucker (« Roadhouse Blues », l’énorme « Let’s Go » d’ouverture, « Watch Yourself »), ceux-ci venant en règle générale marquer leur présence à la suite d’un passage clinique et appuyé. Des incartades à peine plus reposantes (seule la superbe outro dmarquant au fer rouge la seconde partie de « End Of Days » laissera place à une certaine mélancolie, tout aussi appréciable que le reste de l’album), mais imposant une nouvelle fois le talent des musiciens de Ministry. La mécanique est furieusement bien huilée, à l’image du chant sans accroc de l’ami Al Jourgensen. Merveilleusement mixé et légèrement en retrait vis à vis des instrumentations, les interventions du pilier de Ministry s’avèrent riches en hargne et en puissance, les sentiments exprimés face au gouvernement américain se voyant matérialisés par une série de gueulantes du plus bel effet.
The Last Sucker est un album qui laisse sa proie tétanisée. Doit-on s’enthousiasmer face à tel exploit étant donné l’importance symbolique d’un disque qui enterre définitivement les précurseurs de l’indus, ou exprimer un réel regret en constatant que ceux-ci semblaient définitivement revenus au meilleur niveau ? Probablement un peu des deux…
.: Tracklist :.
01. Let's Go
02. Watch Yourself
03. Life Is Good
04. The Dick Song
05. The Last Sucker
06. No Glory
07. Death and Destruction
08. Roadhouse Blues
09. Die In A Crash
10. End of Days Part One
11. End of Days Part Two