Du bruit, Aygghon semble en faire au sens propre comme au figuré depuis la sortie de ce Demi-Deuil il y a de ça quelques mois. Salué par la critique, la formation s'est aussitôt vue affublée de la même étiquette que Slipknot à l'époque de son premier album, à savoir néo-death. Un genre qui pourrait paraître bancal mais qui convient pourtant parfaitement à ce tout premier opus du quatuor.
Car si Demi-Deuil conserve dans sa recette quelques éléments proches du néo, il n'a finalement que peu de choses à rattacher aux ténors du mouvement. Les mélodies sont certes bien présentes, mais l'ensemble sera nettement plus à rapprocher d'un Gojira (dont le frontman intervient d'ailleurs sur « La Terre Dolente ») ou d'un Dagoba, voire Pantera ou Machine Head. Plutôt que de mettre les gros riffs qui tachent au service de la mélodie, comme il est devenu tradition chez tant de groupes Français, Aygghon opère exactement le choix inverse, et autant dire que cela se montre hautement accrocheur. Pourtant, Demi-Deuil se veut loin d'être le disque le plus original ou même le plus technique de l'année au niveau de ses instrumentations, la formation maîtrisant néanmoins parfaitement l'art de structurer ces douze déflagrations sonores (« Rédemption » et sa longue montée en puissance) et ne se limitant pas aux schémas traditionnels usés jusqu'à l'os. Il semble en effet que les musiciens aient avant tout misés sur l'efficacité, un choix plutôt judicieux tant ces douze compositions s'avèrent assimilables dès la première écoute. Chaque morceau témoigne d'une hargne massive et oppressante, mise en musique par des riffs aussi délicats qu'un rouleau compresseur, accompagnés d'une session rythmique qui envoie le bois sans concession (l'énorme « Angiospermes », chargé de mettre K.O. l'auditeur d'entrée de jeu, « Renaissance »). Bienvenu dans l'univers lourd et saturé d'Aygghon, un monde ou le ciel se teint d'un noir d'encre, ou l'explosion de violence intervient à peine quelques secondes après l'ouverture de la cage retenant ce Demi-Deuil corrosif et viscéralement prenant.
Le tout se voit complété d'une légère touche de mélodie (le refrain « La Terre Dolente » et ses quelques notes éparses située entre une série de riffs assassins), bien moins décelable dans les constructions instrumentales que dans la voix de Maxx. Non que celui-ci use d'un chant clair aseptisé et rapidement lassant histoire d'essayer de toucher un plus large public (exceptions faîtes du surprenant refrain de « Système H20 » et du mélancolique « L'homme Cancer », qui ne gêneront pas outre mesure puisqu'il s'agit des deux seuls morceaux à user de ces envolées), mais les hurlements savent aussi se faire plus « limpides » et moins rageurs, lorgnant presque par moments vers un chant presque mélodique mais néanmoins très rauque (les couplets du très lent et appuyé « Saisons », « Renaissance »). Inutile donc de chercher la ballade mièvre à la guitare acoustique habillée d'une voix que seuls les traficotages peuvent permettre à un chanteur de metal, Aygghon ne tombe à aucun moment dans le piège des mélodies faciles.
Rien de bien nouveau sous le soleil donc, mais un disque ultra-prenant et foutrement bien construit. Aygghon pourrait bien devenir un groupe incontournable de la scène française tant on devine ces quatre musiciens capables d'encore plus. Une affaire à suivre de très près…
.: Tracklist :.
01. Angiospermes
02. La Terre Dolente
03. Saisons
04. Alerte
05. Système H2O
06. Rédemption
07. Lymph-Homme
08. Face Au Vent
09. Inachis Io
10. Renaissance
11. Contre-Courant
12. L'Homme Cancer