Entretien avec Philippe Deschemin du groupe Porn le 4 mars au Black Dog (Paris) à l’occasion de la sortie de l’album « No Monsters in God’s Eyes – Act III » disponible depuis le 27 mars 2020, avec lequel Porn boucle sa trilogie Mister Strangler.
Je suppose que tout le monde te pose cette question mais pourquoi Porn ?
Il y a une référence à l’album Pornography de The Cure, un groupe qui m’a énormément influencé et plus au niveau vocal peut-être. Quand j’ai commencé à chanter, je me suis beaucoup inspiré d’autres chanteurs et notamment de Robert Smith, David Bowie, des Doors un petit peu, ça venait de là et aussi ce côté de trouver un nom provocant parce que pour moi le rock a toujours eu cette dimension subversive, il faut que tes parents n’aiment pas en réalité. Ce côté provocant donc et avec cet hommage aux Cure. Pouvoir dire on va essayer d’aller au fond des choses, d’aller chercher nos tripes et qu’est-ce que la pornographie si ce n’est le truc le plus « à nu » de l’art cinématographique. Ça doit peut-être nous valoir quelques inimitiés dans l’univers du porno mais je n’ai pas plus de relations que ça avec cet univers.
Tu aurais aimé en avoir un peu plus, vis à vis du nom du groupe ?
Non et je trouve ça intéressant d’ailleurs, c’est un petit peu ce qu’on fait dans les albums de Porn, c’est à dire que, dans le dernier album par exemple, le single « Some Happy Moments », quand tu regardes l’artwork, n’évoque pas un moment heureux, une menotte avec du sang sur un radiateur. Dans le morceau « A Lovely Day », l’artwork c’est une cellule de prison, un cachot pourave. c’est une forme de dissonance cognitive, c’est comme écrire rouge en jaune. Les gens s’attendent à ce que le rouge soit rouge. Ça c’est quelque chose que j’aime bien, après le monde du porno ne m’intéresse pas forcément en soi dans le sens où l’arrière du porno n’est pas extrêmement attirant et à paillettes mais j’aime bien les actrices porno, elles sont jolies.
Tu as choisi le nom de ton groupe il y a 20 ans et en ce moment on parle du porn, de la place des femmes, des travailleuses du sexe, tu as pris un nom suffisamment fort pour qu’il gagne en sens au fil des années ! Et je trouve ça vraiment hyper stylé.
Après s’appeler Porn ça nous apporte des inimitiés et un peu de fascination de la part de certaines personnes. Pendant très très longtemps des gens nous disaient je ne peux pas porter un tee-shirt Porn, il y a dix ans c’était compliqué. Là on s’est fait attaquer il n’y a pas très longtemps par des féministes radicales anti-porno, je l’ai pris à la cool, je leur ai dit que notre position n’était pas du tout pro-porno, que je n’avais pas forcément de position par rapport à ça par ailleurs, et pas envie d’en prendre parce que c’est un problème qui est beaucoup plus compliqué que ça, sur lequel je me suis posé pas mal de questions, la marchandisation de l’individu etc. Si tu pousses le truc jusqu’au bout, je suis quelqu’un qui pense que le salariat est une forme d’aliénation et de servitude donc voilà, moi si on veut discuter de ça autant le faire jusqu’au bout sur toute la chose. Est-ce que je suis quelqu’un qui est pour les discriminations que ce soit en fonction du genre, de l’ethnie, de la religion etc ? La réponse est non, je suis plutôt un cosmopolite qu’un gars d’extrême droite pour être très très clair. Je suis même un ultra rouge et je serais même peut-être plus rouge que Marx pour poser le truc. Mais c’est un nom qui nous pose problème. Même dans la scène metal ou rock en général, tu as des gens qui nous le reprochent.
C’est par le nom du groupe que je vous ai découverts et ça m’a plus tout de suite parce que moi, en tant que marxiste etc, j’y ai trouvé un côté prolo, un côté provoc et justement de ce que tu disais sur l’essence du rock. Jack Black disait « le rock c’est dire merde au boss » et un groupe de metal qui dit Porn je trouve que ça fait vraiment merde au boss.
Oui, il y a de ça et on voit que le progrès c’est une forme de succession de subversions, de retournements et que du coup aller pousser une provocation ça permet ce genre de choses sans pour autant être dans la réaction d’un point de vue politique. Moi c’est un nom que j’adore, qui nous a posé des problèmes et va nous en poser, plein de portes vont nous être fermées et nous sont fermées à cause de ça et je trouve ça très très bien. C’est vraiment un truc que j’assume. Je suis plus tout jeune non plus tu vois donc j’ai cette patience de l’âge et cette force aussi parce que ça fait un moment qu’on est là et qu’on assume notre truc mais c’est marrant, et moi je le regarde d’assez loin, d’avoir toutes ces remarques de jalousie ou haineuses autour du groupe parce qu’on s’appelle Porn.
J’ai l’impression aussi que ça vous rend un peu à part dans le milieu du metal, même si votre musique ne sonne pas hyper metal dur, vous êtes dans un entre-deux, mais souvent j’ai cet espèce de regret, parfois peut être un peu absurde, sur le metal, si on enlève le stoner, le hardcore, le punk etc, c’est une musique qui ne provoque pas tant que ça en fait.
C’est une musique mainstream. Moi je ne suis pas très metal je te le dis très franchement, je trouve ça même un peu beauf, je le dis avec bienveillance, ça fait longtemps que le metal n’a rien de provocant et ne contribue pas à la réflexion dans la société là où, à l’époque, dans les années 70 et même jusqu’aux années 80, il suscitait quand même de la réflexion, aujourd’hui plus rien. Chaque pays génère sa propre petite scène avec des codes particuliers. En France on a quand même ce truc là où, si tu veux rentrer dans le merdier, faut avoir les codes, des valeurs communes etc. Je vais le dire avec bienveillance mais un petit peu de manière péjorative, en France si t’as pas ce côté alternant punk à chien, ça va pas trop le faire, ils vont se demander, mais qu’est-ce qu’on fait d’eux, ils ne sont pas forcément comme nous, donc c’est très difficile de rentrer dans le circuit et de pouvoir justement peut être tourner un petit peu plus, rentrer dans le roster d’un des tourneurs parce qu’ils sont trois, quatre et ils ont leur petit réseau avec les MJC et les SMAC. Si tu es différent, ils ne sont pas très inclusifs ces gens là donc quand tu es un peu comme nous tu vas te retrouver à la marge. Est-ce qu’on en souffre ? Je dirais non parce que ça nous a permis d’aller voir à l’extérieur et de nouer des liens avec des groupes américains et d’autres du côté de l’Allemagne. On est -pour faire du marxisme- victimes de l’Histoire, comme peuvent l’être les Juifs, les Roms demain. On fait avec ce que l’Histoire nous donne et on se construit en même temps. On utilise ce qu’on nous donne comme moyens, si vous ne voulez pas nous inviter dans vos festivals, nous on va faire autre chose et ça nous permet d’avoir bossé avec Chris de Nine Inch Nails, avec Combichrist, avec Orgy avec des grands groupes parce que s’ils ne veulent pas, on va voir ailleurs.
On va quand même parler de votre album ! Le cinquième c’est ça ?
Oui, on l’a enregistré en mars/avril dernier. Tous nos albums ont été finis chaque fois pendant l’été ce qui nous laisse le temps de pouvoir faire les clips et ensuite de sortir l’album dans la foulée. Grosso modo on a toujours pris à peu près le même temps et on a constamment composé de manière régulière pour avoir la matière nécessaire pour entamer les enregistrements toujours au printemps.
J’ai envie de poser ma question provoc maintenant, ça fait quoi de sortir un album new-wave en 2019 ?
ça c’est toi qui le dis, moi je n’ai pas l’impression qu’il soit vraiment new wave.
Pour moi il sonne entre Cure et un étrange Rammstein plus assagi, plus vaporeux.
Pour être un peu provoc, j’ai jamais écouté Rammstein ! Je ne suis pas un fan de ce groupe. Les mecs sont des bosseurs, ont sorti énormément d’albums que je trouve intéressants à divers endroits mais ce n’est pas du tout une influence, je ne vais jamais les voir en live ça ne m’intéresse absolument pas mais c’est un groupe que je respecte. Les Cure j’aime beaucoup. Pour répondre à ta question, moi je suis plutôt satisfait, parce que j’essaie d’avoir une vision assez réaliste de notre travail, il y a plein de choses qui sont bien, d’autres beaucoup moins et ça j’arrive à le voir et j’essaie de l’améliorer sur l’album suivant.
Qu’est ce que tu a trouvé dans l’album comme truc que tu aurais aimé faire différemment ou que tu feras différemment la prochaine fois ?
Les batteries. c’est un peu mon point faible. Elles sont un peu en retrait parce que je n’arrivais pas trop à les faire sonner. C’est de la programmation. Je trouvais certaines guitares aussi un peu faibles. J’étais content qu’on ait pu faire pas mal d’acoustique, assez content aussi des enregistrements de voix que je trouvais mieux réussis que dans l’album précédent, j’étais plus satisfait de la manière dont ça sonnait.
Tu as mis des filtres sur la voix ?
Non, j’ai fait beaucoup de superpositions, par contre il n’y a pas d’auto-tune ni quoi que ce soit. Je n’utilise que de l’écho et un reverb, par contre je superpose pas mal de voix et ça permet de créer de la texture, c’est plus long à faire, ça demande beaucoup plus de travail d’édition derrière mais j’aime bien comme ça sonne.
Du coup en live tu vas la retraiter de la même manière ?
Non en live c’est ma voix simple, seule. Sur scène on est quand même beaucoup plus rock. Mais aujourd’hui tout se joue sur le stream et sur Spotify et on est parmi les dix plus gros streamers français de rock hein ! On tourne entre 50 et 60 000 auditeurs mensuels et l’album n’est pas encore sorti. Par contre, merci Spotify ils nous kiffent et ils nous mettent dans leurs grosses play-lists. Il n’y a qu’une seule play-list Industrial Metal officielle de Spotify et on est dedans.
Il y a une dissonance alors entre votre notoriété sur Spotify et le fait qu’on ne vous voit pas si souvent tourner.
Oui mais parce que c’est deux mondes différents en réalité. Je vais te dire les choses de manière très claire parce que je n’ai pas de langue de bois, les groupes qui tournent en France dans le rock, il y en a plein qui ne vendent pas d’albums, leur seul but c’est d’aller faire la tournée des MJC parce que, comme on est dans un système hérité de l’ère du capitalisme monopoliste d’État, le système culturel est payé par nos impôts donc les MJC et SMAC s’en foutent de rentabiliser, elles ont un budget, font tant de concerts, donnent le cachet à leurs amis et peu importe s’il y a du monde aux concerts. Ça a créé une scène française sous perfusion, qui ne vend pas d’albums et s’imagine avoir du succès alors qu’elle ne fait que des concerts subventionnés et est incapable d’aller faire un concert par un producteur privé parce qu’il n’y aurait personne. J’exagère le truc, tu as certains groupes qui font quand même un petit peu de monde. C’est pour ça que leur périmètre de tournée est circonscrit à la portée des subventions françaises et quand ils vont jouer à l’étranger, c’est le bureau d’export qui paye. Même s’il n’y a personne. Nous on ne fait pas partie de ce milieu là, on n’a pas ce côté alternant punk à chien.
Tout en étant marxiste ! Ce qui est quand même rigolo !
C’est ça qui est fou mais tu sais j’ai fait beaucoup de travail là-dessus, au bout d’un moment tu te rends compte que ces gens un petit peu de gauche, c’est comme les anciens soixante-huitards qui deviennent réactionnaires aujourd’hui. Tu te dis « mais les mecs qu’est ce qui vous est arrivé ? » ! Quand tu regardes bien, ces « pseudos » mecs de gauche sont dix fois plus ultra capitalistes en réalité qu’un mec de centre-droite. Toutes ces veilles catégorisations de l’époque n’ont plus aucun sens aujourd’hui. Donc en France, on ne tourne pas des masses, là on a peut-être des plans sur les US puisque c’est là-bas qu’on fait le plus de stream, où on vend le plus d’albums, donne le plus d’interviews. Je commence à avoir beaucoup de relations avec des gens là-bas., Des gens nous ont déjà demandé des maquettes du nouvel album, de la suite, pour voir un peu ce qu’il est possible de faire. On commence à avoir une bonne assise en terme de vente d’albums et de stream, on fait peut-être le double de streams de Mass Hysteria hein ! Mais on n’est pas les seuls, tu regarderas sur Spotify, tu as plein de Français sous les radars mais qui streament à mort. Spotify a apporté ce que Youtube avait apporté aux comédiens qui ont eu la chance de pouvoir toucher directement leur public donc après t’as des Cyprien. C’est quoi ces mecs là ? Avant tout des comédiens qui pouvaient pas bosser et qui on pu produire leur truc avec Youtube. Spotify te permet de faire ça aujourd’hui, de squizzer les labels, le business, les tourneurs, t’as une interface directe entre l’auditeur et le groupe, Spotify te permet en plus d’avoir des accès aux statistiques etc.
Moyennant finances ! Ils prennent une partie de ce que vous gagnez quand même !
Bien sûr mais tout le monde prend toujours une partie de ce que tu gagnes, on vit dans un monde où, au-delà de la marchandise, il n’ y a rien donc il y a toujours quelqu’un qui pose un bifton quelque part. Ils prennent une part mais nous offrent aussi une forme d’indépendance, c’est à dire que tu passes d’une aliénation à l’autre. Avant tu dépendais d’une maison de disques qui avait tout pouvoir sur toi, aujourd’hui Spotify a tout pouvoir sur les maisons de disques. Et moi ça me permet de m’autonomiser totalement et de toucher directement le public plutôt que de devoir passer par un label qui va prendre plus, qui est propriétaire de tes bandes, parce que tu n’es même plus propriétaire des tes moyens de production ! Là je suis propriétaire de mes moyens de production, ça me permet de toucher directement quelqu’un et quelque part Spotify qu’est ce qu’il fait ? c’est Uber donc il y a le bon et le pas bon.
Les Etats Unis sont les deux tiers de notre audience, en France on doit être 8e ou 9e sur les streams. On est sur un créneau musical qui plaît plus aux américains. Spotify m’a permis aussi de me rendre compte qu’il y a des groupes qui cartonnent aux US dont on n’entend pas parler ici et ça permet de comparer les audiences respectives de chaque groupe. Des groupes que je pensais disparus de la circulation cartonnent, tournent à un million d’auditeurs par mois, font des belles tournées et ici on n’en entend absolument pas parler. Et ça c’est assez étonnant. Ça te permet aussi de voir qu’il y a des groupes français pour lesquels tu penses que ça fonctionne, tu ne comprends pas pourquoi ils se plaignent constamment que ça va pas et en fait ils streament rien, ils ont 1 000 abonnés sur Spotify et 5 000 auditeurs.
Tu me donnes envie d’aller fouiller dans le Spotify français !
Tu vas vite halluciner. Tu as plein de groupes qui commencent à émerger qui comprennent ça, comment Spotify fonctionne, qu’il faut sortir un peu plus de singles, un peu moins d’albums, parce que comme ça tu bénéficies d’algorithmes.
Puisque tu parles de singles, on va revenir sur l’album puisque c’est une journée promo pour en parler ! Il y a des titres qui font un peu singles, qui sont un peu courts mais on n’est quand même pas sur une écoute facile, certains titres font 7 minutes, l’album dure une heure, il m’a fallu l’écouter deux ou trois fois avant de vraiment l’apprécier. Tu n’as pas l’impression de pondre un album qui va être difficile à vendre sur Spotify ? C’est clairement un album de connaisseurs.
Quand tu vois nos audiences non. Spotify c’est quasiment autant de radios que d’auditeurs, en plus des play-lists particulières, ils ont une play-list pour quasiment tout. Dès qu’un morceau sort, on la chance qu’ils nous mettent dans la New Metal Track et c’est 400 000 abonnés, des mecs du monde entier qui écoutent ça. Ça fait un an qu’on est sur la Industrial Metal et on est parmi les plus grands groupes de rock industriel du monde. A côté de ça, Spotify fait beaucoup de play-lists algorithmiques et du coup ils ont redéfini le côté single en cassant les impératifs radio, tu vas avoir des morceaux de 8 minutes alors que les radios avaient cet impératif du court pour pouvoir rajouter plus de morceaux et mettre des plages de publicité derrière. Sur Spotify, j’ai un abonnement payant, 19 euros t’as pas de pub. Pour faire du marxisme, l’impératif économique transforme même la perception de nos conditions de consommation et de vie.
Ça fait du bien aussi d’écouter des albums plus exigeants en terme d’écoute. Il faut se poser pour écouter votre album. C’est une manière d’écouter de la musique qu’on n’a quasiment plus aujourd’hui.
C’est marrant ce que tu dis parce qu’en plus c’est paradoxal, avec les statistiques tu vois que les gens écoutent essentiellement en semaine et certainement sur le trajet du boulot ou entre midi et deux etc alors qu’on pouvait se dire qu’ils ont besoin du week-end pour écouter un album, se poser. Mais tu as aussi ce côté finalement où Spotify prend le pas et c’est eux qui imposent quelque part, je n’écoute pas de play-lists mais les gens les adorent. Moi j’écoute album par album parce qu’un album raconte une histoire.
Même s’il ne s’agit pas d’un opéra rock, l’album est en trois parties avec un titre qui revient à chaque fois « Low Winter Hope ».
Je ne le prends pas comme un concept opéra rock, je suis plus sur des trucs très Pink Floydiens de construction, d’histoire etc.
« Low Winter Hope » revient trois fois, c’est donc ce titre dont on se souvient à la fin de l’écoute de l’album, pourquoi avoir séparé ces trois parties, pour en faire une sorte de refrain dans l’album ?
Tu vois « Wish You Were Here » dans « Shine On You Crazy Diamond » de Pink Floyd ? Ils ont fait deux morceaux. Le premier est la part de 1 à 6, ensuite tu as la part 7 à 9 donc ils ont collé les parties entre elles. Par contre dans The Wall ils les ont séparées et je me suis dit « et si on les séparait ? » Quand on a écouté l’album, on a trouvé que ça fonctionnait bien, peut-être mieux que de faire des blocs qui se retrouvent comme dans « Shine On You Crazy Diamond », tu as un bloc au début, un à la fin et au milieu.
Vous avez un concert prévu à la Boule Noire, sur scène on peut espérer ce titre en entier ou pas ?
Non, on ne va pas jouer « Low Winter Hope », il faut faire des choix. Par contre tu auras « Some Happy Moments ».
Guitare acoustique ? Moment tête à tête avec le public ?
On va la jouer comme sur l’album. Elle va avoir ce côté ballade intimiste avec cette envolée sur la fin. C’est un morceau que j’aime beaucoup, j’étais content d’arriver à faire ça. On va aller encore plus loin sur des trucs comme ça.
C’est le single de l’album non ?
Figure toi que ce n’est pas celui qui a le mieux marché. Pour l’instant sur quatre singles, tu sais lequel a le mieux marché ? « A Lovely Day », il a cartonné et c’est même celui qui a le plus cartonné pour l’instant de toute notre discographie. Moi je croyais que la mieux calibrée pour un single serait « High Summer Sun » mais je me suis toujours planté sur les choix de single. Pour chaque album. « A Lovely Day » doit être quasiment à 60 000 streams en quelques jours ce qui est énorme et « High Summer Sun » doit taper les 35 000. C’est marrant que j’ai des a priori sur les singles qui s’avèrent totalement faux.
J’ai envie de revenir sur le dernier morceau, la toute fin de l’album, j’ai vu ça presque comme un prêche, un côté un peu religieux. Comment t’es venue cette idée ?
L’album était fini et je me suis dit qu’il fallait quand même couper le truc avec Strangler. Il meurt, c’est la fin, il faut quand même qu’il puisse avoir le dernier mot en s’adressant solennellement aux gens, du coup j’ai écrit ce texte et me suis demandé ce qu’il pourrait dire parce qu’il a quand même le monde contre lui. Il a fait preuve de son incapacité à l’empathie, accepte la mort mais quand même il se dit « fait chier ils m’ont eu ces connards », parce que dans ce narcissisme total, tu as cette envie d’être le dernier survivant et pour ce faire tu tues tout le monde. Il se fait quand même avoir en n’étant pas le dernier à survivre. Il enjoint donc tous les gens qui le suivent à continuer son œuvre et à mettre le monde à feu et à sang. Ça fera également une petite transition avec la suite, l’autre trilogie qui sera certainement juste deux albums.
Qui ne sera plus une trilogie du coup (rires) !
La suite fait intervenir de nouveaux personnages, Strangler n’est plus mais apparaîtra quand même de manière détournée.
Revenons sur ce prêche, tu vas le faire en live ?
Là on va surtout travailler le set en essayant d’incorporer un max de morceaux des trois, faire un truc qui soit très cohérent, on va jouer juste une heure, c’est assez court.
Tu n’as pas peur que le public reste sur sa faim ?
S’il reste sur sa faim tant mieux, on se reverra hein ! Et même si sur la suite il y a un nouveau personnage, qu’il n’y a plus Strangler etc, on continuera à jouer les morceaux de la trilogie Strangler. j’avais envie de bien clôturer le truc, voilà ça c’est fait et je crois en toute modestie que c’est une trilogie qui fera date. Avec le recul, je pense qu’il faut que ça mue, qu’elle murisse, tu vois par exemple je discutais avec Chris Vrenna , c’est quand même un mec qui a bossé depuis le début avec NIN après il a produit des albums de Manson, il a joué avec Samshing Pumpkins, le mec a fait des trucs, là actuellement il bosse avec Code Orange, c’est lui qui leur a fait toute la programmation, il a fait un remix de cet album, on est en train de bosser ensemble sur d’autres trucs, sur le nouvel album, ça c’est une petite exclu, on a déjà démarré, c’est un mec vraiment adorable et super fun, qui m’a dit être hyper impressionné de la trilogie, c’est super gratifiant de bosser avec des gars comme ça et extrêmement enrichissant et justement on a fait un gros travail sur les batteries du prochain album grâce à lui parce que c’est quand même un batteur et il nous a apporté un savoir faire, on a déjà bossé sur un morceau pour voir comment ça se passait. Là on est déjà sur la suite, on a déjà entamé l’enregistrement et on est hyper excités.
Ton acte préféré ?
Je dirais que c’est le III. C’est là où j’ai réussi à faire les choses tel que je le voulais vraiment parce qu’on a gagné en expérience en trois albums.
Au niveau de l’enregistrement c’est quand même très numérique. Tu n’as pas cette envie de retourner à quelque chose de plus physique avec des vieux synthés analogiques et de le sortir dans un vrai studio à l’ancienne, de passer trois semaines entre musiciens ?
Oui et non. On fait un peu ce travail là sur le prochain avec Chris Vrenna parce qu’il a un studio, passe tout dans sa console etc, donc en ce moment on fait ça même si c’est à distance. Je retourne aux Etats-Unis en juin donc on va avancer un petit peu plus là-dessus mais c’est vrai qu’on a déjà fini un morceau du nouvel album avec lui et ça sonne différemment. Je ne dirais pas que c’est mieux mais d’un point de vue techniquement pur, il y a beaucoup plus de patate et tu te demandes comment ils font pour faire sonner ça comme ça.
Une dernière question, pour clôturer cette trilogie, « No Monsters in God’s Eyes », est-ce que tu confirmes qu’aux yeux de Dieu il n’y a pas de monstre ?
Alors moi je dirais que oui mais pourtant je ne suis pas religieux. Je dirais que, comme Marx, c’est le soupir de la bête accablée, c’est l’opium du peuple. Je ne dirais pas ça mais je trouvais intéressant de mettre cette phrase et de la montrer aux gens qui sont religieux et ont tendance, comme disait Jean Soler, à considérer, surtout dans le monothéisme, que celui qui est en dehors de ton culte est non humain. Soit tu es polythéiste et tu considères que d’autres sont les créatures d’autres dieux, mais s’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’il est à l’origine de toute la création, qu’il n’y a rien derrière sa volonté, alors même la dernière des ordures, le dernier des monstres, est une créature de Dieu donc de sa volonté. C’est des trucs qu’on voit dans les grands procès lorsque l’avocat se met à réhumaniser l’accusé pour aller chercher de la compassion. Je trouvais ça intéressant parce que Strangler est le dernier des monstres puisqu’il passait son temps à trucider et justement dans le prêche, comme tu l’as dit à la fin, il utilise ce stratagème là en essayant de récupérer les arguments religieux à son compte, « je suis un enfant de dieu aussi ».