Après une première journée de festival « courte mais intense », le réveil est difficile ! Ce n’est pas la programmation de la Valley qui va nous mettre de bonne humeur. LLNN nous tronçonne les esgourdes en plein soleil, dès notre arrivée sur le site du festival. Le quatuor danois de post-metal délivre un set massif et sans concessions, profondément violent. C’est l’un des meilleurs sets auxquels nous ayons assisté cette année. Le single « Obsidian » se métamorphose en astre à la pesanteur écrasante.
Primitive Man prend le relais pour partir à la chasse au Patatosaure, et broyer la moindre once d’espoir qui continuait d’exister dans les environs. Leur mélange de sludge et de doom crasseux, totalement dépressif, semble faire peser tout le poids du monde sur nos épaules. Les vibrations de la basse nous torturent les intestins et c’est une ambiance aussi malsaine que malaisante qui s’installe à Clisson.
Plus accessible mais pas nécessairement plus fin, le concert de Bongripper ressemble à un safari – on observe un troupeau de pachydermes traversant la savane – c’est majestueux, les mecs maîtrisent parfaitement leurs instruments et ça fait vibrer le sol. Bizarrement, un tremblement de terre a eu lieu dans la région à peu près au même moment ! Weedeater va redonner un peu d’entrain au public de la Valley avec leur stoner brut de décoffrage. Ces crétins au look de réparateurs de tracteurs ne laissent pas impassible la foule qui s’amasse devant la scène pour admirer les niaiseries du chanteur/bassiste, Dave “Dixie” Collins, dans une atmosphère qui sent l’herbe fraîchement coupée.
Dans un registre beaucoup plus sérieux, Greg Pucciato, ex-frontman de The Dillinger Escape Plan, nous fait la démonstration de ses talents vocaux, lui qui n’était pas sûr de pouvoir maintenir sa prestation au Hellfest. On assiste à un set 4 étoiles, avec un chanteur au sommet de sa forme, omniprésent sur scène et possédant une gamme vocale extrêmement étendue. On est bien loin de Johnny Depp essayant d’éructer trois pauvres mots, la veille sur la Main Stage… En guise de remerciement, Greg Pucciato nous offre une reprise de “Them Bones” d’Alice in Chains.
Triggerfinger avait enflammé le public de la Valley en 2015, leur retour à l’affiche a attiré une foule encore plus nombreuse cette année pour profiter de leur sens du groove, et de leur rock fiévreux. Très présent sur scène, Ruben Block, se déplace aux extrémités de la scène pour jouer avec son public. L’ambiance est légère et les visages se dérident avec les ondes très positives envoyées par le trio Anversois.
La soirée s’achève avec le retour très attendu de Botch. 21 ans après leurs adieux, les rois du mathcore sont de retour pour écraser les derniers vaillants festivaliers ayant survécu aux précédents assauts. Ce retour annonce-t-il un nouveau disque pour les Américains ? Rien n’est moins sûr mais l’absence de nouveautés ne se fait nullement ressentir. En effet, pour la majorité du public, Botch est une découverte (deux décennies d’absence, il faut le rappeler !). Les riffs incisifs et extrêmement nerveux font leur effet et l’accrocheur “One Twenty Two” met tout le monde d’accord. Vendredi 16 juin : Botch vainqueur de la Valley par KO technique.
Sur la Warzone, on aura pu découvrir The Chats, qui ouvriront prochainement la tournée de Queens of the stone age. Le trio garage punk venu d’Australie ont des gueules de sales gosses et leurs morceaux dépassent rarement les trois minutes. Leur musique ne passe pas par quatre chemins pour nous rappeler que le punk, c’est avant tout une histoire d’attitude. C’est direct, expéditif et sans fioritures.
Pendant que Def Leppard empoigne ses instruments, toute la joyeuse troupe des Flogging Molly entre en scène sur la Warzone un peu après 20h, devant un parterre hétéroclite (mais presque) bien garni. Dave King, le chanteur et co-fondateur du groupe n’y va pas par quatre chemins : “On dédie ce concert à un type qui est venu hier, Alice Cooper et qui a dit qu’on faisait pas du rock. Bordel de m*rde, on va lui montrer si on fait pas du rock !”. S’ensuit alors un déluge d’énergie, de vibrations, de bonne humeur, de slams et de grand bordel dont seul les Flogging Molly ont le secret. Avis de rédacteur, les ptits potes venus des USA n’ont pas menti. Rock’n’roll it was. Et en grand format svp. Une entrée parfaite sur “Drunken Lullabies”, un “Seven Deadly Sins” repris en choeur, on danse, on chante, on rit, on boit. Bref, on est bien sur la Warzone avec ce mélange de punk folk débridé et riche d’instruments divers et variés (violon, flûte irlandaise, accordéon, mandoline, banjo, etc.). On en serait presque triste de les voir partir si vite après une petite heure de show. Heureusement, le combo Warzone/Valley nous a réservé encore de belles surprises durant la soirée.
Sous l’Altar, Candy a décidé de distribuer des pains, mais pas forcément les mêmes que Jésus. Entre influences hardcore et thrash, le public semble possédé par les démons du circle pit. Leur recette est violente, crade et méchante, et c’est bien tout ce qu’on attendait d’eux pour nous remettre les idées en place. Après ça, il est hors de question de se reposer. Nostromo prend le relais pour défendre leur dernier album en date « Bucephale ». Les maîtres suisses du grindcore sont des habitués du Hellfest, mais c’est toujours avec un pincement au cœur, qu’on se prend une mandale de l’espace à l’écoute de « Rude Awakening ». Unearth poursuit dans la veine du “on est pas là pour faire dans la dentelle” et matraque salement son monde. Pas question pour les Américains de passer par la case “s’il vous plait” ou “excusez-moi”, leurs vingt-cinq années d’expérience suffisent amplement pour savoir où appuyer quand ils veulent faire mal. Ca circle pit tranquillement pendant que les musiciens sobrement habillés en noir déversent tout ce qu’ils peuvent d’énergie et de décibels.
Dans la foulée, on s’enchaîne un petit Vreid pas piqué des hannetons et on se prend à rêver de douceur et de films romantiques en savourant leur “black’n’roll” tout en légèreté… Non on déconne, ça envoyait quand même plutôt pas mal, mais retrouver des riffs de guitare et une mélodie au milieu de cet océan de blasts est une gageure assez rare jusqu’ici !
On retourne vite à nos vieilles habitudes de brutalité en s’envoyant, de retour sur Altar, un Aborted tout chaud. Squelettes sous vitrine, têtes décapitées en guise de décorum pour la batterie, pas de doute on est bien dans les délires macabres de Sven de Caluwé, qui semble encore se souvenir de ses belles années à bosser dans une morgue de sa Belgique natale, se frappant régulièrement le front de la main, comme si l’avalanche de décibels ne suffisait pas à passer par la case doliprane en sortant de scène. Adieu finesse, Aborted, c’est du lourd et du death brutal, pas besoin de faire un dessin de macabé. Le public l’a compris et le lui rend bien, envoyant tout ce qu’il peut en énergie en direction de la scène. Bloodbath est venu défendre son excellent dernier album, “Survived of the Sickest”. Déjà présents en 2015 et en 2019 au Hellfest, le groupe adopte une tenue plus sobre – pas de faux-sang cette fois-ci ! Par contre, le groupe a décidé de tronçonner quelques stères de bois avec ses guitares death. “Carved” ou “Zombie Inferno” sont autant d’occasion de découvrir la dextérité de ces Suédois, qui n’hésitent pas à piocher quelques titres plus anciens dans leur répertoire. On ressort du concert littéralement broyé.
Sur les Main stage, on aura pu assister au retour inattendu de Silmarils. David Salsedo semble très ému à l’idée de remonter sur scène “On s’appelle Silmarils, on est un authentique groupe de lycée. Quand on jouait, le Hellfest n’existait pas, on s’est arrêté pendant 15 ans et on n’a jamais pu jouer au Hellfest. On a décidé de revenir sur scène et de sortir un album cette année”. En effet, le groupe a été appelé à la dernière minute en remplacement des récentes annulations. C’est l’occasion pour les plus jeunes membres du public de redécouvrir quelques titres cultes des années 90, “Cours Vite”, “Mackina” ou encore “Victimes de la croix”. Le groupe n’a pas perdu de sa verve, et à l’approche de la cinquantaine, ça jumpe comme au premier jour !
Autre Main Stage, autre ambiance, puisqu’on assiste ensuite à la prestation d’Alter Bridge. Là aussi, des vieux routards du genre, puisque près de vingt années les séparent de leurs débuts. Le quatuor déroule une setlist bien calibrée, sans grosse double pédale mais avec envie et rythme. Un chant clair qui détonne presque dans le paysage local très efficace, des refrains repris par un bon petit paquet de connaisseurs de la formation et on ne sentirait presque pas passer le tremblement de terre localisé du côté de la Rochelle, puissance 5.8.
On tourne la tête vers la gauche et on aperçoit ensuite le visage bouffi du pauvre Jacoby Shaddix qui semble être passé sous un Massey Ferguson officiant dans un champ avoisinant. Pour autant, après trente années de scène, il continue de faire le taf, hurlant entre deux jets de flamme et haranguant la foule de “motherfuckers”. Côté son, on assiste à des choix bien spécifiques, certains titres tels que “Broken Home” se trouvant accompagnés d’un passage de “Lose Yourself” d’Eminem ou encore de covers de Prodigy (“Firestarter”) ou Dr. Dre (“Still D.R.E”). Pas de doute, on est ce vendredi sur un bon vieux revival de la toute puissance du néo-metal des années 2000 et manifestement, la foule ne boude pas son plaisir. On se termine tranquilou avec un habituel “Last Resort” que chacun fredonne à pleins poumons.
On ne se cache pas et on avoue avoir fait l’impasse sur Def Leppard et le très décrié (et même sifflé) Machine Gun Kelly, pour revenir en passant assister au spectacle des boomers de Mötley Crüe. Il est donc 23h passé quand les papys glam entrent en scène. Sur leur trente et un, comme à leur habitude, la bande à Vince Neil est accompagnée de deux choristes/danseuses plus ou moins vêtues, qui ne manquera pas de faire réagir positivement ou négativement en fonction des convictions de chacun. La setlist est efficace et on passe en revue les succès du groupe, “Shout at the Devil”, “Dr Feelgood”, “Girls, Girls, Girls” ou encore “Kickstart My Heart”. On a également le droit à un petit medley incluant notamment des extraits de “Helter Skelter / Anarchy in the U.K. / Blitzkrieg Bop”. Entre deux titres, l’appel à “voir des tits” n’aidera pas trop à réconcilier le groupe/le festival et une partie de ses détracteurs. On laisse là les quatre membres fondateurs du combo et le guitariste John 5 pour tourner la tête vers la scène voisine, Sum 41 s’échauffe la voix.
Nous parlions d’un retour en adolescence quelques lignes plus haut avec la programmation du jour. La clôture de la soirée par les Californiens offre une belle conclusion en point d’orgue à cette madeleine de Proust faite de grosses guitares. Là aussi, on pourra saluer une certaine longévité et une bonne stabilité de la formation, puisque trois des quatre membres emblématiques continuent d’arpenter les scènes après vingt-sept ans de bons et loyaux services. Deryck Whibley, le chanteur, offre une prestation rythmée et efficace, rappelant les dernières dates de Sum 41 avant dissolution, annoncée presque dans la surprise générale quelques semaines auparavant. Les spectateurs présents ne s’y trompent pas et sautent et dansent à tout va sur les principaux titres du groupe “In too Deep”, “Over my Head”, “Fat Lip” ou encore “Still Waiting” en conclusion. Entre temps, on entend passer une reprise de Rage Against The Machine et le classique “We Will Rock You” de Queen, quelques riffs de “Seven Nation Army” résonnent aussi sur les plaines de Clisson. Au final, malgré le poids des années et quelques rides, Sum 41 a terminé de belle manière cette journée, sans livrer un show magistral mais avec tout ce qu’il faut de professionnalisme, d’habitude et de punch pour en faire un très bon concert !
Demain on enchaine avec Iron Maiden, Clutch ou encore Municipal Waste !
Photos : Matthieu Tramond & Ugo Schimizzi