{multithumb}Rarement le Splendid de Lille n'avait connu une telle affluence. Car avant d'enchaîner Zénith sur Zénith à la fin de l'année, IAM a manifesté le souhait de programmer une tournée de chauffe dans une série de salles à dimensions plus humaines. La foule s'étend à perte de vue, à tel point que l'on en vient à se demander si l'on parviendra à caser toute cette populace dans un si petit endroit. Le concert est complet depuis de nombreuses semaines, et beaucoup se montrent prêts à aligner les billets pour accéder aux lieux. Mais un autre constat s'impose avant tout : l'incroyable diversité du public. IAM semble à l'heure actuelle l'un des seuls groupes à rassembler adolescent chevelu, parfait profil de gendre idéal tout droit débarqué de la faculté, adepte du survet' ou encore père de famille quadragénaire sous le même toit.
Une fois passées les portes, tout ce beau monde ne forme plus qu'un tout. Une masse imposante qui ne parvient que difficilement à masquer son impatience dans une salle à la chaleur déjà tropicale. C'est dire si la présence d'une première partie s'avérait inutile, et pourtant Saïd se voit confié cette lourde tâche. Affichant d'emblée de jeu une attitude marseillaise pleinement assurée (« eyh papa, ça va ce soir ? »), le chanteur va dérouler sur le peu de temps qui lui est imparti une demi-dizaine de compositions à forte dominante R'n'B, même si comme il s'efforce de le répéter, sa musique n'a rien à voir avec Tragedie ou M. Pokora. La réponse d'une petite minorité totalement irrespectueuse ne se fait pas attendre, les sifflements et autres majeurs levés ne tardant pas à manifester leurs présences pour faire déguerpir notre jeune ami. On surprendra même un collègue en profitant pour scander le nom de son média. Absolument honteux. Reste que Saïd ne se démonte pas, et en profite pour placer avec humour un « je vous dit merci », morceau directement adressé à ses détracteurs, gagnant au passage un tonnerre d'encouragements et d'applaudissements. Bien placé. Avec un show court mais néanmoins inspiré et justement chanté ainsi qu'une véritable présence scénique (on retiendra plus particulièrement les pas de danse robotiques), Saïd peu quitter la scène du Splendid la tête haute. Place maintenant aux maîtres de cérémonie.
Une simple intro, voilà ce qui aura suffit à IAM pour déclencher des hurlements assourdissants. Alors lorsque que six marseillais investissent les lieux sur un « Nés sous la même étoile », hymne incontestable extrait du classique L'école du micro d'argent, on assiste à l'éruption du volcan. Le public reprend mot par mot les rimes des marseillais, à tel point qu'il en vient par moment à recouvrir les voix des rappeurs, qui lâchent en pâture une bonne partie des fins de phrases. Etrangement, et alors que l'on imagine facilement des réactions quasi-similaires sur les dates déjà effectuées, les membres d'IAM semblent surpris et émus, coupant le show afin de placer quelques mots de remerciements dès le premier morceau, là ou d'autres auraient préférés enquiller sur une seconde composition avant de s'affranchir de cette tache. L'assistance n'est clairement plus le même, et laisse désormais pleinement éclater sa joie, les mains en l'air pour les deux heures de concert qui vont suivre.
Les niveaux des voix sont donc rehaussés en conséquence, mais la sur-activité des Lillois ce samedi soir va amener le seul véritable petit défaut de la prestation. Les instrumentations seront en effet partiellement occultées, ce qui s'avère plutôt dommage au vu de la qualité de celles-ci. Un problème tout à fait minime et rapidement oubliable comparé à la qualité du concert proposé. Les flows du trio Shurik'n – Akhenaton – Freeman sont impeccables, tout particulièrement pour Freeman qui révèle un visage bien plus agressif et expose un timbre encore plus rauque que sur album. Niveau présence, c'est le minuscule Shurik'n qui remporte la palme, effectuant des chorégraphie inspirées des arts martiaux et ne tenant pas une seule seconde en place, même si ses acolytes ne sont pas en reste et n'hésiterons pas à dégainer les sabres laser sur « L'empire du coté obscur » ou encore à revêtir les cagoules avant « Independenza ». Bien qu'il ne soit pas encore disponible, c'est évidement Saison 5 qui est très largement mis à l'honneur, l'occasion pour le public de découvrir en avant première une petite poignée de nouveaux morceaux.
Malgré un Revoir un printemps moyennement bien reçu (pouvait-il en être autrement après L'école du micro d'argent ?), cette nouvelle livraison semble grandement attendue et les quelques composantes proposées remporteront l'approbation générale, à l'image de « Une autre brique dans le mur », premier extrait déjà dévoilé il y a quelques semaines. L'impasse est faîte sur les deux premiers essais, probablement dans l'objectif de se concentrer sur les plus gros cartons d'IAM, mais une très large compensation est néanmoins proposée à la surprise générale. Chaque membre a en effet pioché dans le meilleur de son répertoire solo, Shurik'n s'appropriant pour les excellents « Samouraï » et « La Lettre » une petite majorité de suffrages, coiffant de peu Akhenaton et son « Bad Boys de Marseille » fédérateur bien que logiquement amputé du couplet de la Fonky Family. Pas rancunier pour un sou envers ceux qui ont tenté de le chambou
ler en début de soirée, Saïd viendra même à plusieurs reprises effectuer quelques pas de danse ou assurer des chœurs.
Les neuf minutes de « Demain c'est loin », superbe morceau sans refrain mais ne faisant preuve d'aucune baisse d'intensité, viendront définitivement clouer tout le monde à terre, mais ne sonne pourtant pas le glas de la soirée. Car en guise de rappel, IAM a gardé du massif avec le tube des années 90 « Je danse le mia ». Le groupe ne l'avait pas joué depuis treize années, et en profitera donc pour le rendre encore plus funky en couplant les flows de Shurik'n et Akhenaton à une nouvelle instrumentation. 99% de la salle auraient pariés pour une sortie de scène à la suite de ces quatre minutes. Pourtant les six marseillais persistent et balancent « L'école du micro d'argent », ce à quoi l'assistance répondra par un « ce soir, on vous met le feu » qui n'en finit plus d'être scandé. Incroyable. Le doute n'est plus possible : en vingt années de carrière, IAM est définitivement passé à la postérité. Il n'est désormais plus imaginable de parler hip-hop sans évoquer le nom de ce groupe légendaire.