Cap'tain Planet : La première fois que j'ai entendu [1] Kilo of black bondage, je n'ai rien compris à votre musique … je ne sais d'ailleurs pas si j'ai compris quelque chose depuis. Au risque de me répéter, y a-t-il quelque chose à comprendre ?
SK : Au début, nous n'avons rien compris à ta question, d'ailleurs nous ne sommes toujours pas sûr d'avoir compris quelque chose, donc nous préférons passer à la seconde, si tu n'y vois pas d'inconvénients…
C : Etes-vous tout simplement inclassables ou peut-on quand même vous rapprocher d'autres artistes ?
SK : ce serait prétentieux de dire qu'on est inclassable
BS : peut-être que le disque est difficile à classer car depuis longtemps, les gens veulent absolument tout classer dans des boîtes, mettre des étiquettes à tout prix et effectivement notre disque part dans pas mal de directions vraiment différentes, ce qui fait qu'on ne peut pas le classer dans la boîte electro, ou celle du dub, ou du rock…
AB : Dans les chroniques que nous avons eues, on parle quelquefois de Bill Laswell, du label Worsound , Swordfish Trombones de Tom Waits, Kreidler et Stilluppsteypa , Tricky, Godspeed Your Black Emperor, Throbbing Gristle, même Sonic Youth …
BS : Captain Beefheart ! je n'ai rien compris la 1ère fois que j'ai écouté un disque de Captain Beefheart (rires)
C : Quelle est votre démarche artistique, que voulez-vous provoquer comme réaction chez l'auditeur ?
BS : « Mouiller la culotte » ! Ce n'était pas notre démarche à la base, de vouloir absolument provoquer quelque chose chez l'auditeur, rien n'était calculé. Bien entendu, on aime à croire que notre musique apporte des impressions, des sensations et des sentiments à l'auditeur, qu'elle le fait réfléchir, se questionner…
AB : c'était plutôt de trouver un monde à nous, en mettant en commun nos expériences, styles et influences
SK : oui car au départ, nous avons seulement été invité à nous rencontrer pour un concert unique au festival IDEAL de Nantes, à créer en peu de temps une performance qui n'avait comme seule finalité que d'être jouée au Lieu Unique ce soir-là. Puis comme le concert s'est bien passé, nous avons réitéré l'expérience dans d'autres villes et comme ça se passait toujours bien, on a décidé de faire un album avec l'aide précieuse de Norscq.
BS : L'album a été enregistré au début de la Guerre en Irak, ce qui a été sûrement une certaine influence pour moi (étant américain), et peut-être aussi sur l'ambiance générale du disque. C'est pour ça qu'il y a ce morceau Static Charge par exemple.
C : Pouvez-vous nous décrire un monde imaginaire qui correspondrait parfaitement à l'univers de [1] Kilo of Black Bondage ?
SK : chacun trouvera son monde à l'écoute du disque, je n'aime pas trop l'idée de donner des directions visuelles à quelque chose qui ne l'est pas et qui peut rester vraiment libre et ouvert.
BS : George Bush attaché avec beaucoup de scotch marron dans le 2ème sous-sol du Vatican ! (rires)
AB : il est décrit musicalement. Si on voulait décrire en terme visuel quelque chose, on ferait des images, là en l'occurrence ce qu'on a fait c'est de la musique et il y a une part importante de fabrication des auditeurs par rapport au monde imaginaire, c'est à chacun de créer son propre monde par rapport à ce qu'on a pu offrir.
C : Charles Bukowski ferait-il parti de ce monde ?
AB : Charles Bukowski ne fait plus parti de ce monde ! (rires)
C : Pourquoi avoir emprunté un texte de Charles Bukowski pour le dernier titre de l'album ?
BS : pour moi c'était plutôt un hommage à un artiste et ami qui s'appelle BXT avec qui j'ai bossé il y a quelques années et qui est mort il y a 4 ans. Sur son 1 er album Soupçons , il utilisait la voix de Bukowski sur un de ses morceaux. J'aimais beaucoup ce texte, qui d'ailleurs n'avait pas encore été publié à cette époque, mais était plutôt utilisé en lectures publiques, dans des bars…j'avais envie de le réutiliser d'une autre manière et il correspondait parfaitement à l'état du monde à cette période « Everything is broken… ».
C : Peut-on encore parler de composition ou faut-il plutôt parler d'objet sonore pour vos compositions ?
AB : On peut dire que ce sont des compositions mais qui n'ont pas des formes de construction classique
SK : mais pourtant, elles ont été composées classiquement, en répète, on faisait tourner des parties basse/batterie, des samples, des impros, on construisait les morceaux comme un groupe de rock ou de pop classique peut le faire
AB : il y a toujours une partie de composition pure et une partie d'espace plus libre où l'on peut d'avantage improviser, jouer dans des cadres plus souples, mais cela tient encore à notre passé, à nos expériences passées chacun séparément…
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C : Comment obtenez-vous des sonorités si peu communes ? Les sonorités présentes au sein de vos compositions sont très diversifiées, comment faites-vous pour obtenir un ensemble cohérent ?
AB : à force de travail
BS : par nos expériences passées, éviter les sons trop évidents
SK : on travaille beaucoup sur chaque son avant, chacun de notre côté, on les triture, les modifie et ensuite le fait de les mettre en commun apporte peut-être une certaine alchimie supplémentaire.
C : Pensez-vous que la France soit un bon endroit pour développer la musique électronique ?
BS : oui, on peut dire oui, surtout si on prend l'exemple de l'Angleterre, je ne suis pas sûr qu'il y ai beaucoup d'émissions de radio comme Epsilonia là-bas par exemple. Ce n'est pas si mal que ça, par exemple notre disque est sorti ici et c'est déjà pas mal…
SK : non, si on prend l'exemple de l'Allemagne où il se passe beaucoup plus de choses, où tu peux jouer plus facilement, rencontrer plus de personnes actives…
C : Quel(s) artiste(s) vous impressionne à l'heure actuelle (en France notamment)?
BS : The Grief !, Beans, Busdriver, Sixtoo, The Books – leur dernier album ‘ Lost and Safe ' est superbe !, SFT, TG Mauss, Lena …
SK : Larvae, Animal Collective, Liars, Pan Sonic, Unsane, Black Dice, pour la France en ce moment…je ne sais pas…2kilos &More peut-être (rires)
AB : Para one & Tacteel pour le travail de production sur les disques de TTC, dans un autre registre le "platiniste" Erik M., Cocktail Party Side-Effect, Jeff Gburek…
C : Comment se passe un live de [1] Kilo of Black Bondage ?
AB : Bien…Bien merci !
SK : il y a un côté très live, assez « rock » finalement, grâce au côté énergique et visuel apporté par la basse, la batterie et la voix, ce n'est pas que du lap-top statique. On partage notre prestation entre l'électronique et le jeu de nos instruments.
On a fait des dates en Allemagne, à Rennes, Toulouse, Paris et nous préparons une tournée pour avril mai qui nous mènera jusqu'en Italie, où le disque est aussi sorti chez Wallace Records ( Fear the Windows est une co-production avec les Parisiens de Ronda)
C : Avez-vous recours sur scène à des effets visuels particuliers (vidéos) ? Votre musique s'y prête particulièrement bien …
BS : oui il y a mes images projetées en fond, ce sont mes photos retravaillées et modifiées avec le programme Director . L'idéal pour nous c'est d'avoir un double écran pour faire des oppositions d'images, travailler le contraste.
SK : ce sont des images souvent abstraites, qui ne donnent pas de directions, et sont juste là en soutien…
C : A quoi ressemble votre public ?
SK : pas assez de franges, vieux pulls échancrés et bottes vintages…
BS : le public est assez large, j'espère que c'est une musique très ouverte, qui n'attire pas tel ou tel public bien précis…C'est un public super sensible (rires)
AB : Nous adorons notre public (rires)
SK : Pour l'instant cela a été un public de curieux car le disque n'était pas sorti, il ne savait pas ce qu'il venait voir, si ce n'est par nos passés respectifs
C : Une question parfaitement stupide : préférerais-tu que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en te voyant ?
SK : Nous on aime bien la salade de fruits
BS : si elles pouvaient s'évanouir dans une salade de fruits, ce serait même mieux
AB : … ou pleurer, PUIS s'évanouir dans de la salade de fruits ?