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Interview : Les Mains Balladeuses

Aujourd’hui, c’est une interview un peu spéciale que nous vous proposons. Dans le cadre du festival Au Foin de la Rue, nous avons pu croiser une troupe particulière : les Mains Balladeuses ! Leur but ? interpréter en langue des signes de manière chorégraphiée les paroles des artistes en direct sur scène pendant les concerts, pour permettre aux personnes sourdes ou malentendantes d’améliorer leur expérience du live. Une très belle initiative, aussi bien de leur part que celle des organisateurs du festival, que beaucoup pourraient prendre en exemple. Rencontre avec les Main Balladeuses !

 

mainsballadeuses 

Bonjour les « Main Balladeuses », merci de nous recevoir. Pour commencer, le « chant-signe » késako?

C’est l’adaptation du texte d’une chanson en langue des signes. C’est vraiment une adaptation, on y passe beaucoup de temps, ce n’est pas une simple interprétation. Nous sommes tou-te-s interprètes dans la vie de tous les jours, et ce que nous faisons sur scène est très différent des interprétations dans le cadre de notre métier. On recrée la chanson dans une autre langue, tout en gardant le sens, l’atmosphère, et en essayant, par exemple, de transformer les jeux de mots en « jeux de signes ». Il y a aussi une personne dans la troupe qui nous supervise, elle « relit » notre chant-signe. En fait, elle regarde d’abord notre production en langue des signes sans son, pour vérifier que le sens est bien compris, puis avec le son. Après on répète tous ensemble, en se regardant, en se corrigeant, en s’aidant pour que notre adaptation de la chanson soit la plus proche de l’esprit de celle-ci !

Et comment en êtes-vous arrivé à vouloir en faire ?

On s’est rencontré à la fac, à l’université de Lilles 3, en 2010, dans le cadre de nos études, on venait des quatre coins de la France. On a eu envie de faire un peu de chant-signe, comme ça… Au départ à la fac, après les cours, dans une salle de cours, puis on y a pris goût… L’équipe s’est  étoffée…  La fac nous a demandé de réaliser des petits clips sur internet pour montrer aux autres profs ce que c’était que le chant-signe, donc ils nous ont prêté du matos. Après on s’est dit qu’on allait essayer de les mettre sur YouTube pour voir, et en fait ça a marché, les gens se sont mis à regarder nos vidéos ! Après la fac, on s’est tous mis à bosser à droite à gauche… Mais on a continué de se voir, grâce à ça, en faisant des petits événements lors desquels on présentait notre propre répertoire.

Jusqu’à être contactés par le festival Au Foin De La Rue…

On a été contacté pour la première fois il y a trois ans. C’est là qu’on a, pour la première fois, traduit les chansons des artistes en live, pendant leur concert. Bien sûr, en les préparant avant ! Ça n’était plus les chansons de notre répertoire, que nous interprétions auparavant seuls, sans artiste. C’était donc une toute autre approche du chant-signe. On s’est aperçu que les binômes sur scène marchaient bien, on a eu plein de réactions, de retour des sourds. Ça nous a permis de beaucoup évoluer dans notre manière de chant-signer, avec davantage d’interactions entre nous.

 

Vous choisissez les artistes que vous interprétez ou c’est Au Foin De La Rue qui vous propose certains artistes ?

Ils proposent à tous les artistes (pour lesquels il y a du chant) que nous traduisions leurs chansons en langue des signes. Après c’est l’artiste qui décide, parce que c’est quand même un engagement de sa part ! Il faut qu’il soit d’accord pour qu’on soit sur scène à ses côtés… ça change son spectacle.

Et les chansons, vous les choisissez ?

En fait, souvent, on choisi avant le festival. Le festival Au Foin De La Rue ont une application mobile qui a pour vocation de faire découvrir l’artiste et son univers aux sourds avant le festival, en visualisant des vidéos traduite en langue des signes. On prépare ces chansons là, mais on ne sait pas si elles seront choisies par l’artiste ! Même, souvent, jusqu’au jour J la setlist de l’artiste n’est pas encore calée ! C’est le jeu du festival … C’est ce qui est intéressant aussi. Par exemple, pour Sanseverino, on en avait préparé quatre, et hier on en a préparé deux de plus, car il voulait qu’on traduise le concert en entier ! Mais cette année, on était un petit effectif, donc ça n’a pas été possible…

D’autres festivals vous ont contacté ?

Des gros festivals de musique comme celui-ci ? Non, c’est le seul. On a d’autres propositions, mais un festival avec des groupes et artistes aussi reconnus, c’est notre évènement principal de l’année. Il y a désormais une attente de la part des foins pour qu’on revienne… et une attente de notre part aussi pour revenir ! C’est génial comme expérience, on fait de belles rencontres. En plus, on est plongé dans des univers totalement différents : hier Fadda Freddy et Dub Incorporation, aujourd’hui Oxmo Puccino et Sanseverino ! On passe du rap au gospel. C’est marrant, on aime cette diversité là, et Au Foin De La Rue, c’est un festival avec une grande diversité de styles. C’est leur slogan ! Au Foin De La Rue « éclectique et éthique », c’est exactement ça. On a fait des découvertes exceptionnelles : Les Ogres de Barback, ça a été LA rencontre, la première année. Ça s’était super bien passé, et ils nous ont invité ensuite sur leur tournée ! On est monté sur la scène de l’Olympia ! Même, hier pour Dub Inc’, le fait d’être devant un gros public, il y avait je ne sais pas combien de milliers de personnes… ça donne une énergie incroyable !

Vous avez des retours des personnes entendantes ?

Oui, souvent ils sont surpris ! Ils ne pensent pas qu’on puisse adapter des musiques, ni que des sourds puissent venir à des festivals de musique.

Et votre nom « Les Mains Balladeuses », il vient d’où ?

Eh bien… c’était une blague ! (Rires) Et finalement, en y réfléchissant, on s’est dit que la « ballade » avec deux « L », cela signifie la chanson, la musique. Donc on a ajouté un « L » et on s’est dit que finalement, la blague pouvait être validée. C’est un nom, lorsqu’on l’annonce à des gens qui n’y connaissent rien à la langue des signes, qu’ils captent tout de suite, et ça les fait rire ! Sur le chéquier, marquer « les Mains Balladeuses »…  Ou quand on dit aux gens d’aller voir nos vidéos sur Youtube, il faut bien préciser « avec deux L ! », sinon attention les yeux !

Vous avez des anecdotes sur scène ?

L’année dernière, pour le concert d’Arthur H. Normalement, on ne devait pas faire de chant-signe avec lui, alors qu’on en avait préparé plusieurs pour l’appli… Et la journée même du concert, Régis Breaud, responsable de l’accessibilité et des partenaires, a rencontré Arthur H. Il lui a montré nos vidéos, et finalement, Arthur H a aimé notre démarche. Il a notamment ajouté un morceau à sa set-liste, qui n’était pas prévu, pour que les filles puissent le chant-signer ! De même pour Fadda Freddy, hier, il a ajouté « The deaf of me »  alors qu’elle n’est pas dans leur show habituel. Il y a des artistes qui ont vraiment envie de nous permettre de montrer ce qu’on a préparé.

Certains artistes nous mettent très en avant, parfois en nous plaçant même devant eux. C’était le cas pour les Ogres de Barbacks. D’autres souhaitent que cela soit moins visible. C’est souvent une démarche inconnue pour les artistes, nous intégrons leur show, qui est prévu, à la base, sans les Mains Balladeuses. S’ils acceptent une ou deux chansons, ça peut déjà leur permettre de découvrir comment ça se passe. Et souvent, après la première expérience, les artistes reviennent nous voir pour nous dire que ça leur a beaucoup plu !

En tout cas, on leur souhaite bonne chance pour cette super démarche, tout à fait dans l’esprit du festival !

Propos recueillis par Marion Lambert.

Pour aller plus loin, regardez une playlist de démonstration du « chant-signe » :

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