Welcome to Hell. Ce week end se tenait la 16e édition du Hellfest qui accueillait en têtes d’affiches rien de moins que Kiss, Mötley Crüe, Iron Maiden et Slipknot. Toujours dans la démesure, les chiffres du Hellfest sont impressionnants : 4 jours de festival, plus de 180 groupes, 60.000 spectateurs journaliers et un budget de 35 millions d’euros. Pour témoigner de sa bonne santé financière, l’organisation a confirmé sa présence à Clisson au moins jusqu’en 2026 et a apporté des modifications à son site. Un nouvel espace dédié au merchandising – The Sanctuary – aux proportions pharaoniques, a surpris les festivaliers à l’entrée. La Valley, désormais en plein air, a été déplacée à proximité de la War Zone, ce qui a suscité des réactions mitigées de la part du public, la scène paraissant plus petite et éloignée du reste du site. Une nouvelle gestion des flux a probablement permis de réduire certains temps d’attente et d’engorgements.
Cependant, le festival cristallise les critiques – plus encore que d’autres événements de même envergure. Présence de groupes indésirables, tarifs exorbitants, comportements intolérables ou questions écologiques, les déclarations récentes de Ben Barbaud dans la presse n’ont pas totalement convaincu ses détracteurs. On aurait bien aimé entendre l’organisateur s’exprimer lors de sa conférence de presse habituelle, mais celle-ci a été reportée en raison de l’annulation de dernière minute de la venue d’Incubus, et leur remplacement au pied levé par Crisix. Les festivaliers n’ont pas pour autant boudé leur plaisir de revenir à Clisson, certains poussant le vice jusqu’à se marier sur le site du festival !
Les conditions météorologiques ont été plutôt clémentes cette année – à l’exception d’un début de dimanche matin orageux – les festivaliers ont pu profiter d’un soleil doux bien loin des conditions extrêmes de l’an passé. Ainsi, c’est avec une certaine excitation que nous revenons à Clisson, nos bonnes vieilles habitudes en poche, pour assister à cette seizième édition du Hellfest et dans l’espoir de faire de belles découvertes ou de confirmer nos attentes vis-à-vis de certaines formations. C’est d’ailleurs pour cela vous ne trouverez que peu de mentions des principales têtes d’affiches dans cet article, nous préférons généralement fuir les scènes principales – à quelques rares exceptions près – pour porter notre attention sur des formations souvent plus modestes et moins rincées par le temps…
Ce jeudi, la programmation de la War Zone met à l’honneur des groupes français. Ce sont les « jeunes pousses » amères de KAMIZOL-K, sextet lyonnais qui a remporté le tremplin The Voice of Hell, qui se confrontent les premiers aux dimensions de la War Zone. Le public est réceptif à la recette explosive aux saveurs metalcore de ce groupe en devenir.
Autre scène, autre ambiance. Sous la Temple, le black metal avant-gardiste d’Imperial Triumphant fait sombrer son public dans l’apathie la plus totale. Masques scintillants et son lugubre, le trio new yorkais mélange le chaos au jazz foutraque pour produire des ambiances terriblement malaisantes.
Pour se fendre aux larmes, sans prendre l’expression au premier degré, mieux vaut fuir pour retrouver Poésie Zéro qui goûte à sa promotion, passant de la microscopique Hell Stage à la War Zone. « Hellfest de merde !!! Festival des dissonances cognitives ! Personne n’a envie de partager l’affiche avec Johnny Depp ! Personne n’a envie d’être à l’affiche avec Tim Lambesis ! » s’exclame François-Xavier en montant sur scène avant d’entamer « C4EST NOUS LES PUNKS ». Poésie Zéro aime chambrer le public avec des vérités qui blessent. « Vous portez des chaussures noires, vous êtes habillés en noir, mais le problème, c’est que vous êtes de droite ! ». La recette nihiliste et bas de plafond marche à la perfection sur un public chauffé à blanc, que ce soit sur « COUPE DU MONDE DE POGO », ou lorsque Poésie Zéro invite les Vulves Assassines à entonner « TECHNOFLIC » à leurs côtés.
Au même moment, le public de la Main stage assiste à une autre vision du punk. Generation Sex – deux membres de Generation X (Billy Idol et Tony James) associés à deux Sex Pistols (Steve Jones et Paul Cook) – reprennent le répertoire de ces formations cultes. Si la carrière de ces quatre gars force le respect, la prestation n’en est pas pour autant très convaincante… On pourra toujours dire qu’on a vu Billy Idol chanter « Dancing With Myself » ou Paul Cook marteler ses fûts en tenant ses baguettes à l’envers sur « God Save the Queen », mais c’est un peu mentir à ses petits-enfants.
Autre formation « canal historique », les Ludwig Von 88 ont décidé d’organiser une grosse fiesta sur la War Zone – on est pas loin d’installer un barbecue pour faire griller les merguez en reprenant « Louison Bobet For Ever » ou « Pocahontas ». D’ailleurs, les Svinkels attendent sur le côté de scène pour apporter les packs de 8-6. Gérard Baste partage son émotion à retrouver le Hellfest, et le groupe rend hommage à son public avec une setlist qui multiplie les références aux musiques extrêmes. Le set démarre sur le « Club de l’Apocalypse », DJ Pone remixe « Iron Man » de Black Sabbath pendant que ça rappe sur « Krevard » et se termine par une reprise de « House of Suffering » des Bad Brains.
Pour faire quelques découvertes, il fallait, comme souvent, se rapprocher de la Valley. DVNE est notre première grosse sensation du festival. Ce trio franco-écossais de sludge progressif a le chic pour construire des ambiances aux mélodies épiques. Au chant, Victor Vicart s’associe aux 9 cordes d’une magnifique guitare custom Gordon Smith, pour produire des riffs puissants, et des titres déjà très évocateurs sur album, tels que « Si-XIV » ou « Court of the Matriarchs » prennent une toute autre dimension sur scène. Dans un style plus sombre, Celeste crache toute sa négativité alors que la nuit tombe sur le site. Le groupe d’avant-garde black metal remplace The Soft Moon qui devait normalement se produire sur ce créneau horaire, et profite de la nouvelle configuration de la Valley pour nous offrir un set dévastateur comme parfait prémices à l’onde de choc Amenra. Prestation millimétrée et totalement maîtrisée, les Belges d’Amenra ont clôturé la soirée sur la scène de la Valley avec fracas. Ambiance tortueuse, projections en noir et blanc, et chanteur aux dimensions christiques, le groupe n’a besoin que de sept morceaux pour mettre tout le monde d’accord.
Petite incursion sur les tentes jumelles Altar et Temple. A notre gauche, les Grecs de Nightfall à l’heure de l’apéro, un prélude sympa sauce death metal sur cracottes à déguster avec sa bière. Le combo fêtait ses 30 années de pratique en 2020, belle longévité ! En face et une fois la nuit tombée, ce sont d’autres ancêtres du metal qui prenaient place, en la présence des Suédois de Dark Funeral. Trois décennies cette année et pas vraiment l’envie de faire une grosse fête avec des ballons et confettis. On est plutôt sur une ambiance funèbre et lugubre, à grands renforts de corpse paints et de poses dramatiques. Tout ce que le public demande finalement pour ces figures du black metal, les flammes ne faisant pas oublier un son parfois chaotique.
En clôture, les Polonais de Behemoth sont de retour une sixième fois et en tête d’affiche de la Temple. Après leur précédent passage diurne en 2017 sur la Main Stage 2, Nergal peut enfin utiliser l’ensemble de ses artifices pour sa messe noire. Le nouvel effort “Opvs Contra Natvram” est mis en avant avec cinq titres ce soir. Le formule blackened death metal de Behemoth s’avère plus maîtrisée que jamais et la performance est unanimement saluée par son audience.
Sur les Main Stage, on retiendra les assauts de Code Orange. Si de prime abord, leur musique profondément influencée par le hardcore pourrait vous sembler triviale, les expérimentations sonores menées par Reba Meyers – l’une des rares femmes présente sur scène – font de Code Orange un groupe à part. Véritable orfèvre, elle transforme sa guitare en machine à headbanger, tandis que le charisme naturel de Jami Morgan subjugue la foule.
Un peu plus tard, on retrouve sur la Main Stage 02 les Danois d’In Flames, vieux routards du metal et du festival, puisqu’il s’agit déjà de leur sixième participation. On assiste à un show rodé et carré, même si on pourrait souligner un léger manque de passion et une certaine logorrhée mécanique dans la manière d’amener les morceaux, de commander du circle pit et de remercier la foule. Côté setlist, onze titres bien ramassés, un peu du nouvel album “Foregone”, sorti cette année, et les classiques “Cloud Connected”, “Only for the Weak” ou encore “Take this Life” en clôture.
Hollywood Vampires, sur la Main Stage d’en face semble un peu plus dans leurs petits souliers que les précédents, récitant leur partition sous un soleil encore bien fringant pour l’heure, annihilant quelque peu l’esprit concert pour s’adonner à un semblant de répèt’ en public, ce rasta de Capitaine Johnny Depp arborant un bob aux couleurs de la jamaïque qu’aurait plébiscité le Reggae Sun Ska. Enfin qu’importe, c’était l’occasion là aussi de revoir, une éventuelle dernière fois, Alice Cooper et son maquillage en décrépitude, Joe Perry et Tommy Henriksen.
Si Hollywood Vampires et Kiss n’en finissent plus de mourir, la nouvelle génération de têtes d’affiche a faim et compte bien le faire savoir. Architects et Parkway Drive rétablissent l’équilibre du metal. Le metalcore démontre ce soir toute sa vitalité, en réponse aux Américains, les Anglais d’Architects délivrent une prestation magistrale mettant à l’honneur leurs deux derniers efforts (“For Those That Wish To Exist” et “the classic symptoms of a broken spirit”) et dédient même un titre à leurs camarades Australiens de Parkway Drive (« Doomsday »). Le set d’Architects se termine sur l’enchainement de leurs deux gros singles « when we were young » et « Animals ». Grosse prestation !
Parkway Drive clôture cette soirée metalcore en enfonçant définitivement le clou à grands coups de breakdowns. Leur set débute tout en puissance avec « Glitch », suivi de « Prey ». Une prestation nettement moins mélo qu’Architects, et c’est tout à fait ce qu’on attendait d’eux avant d’aller se coucher ! Dommage que leurs premiers albums aient complètement été écartés de la setlist. Au programme demain : Mötley Crüe, Sum 41, Botch… rien que ça !
Photos : Matthieu Tramond & Ugo Schimizzi