Quinze ans, c'est ce qu'il aura fallu attendre pour voir Cynic proposer un successeur à l'unique album du groupe composé jusque là, Focus, en 1993, érigé en monument par toute une communauté. Traced in Air n'est pas qu'une récupération d'un style défini par son grand frère (puis repris par pléthore de groupes), à savoir un death metal progressif et atmosphérique, soutenu par une voix unique et vocodée, loin de la. Pendant tout ce temps, l'eau a coulé sous les ponts, les « divergences musicales » mises en avant pour justifier le split de la formation en 1994 sont révolues, les nombreux sides-projects ayant fait évoluer chacun des musiciens (citons Portal, Aghora ou encore Aeon Spoke), Cynic se remet donc en route, et la machinerie, c'est le moins qu'on puisse dire, a très bien vieilli.
Huit titres, pour trente quatre minutes. Court, le dernier Cynic ? Traced in Air aurait pu être un poil plus long, en effet, mais c'est bien le seul reproche que l'on puisse lui faire. En effet, on en aurait voulu un peu plus, mais on peut oser la comparaison avec un moelleux au chocolat, c'est petit, c'est dense, mais ça se savoure. Les morceaux sont effectivement riches en informations sonores, et dès la piste d'ouverture, « Nunc Fluens », conçue plus comme une mise en bouche, on sent déjà qu'on va avoir affaire à du très grand. Mais c'est véritablement « The Space For This » qui va poser les bases de l'univers de cet opus : Ambiances spatiales, chromées, jazzy, mathématiques et plus encore, on se retrouve nez à nez avec quelque chose de jamais vraiment entendu jusque là (et dieu sait qu'il fallait déjà être ouvert d'esprit pour encaisser Focus quinze ans plus tôt). La voix de Paul Masvidal est débarassée du trop plein de vocoder qu'on lui avait collé, mais est tout de même traitée assez en profondeur pour qu'on ait l'impression d'avoir un extraterrestre diablement inspiré au chant. The Mars Volta, ou du moins son frontman Cedric Bixler, c'est ce à quoi on pense pendant les premières minutes. Les mimiques de voix ont clairement un arrière-goût tout sauf désagréable du style du chanteur à la coupe afro, et le Cynic actuel, même s'il est loin des créateurs de Frances The Mute, peut également cultiver une propension à l'originalité, les influences punk, seventies et latines en moins, et les ambitions post-modernes en plus. « Evolutionary Sleeper » (seul nouveau morceau joué par le groupe lors de la tournée 2007) nous conforte dans cette idée, cet album tire défitivement le metal vers le haut.
Metal, voilà un terme qu'on pourrait d'ailleurs discuter, tant la musique de Cynic version 2008 en est éloignée. OK, on retrouve des signatures rythmiques typiques (on peut d'ailleurs souligner les excellentes parties de batterie), une seconde voix (assurée par le petit nouveau Tymon Kruidenier) tenant plus du grognement, et certaines parties de guitare un poil aggressives, mais on est loin du death produit par le combo à ses débuts. Nous avons juste le droit à de l'énergie pure, du groove, de la mélodie, pour un résultat qui captive, qui fascine. « Kings of Those Who Know », morceau à tiroirs, épique et complexe, en est une des illustrations, les passages robotico-Townsendiens de « The Unknown Guest » également. Le travail sur les guitares mérite d'être mis en valeur, les riffs sont originaux, techniques, mais sans surcharge. Les solos, quand à eux, parlent d'eux mêmes.
Bon, vous l'aurez compris, cet album est excellent. Reste à savoir s'il va pouvoir reconquérir la fan-base de Cynic, composée tout de même en grande partie de chevelus (rappelons que le chanteur/guitariste Paul Masvidal et le batteur Sean Reinert ont tous deux participé à l'élaboration du désormais classique Human du groupe Death). Mais nul doute qu'ils arriveront à séduire un public plus large, plus hétéroclite, tant le mélange des genres forme un tout cohérent, mélange du death progressif des débuts, digéré, retravaillé finement ciselé, pour donner un chef d'oeuvre de composition et de technique. Math-Metal, Jazz-Fusion, Death-Prog-Space-Rock-Machin-Chose, ou quelque part entre tout cela, impossible au final d'essayer de coller une étiquette quelconque. Pourtant, une chose est sûre : Traced in Air est un album à la classe folle et cela ne fait aucun doute qu'il s'imposera, à l'image de son prédécesseur, comme un album incontournable et comme une source d'inspiration pour beaucoup.
.: Tracklist :.
1. Nunc Fluens
2. The Space For This
3. Evolutionary Sleeper
4. Inegral Birth
5. The Unknown Guest
6. Adam's Murmur
7. Kings Of Those Who Know
8. Nunc Stans