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Interview du groupe de metal industriel HERRSHAFT le 4 juillet 2019

Le 4 juillet 2019, au Black Dog (Paris), Max et Zoé, chanteur et guitariste du groupe de metal industriel HERRSHAFT, ont répondu à nos questions, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album Le Festin du Lion, le 21 juin, via les Noires Productions / Season of Mist.

« On a commencé à jouer sur le côté ésotérique et petit à petit le concept de cet album s’est dessiné et l’image qui collait le mieux c’était ce Satan qui parle à son acolyte et qui lui dit “putain ils n’ont vraiment plus besoin de nous pour faire de la merde, ils y arrivent tout seuls c’est formidable.”

Pouvez-vous présenter le groupe aux lecteurs de Vacarm qui ne vous connaissent pas encore ?
Le groupe existe depuis 2004, avec au départ un noyau dur de trois personnes, Ludo au chant, Zoé à la guitare et moi à la batterie et à l’électro. Zoé et moi on composait toute la musique. Ce line-up a tenu pas mal d’années, on a eu dix belles années mais en 2014, Ludo nous a quittés. On a traversé la crise d’existence, on se demandait si on allait continuer. Le coeur de composition étant toujours là, on avait envie de continuer à faire de la musique ensemble mais on se demandait ce qu’on allait faire, si ça serait toujours HERRSCHAFT ou pas. Après une petite période de questionnement, plutôt que d’aller chercher un nouveau chanteur et de réintégrer quelqu’un dans le dispositif, on se sentait bien à deux et on a décidé que j’allais tenter le chant. Je ne savais pas faire ça. Mais il faut savoir qu’en live je faisais de moins en moins la batterie que j’étais en train d’arrêter pour des raisons personnelles. Donc lorsqu’on prenait un line-up live, on rajoutait un bassiste, un guitariste, un autre batteur et moi j’étais au synthé. Il y avait déjà une transition qui commençait. Alors on s’est dit pourquoi pas ? J’ai pris des cours, je n’avais jamais chanté avant, on a testé la voix pour voir ce qu’elle donnerait, ce n’était pas du tout la voix de Ludo. Il avait un chant très black metal, suraigu, puissant et tranchant, moi je ne suis pas du tout dans ce registre là donc forcément ça nous a donné une nouvelle orientation. On a décidé de continuer, de garder le nom et de partir sur une nouvelle aventure et ça a donné une nouvelle dynamique au groupe depuis 2014-2015. On est repartis à fond, on a recruté un nouveau line-up live avec lequel on s’entend très bien, Denis à la basse et Liv à la batterie. Ils font vraiment partie du groupe maintenant. C’est donc un groupe qui a 15 ans d’existence mais avec une deuxième vie depuis 2015.
Le Festin du Lion est le premier album sur lequel c’est ma voix qui est enregistrée. On a passé pas mal de temps à rejouer les anciens morceaux transposés avec ma voix mais en gardant toujours les albums enregistrés avec Ludo. C’est donc un album important pour moi.
Au niveau de la composition par contre ça n’a pas changé. C’est toujours Zoé et moi qui composons depuis le début et on construit tous les morceaux à 50-50. Au niveau production, Zoé a son studio et gère la production de l’album de A à Z. Il faut bien que je fasse mon boulot de chanteur donc j’ai pour mission d’écrire les paroles mais même pour le reste de la musique c’est souvent des choses sur lesquelles on revient un peu à deux, on reprend, on retravaille, on détruit, on reconstruit et c’est vrai qu’on a construit les paroles de cet album de la même manière que l’on a construit la musique. c’était juste une brique en plus. On travaille à deux. On était habitués depuis des années à travailler tous les deux et à enregistrer tous les instruments dans le studio de Zoé et comme on met cinq, six ans entre chaque album, on a aussi pas mal de matière qui attend, en gestation, des idées de morceaux non aboutis qui trainaient . C’était difficile d’inclure des gens dans ce processus de composition avec des choses sur lesquelles on avait déjà commencé à travailler à deux. Au final on l’a regretté et pour le prochain album, on aurait vraiment envie de faire participer Liv et Denis dans le processus de composition.

Pourquoi ce nom allemand HERRSCHAFT ?
C’est un vieux mot allemand entre bourgmestre, règne, domination. On voulait lancer un nom de groupe et à l’époque, en 2004, il y avait une grosse influence du monde allemand dans le metal electro, l’indus etc. On ne voulait pas un nom français mais un nom international et on a trouvé ce nom allemand.

Pas mal d’invités sur l’album, au chant notamment, pourquoi ?
C’est la blague. Tout le monde me demande s’il a fallu compenser avec d’autres chanteurs parce que je ne sais pas chanter ! (rires). Depuis le début on est très habitués à collaborer, à travailler avec des gens qu’on apprécie énormément. Il y a tout un HERRSCHAFT de l’ombre, notamment Jessy Christ qui chante régulièrement sur nos albums et fait partie de ce groupe de l’ombre même si elle n’est pas avec nous sur scène. On s’est créé un écosystème, j’adore le principe du collectif, j’adorerais avoir un collectif où on échangerait plein d’idées et on a fait marcher cette idée là sur l’album. Il y a des riffs composés par Baptiste Bertrand, Jessy qui vient chanter un peu là-dessus, un pote à nous est venu faire un solo de piano absolument phénoménal sur « How Real Men Do » et on adoré rajouter ces petites briques qui ne sont pas que du chant. Ce sont vraiment des featurings d’invités de marque, d’invités d’honneur qu’on est très heureux d’avoir. Ce sont des gens qu’on apprécie, proches de nous, ça ne m’intéresserait pas du tout d’avoir le chanteur de Korn en featuring, Ce n’est pas du tout ce qu’on cherche. On a vraiment un amour et un respect énorme pour ces gens là.

Quelles sont vos influences musicales ?
Avec Zoé on n’a pas du tout les mêmes influences. Moi j’étais très black metal et Zoé beaucoup plus influencé néo metal, moi j’étais plus vieille école. On se retrouve sur différents courants de metal indus, Rob Zombie , Rammstein, Eisbrecher etc. On a conjugué ces influences depuis le début et ce qui en ressort c’est qu’on n’est jamais d’accord Zoé et moi sur quel va être le prochain morceau. J’arrive avec une idée, il me dit c’est pas mal mais faut tout changer. Donc on n’arrête pas de s’engueuler et de déconstruire nos morceaux pour reconstruire le morceau ultime qui est la synthèse de ce qu’on aime. C’est pour ça que ça prend un certain temps. On s’est habitués à sortir des albums où on est sûrs qu’on a construit le morceau avec tous les allers retours jusqu’au moment où il va nous plaire, jusqu’à la fin.

Vous avez sorti un clip somptueux il y a trois ans sur le titre « How real men do », avez vous un projet de clip aussi abouti ? Sur quel titre ? C’est difficile de penser un nouveau clip après celui là ?
Pour nous oui. Depuis déjà 10 ans on voulait faire un clip, quelque chose de bien, on a mis beaucoup de temps et l’expérience a été réussie. Maintenant c’est le numéro deux donc on a encore plus la pression mais il fallait sortir l’album, faire la release, le prochain boulot c’est de travailler sur le futur clip. On a des idées pour le choix du titre, des idées de concept, on est en pourparler avec les réalisateurs de l’ancien clip, ça va se faire.

Pourquoi ce titre en français au milieu de l’album ?
La plupart de nos morceaux sont en anglais, on veut montrer le côté international du groupe, on a aucun problème à aller jouer à l’étranger, à interagir avec tous nos publics européens ou d’Amérique du sud. Les morceaux en français on les vit plus comme des bonus. Pour « le Festin du Lion », lorsque j’ai commencé à écrire les paroles en anglais, à le chanter, quelque chose n’allait pas. Il fallait que le morceau soit en français pour pouvoir transcrire toute la saleté et le désir crad qu’il y a dans ce texte. Ecrire dans leur langue c’est un challenge pour les groupes français. Tu peux écrire toute la merde que tu veux, sirupeuse à mort ou même totalement inintelligible en anglais, tout va passer. En français si tu n’as pas un peu de recherche dans l’écriture tu peux assez vite faire un truc très médiocre. Une fois qu’on a fait ça par contre on était embêtés parce qu’on avait notre morceau bonus sauf que « le Festin du Lion » n’est pas un morceau bonus mais un titre majeur de l’album. On le met donc au milieu, on trouve un titre et il a même donné son nom à l’album. Ce n’était pas fait exprès, c’est la révélation, le destin, il fallait le faire comme ça.

Quels sont les thèmes abordés dans vos chansons ?
Dans nos premiers albums, on était dans le concept de la glorification de l’humain dans tout son côté totalitarisme et puis la chute de l’homme une fois qu’il perd tous ses moyens, qu’il perd la technologie et qu’il tombe dans l’apocalypse la plus atroce, c’est quelque chose qu’on a développé sur nos deux premiers albums. Une fois qu’on a continué, on n’allait pas ressasser le même thème tout le temps, on a continué à s’intéresser à l’humain de plus en plus intérieurement, à tout ce qu’il a de sale et de sombre en lui. Les 12 vertiges c’est les 12 expériences vécues par l’homme et on arrive sur « le Festin du Lion ». Là on est sur des portraits de tout ce qu’il y a de plus sale dans l’humanité décrit par des tranches de vie. Des portraits différents, soit des portraits d’homme, soit Dieu qui parle à l’homme soit Satan qui parle à Dieu. On a commencé à jouer sur le côté ésotérique et petit à petit le concept de cet album s’est dessiné et l’image qui collait le mieux c’était ce Satan qui parle à son acolyte et qui lui dit “putain ils n’ont vraiment plus besoin de nous pour faire de la merde, ils y arrivent tout seuls c’est formidable.” Le concept de l’album est un peu autour de ça.

Pourquoi ce choix ? De parler de ce que l’homme a de pire en lui ?
Parler de ce que l’homme a de plus sombre en lui est le fil conducteur d’HERRSCHAFT. La manière d’en parler c’est comme si tu jettes une peinture , que tu jettes tout ton message dessus, qu’il est un petit peu abscons et que tu attends que la personne qui va voir ta toile trouve le double sens. C’est comme ça qu’on a construit nos morceaux et toute l’expérience d’HERRSCHAFT . On espère que les gens vont rentrer dedans et comprendre le double sens des paroles, ne pas prendre ça pour de la provocation bête et méchante, ce n’est pas du tout le cas. Il y a un côté second degré et grotesque très assumé auquel on croit beaucoup.

Vous étiez en promo au Hellfest récemment avec vos costumes dans lesquels vous deviez avoir bien chaud, ça s’est bien passé ?
Ça s’est bien passé parce que ça a permis aussi visuellement d’attirer l’oeil, les questions et de faire découvrir notre univers à des gens qui ne nous connaissaient pas. Ça a été très intéressant de monter la release de cet album avec Season of Mist sur le Hellfest et d’en profiter pour toucher et rencontrer de nouvelles personnes. C’était très sympa et puis on s’est baladé en boucle sur le festival pour le plus grand plaisir des photographes et des enfants !

Vous êtes costumés sur scène ?
Depuis le nouveau line-up, on a voulu se mettre en scène. On travaille beaucoup les vidéos en projection pendant le show, l’éclairage et on s’est mis à travailler aussi sur la façon de raconter notre histoire. On montre des personnages de pouvoir, c’est moi qui les incarne donc de toutes façons c’est grotesque, l’homme en costume, le prêtre un peu défroqué, on rajoute des personnages petit à petit et Satan devient une des figures de cette ribambelle de personnages. Du coup je commence un peu à me transformer en Arturo Brachetti pendant les shows, c’est compliqué mais en même temps très marrant, ça crée un lien avec le public, un show, et je pense qu’on a trouvé la formule pour pouvoir faire une musique, avoir une bonne dynamique, de la pêche sur scène et en même temps quelque chose à voir, c’est pas Tool quoi ! On nous voit nous sur scène !

Je sens le reproche !
C’était bizarre de terminer le festival comme ça, le Hellfest c’est de grandes scènes géniales avec des écrans de leds magnifiques et avec la vidéo, même en étant hyper loin tu profites du concert, ça a fait ça pour tous les groupes, tu vois Gojira en gros plan, t’es content, et là t’arrives, dernier groupe Tool qui ne voulait pas être filmé alors ok c’est un choix mais ça véhicule une musique réfléchie, intelligente et puis un peu péteuse aussi quelque part.

Un mot sur « Hate me » le dernier titre, très différent des autres ? 
C’était un petit défi justement et finalement on a eu de bons retours, on nous a dit que c’était rafraîchissant d’avoir ce morceau là. On s’attendait peut-être à se faire déchirer, que les gens nous demandent pourquoi ce titre. L’histoire de « Hate me » est intéressante. Au moment où Ludo est parti, où on se demandait si on allait continuer HERRSCHAFT avec la même formule, la même musique ou bien si on partait sur autre chose, dans les pistes qu’on a testées il y avait ce morceau, un peu plus tech, dance , cold wave etc. Et on a eu envie qu’il soit sur l’album. On fait ce qu’on veut de toutes manières, c’est notre morceau, ça reste du HERRSCHAFT et le fait de le mettre en dernier ça laisse un peu planer le mystère, est-ce qu’on va faire ça à l’avenir ? On va juste dire que faire ce genre de musique et partir un peu sur du cold wave ça nous aurait intéressés, ça aurait pu être un projet parallèle d’ HERRSCHAFT, est-ce qu’on continuera dans cette voie là ou pas, on ne sait pas, on laisse le mystère.

Vous ne savez pas quel style de musique vous jouerez dans le futur ?
C’est ça qui est bien aussi, c’est intéressant parce que l’avenir est ouvert à toutes les expériences.
Zoé qui nous a rejoints intervient : on a des idées mais on se laisse les portes ouvertes pour faire ce qu’on veut comme toujours.

L’album est sorti en auto-production ?
Zoé a son propre studio donc on est indépendants pour toute la partie production du son. Pour la partie label, on était chez Code 666 avant, un label italien. On n’a pas renouvelé l’accord pour cet album là et on a choisi les Noires Productions, un petit label qui se monte, des gens très proches de nous, on n’est pas très loin de l’auto-production. On a des contrats de distribution avec Season of Mist et avec des distributeurs pour pouvoir lancer l’album et ça nous convient très bien parce qu’on est maîtres de ce que l’on fait de A à Z, on n’est pas influencés donc c’est parfaitement nous.

Des dates de concerts à annoncer ?
Zoé : Une date à Nantes le 1er novembre au Warehouse avec une très belle affiche puisqu’on sera avec Punish Yourself, Shaârghot, et plus qu’une date de concert c’est même un événement pluri-disciplinaire puisqu’il y aura des performances, du shibari, c’est un truc qui va être très intéressant j’ai hâte d’y être moi en tout cas.
Max :  la salle est vraiment extraordinaire, le Warehouse est comme un hangar, un grand théâtre même puisqu’il y a des étages. Ça  se prête vraiment à voir des concerts et des animations à côté. C’est le genre de festival qui essaie de se faire rencontrer le monde de la performance un peu BDSM, du shibari etc et de la musique.

Le mot de la fin ?
Zoé : il faut dire aux gens de venir voir les concerts d’electro indus parce que c’est en train de revenir à la mode mais on a besoin d’eux quand même en concert, besoin qu’ils soutiennent la scène pour qu’il y ait plus de concerts comme ça. C’était un bel indicateur au Hellfest qu’il y ait plus d’electro, les gens étaient présents pour les concerts de Punish Yourself, Combichrist, Shaârghot, Eisbrecher etc. C’est la première fois que le Hellfest remet un peu d’electro dans sa programmation et j’espère qu’ils ont entendu le message du public présent. Il faut dire aux gens de continuer à aller aux concerts parce que c’est ce qui nous permet de continuer et de proposer toujours de nouvelles choses.

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