Bien que la composition ait été entamée quasiment dès la sortie du prometteur EP A Cœur Ouvert, deux années auront été nécessaires aux quatre musiciens (depuis passé sous forme de quintet) pour enfin voir arriver son tout premier album, appuyé par une distribution à grande échelle pour l’occasion. Mais Nos Corps Perdus permet aujourd’hui de dresser un constat sous-jacent depuis ses récentes prestations lives. D’espoirs, les nantais sont définitivement et rapidement passés dans la catégorie des talents confirmés.
Et pourtant, le quatuor ne doit cette réussite qu’à son talent ainsi qu’à une profonde détermination. Entièrement auto-produit et une nouvelle fois enregistré en compagnie de Damien Bolo, Element pose la barre bien plus haut que sur un EP au son déjà plus que convenable, s’adjoignant une production professionnelle dopée au amphétamines. Un habillage qui convient parfaitement à dix compositions qui ne s’embarrassent à aucun moment d’éléments superflus. Pas de détours inutiles, Nos Corps Perdus se veut comme par le passé direct et concis, exception faite d’une courte incursion de cordes s’intégrant parfaitement à l’ambiance mélancolique et langoureuse dont témoigne l’introduction du titre éponyme. Les musiciens poursuivent leurs explorations dans le metal savamment mélodique qui, bien qu’aisément accessible, ne sombre à aucun moment dans l’opportunisme d’un façonnage radiophonique horripilant. Cette dimension demeure certes pré-dominante, mais les musiciens parviennent néanmoins à parfaitement équilibrer leur balance à grands renforts de riffs explosifs, satinant par ailleurs harmonieusement les compositions de boucles électroniques hypnotisantes (l’irrésistible « Fracasse », véritable hymne en puissance). Les guitares virevoltent, lorgnant sans complexe vers les tessitures les plus aériennes (le brillant pont de « Mes Démons », le ré-enregistrement du classique « Poussière d’étoile ») avant de se fourvoyer quelques secondes plus tard dans une déferlante d’électricité salvatrice. Le groupe se surprend même à dévier vers des couplets qui ne seront pas sans rappeler le mouvement metalcore américain (« L’orage »), rythmique martiale saccadée à l’appui, le tout avec brio.
Si les constructions restent sensiblement les mêmes et s’articuleront logiquement autour d’un couplet / refrain / couplet, Element évite pourtant la stagnation, proposant aux seins de ses instrumentations nombreuses cassures rythmiques permettant à la guitare de s’évader dans des envolées en solos non-négligeables (« La poudre et le sang »). Sans réelle surprise mais néanmois diablement efficace. Le chant de Yohan parvient à habiller les instrumentations tout en respectant le même cahier des charges. Abordant deux visages bien marqués ainsi qu’une volonté toujours aussi prononcée d’exprimer des sentiments personnels à travers ses écrits (« Fracasse », « Je Donne »), le frontman parvient à muer sans sentiment de cassure d’un chant clair limpide à de plus occasionnels hurlement arrachés bien sentis (« L’orage »). Rebondissantes et entraînantes, les lignes de chant se rendent d’ailleurs coupables de quelques refrains entêtants qui confèrent à certains morceaux une véritable dimension tubesque (« Graine Mortelle », « Mes Démons », « Fracasse »). A l'aise dans les passages les plus dépouillés, celui-ci se risque à s'aventurer sur le ré-arrangement acoustique d'un vieux morceau (« A jamais éteint ») qui, s’il n’atteint pas la qualité du reste de l’album, à le mérite de parfaitement fermer le bal.
Nos Corps Perdus reste au final un album bien moins énigmatique que son titre, les nantais livrant dix morceaux superbement calibrés pour la scène. Une première incursion dans la cours des grands qui tend à prouver qu’en ces temps difficiles pour l’industrie musicales ce désormais quintet est définitivement impossible à arrêter.
.: Tracklist :.
01. Graine mortelle
02. Mes démons
03. Nos corps perdus
04. Fracasse
05. Je donne
06. L'orage
07. La poudre et le sang
08. Laisse moi
09. Poussière d'étoile
10. A jamais étaint