Quand on vient du vignoble nantais, même si sa ville d'origine semble être une faille spatiale vers l'Italie (Clisson), peu de choses prédestinent à devenir un groupe estampillé « musique du monde ». Réussir à faire cette musique en échappant à la caricature semble même être une pure utopie. Pourtant, Ma Valise réussit à produire un son teinté légèrement de chanson, en jonglant impeccablement avec les langues (allemand, roumain, anglais, français..), mais profondément original. Maya Yé! était là pour le prouver déjà : ce groupe a un merveilleux potentiel.
Ma Valise aime bien conserver certaines habitudes. Généralement, le groupe finit ses concerts au milieu du public, quelque soit le contexte. Sur album, la tradition est de finir sur un morceau instrumental, comme un dernier tour de piste avant de fermer boutique. A l'inverse, les ouvertures se font tambour battant, sur des petites chansons entraînantes dont les paroles se retiennent facilement. Ma Valise met à l'aise avec ces petits lieux communs, une fois encore sur Wege. A partir de là, le reste passe aisément.
Pour ce qui est du corps de l'album, justement, il est composé de nombreuses chansons, sans grande surprise encore, puisqu'assez proche de l'album précédent. Tout juste les cuivres sont assez discrets, et les phases « rock » prennent un peu le dessus. Cela n'empêche pas des variations dans les ambiances, entre la balade pro-nicotine « Smoking Kills » et la frivole « Ibovnica », avec réussite. Le thème est tout juste un peu moins politique. Les textes se tournent plutôt vers des petites histoires personnelles
Les Clissonnais peuvent prendre le risque qu'ils veulent, ils arrivent à sonner juste. « Des Pépins » fait sourire, avec son texte doucement manichéen à base de pépins pour les uns, les autres récoltant les pépites. Ils ont ce petit quelque chose en plus qui fait toute la différence avec le groupe lambda de rock-festif-« alorsjechanteenespagnol ». Il y a tout de même un moment où Ma Valise faiblit vraiment, fait la tentative de trop. Car « Bird Dance » semble ne pas trop savoir pourquoi elle est là et surtout se la jouer un peu trop dans la facilité. C'est d'autant plus dommage que l'enchaînement des deux deux titres qui l'entourent, « Flo » et « Tomorrow », aurait pu être prometteur.
Mais bon, le pardon est accordé au groupe. Car la fin de Wege est particulièrement réjouissante. « Samay Bok » s'appuie sur un clavier qu'un(e) allemand(e) digne de ce nom ne tardera pas à qualifier de « so süß » (hyper chou, en français). « Polka » s'appuie sur un rythme hypertrophié, comme ne le renierait pas Emir Kusturica. « Voodoo Nightmare » impressionne par une montée en puissance implacable. Tout ceci forme un tryptique des joies de Ma Valise, surtout en finissant sur « Voodoo Nightmare », l'acmé de l'album. Arrêter l'album à cet instant aurait pu être un choix encore plus judicieux, pour conserver l'habitude « Cearnosicul ». Car comme ce dernier, « Voodoo Nightmare » est en fait le révélateur de la possibilité pour Ma Valise de franchir une nouvelle marche.
Avec Wege, Ma Valise échappe au cliché et surtout à son propre cliché, refusant la redite d'un album à l'autre. Tout n'y est pas parfait, mais l'ensemble est grandement plaisant grâce à sa politique du verre à moitié plein. La progression se fait par étape. Il reste des soupçons de Mayé Yé!, voire de Bon Bagay, pour montrer que le groupe sait d'où il vient. Il reste des surprises, pour montrer que le groupe sait également vers où il veut aller… Voilà donc un groupe fortement intrigant. Ma Valise, c'est le groupe en chemin perpétuel. Qui ne sait pas encore où s'arrêtera sa progression ?
.: Tracklist :.
01. Tous Etrangers (Walls)
02. Ceuta
03. Smoking Kills
04. Digalo
05. Ibovnica
06. Flo
07. Bird Dance
08. Tomorrow
09. Samay Bok
10. Polka
11. Voodoo Nightmare
12. Des Pépins
13. Tous Frères