Eparpillés dans différents projets au cours des dernières années, il aura nécessité cinq longues années aux azimutés des Svinkels pour marquer leur retour. Une longue période qui pour un groupe aux méthodes classiques aurait sans doute été synonyme d’un disque annoncé à grands renforts de superlatifs divers. L’album de la maturité, aura-t-on tendance à avancer à chaque nouvelle sortie. Le cas du Svink ? Sûrement pas, se vantent-ils. Pourtant, Dirty Centre marque bien une étape dans l’histoire de cette bande de rappeurs en marge du hip-hop bling bling.
Avec ce troisième opus, les Svinkels nous dressent un semi-concept album qui s’articule autour de la création d’un nouveau pays : le fameux Dirty Centre. Si passés le visuel ainsi que le titre éponyme, l’utilité de cette idée ne pouvait sembler que dérisoire, elle s’explique pourtant dans l’orientation musicale des instrumentations construites par Doctor Crunkenstein. Afin de renouveller leur son Nikus Pocus, Mr Xavier et l’incontournable Gérard Baste s’en sont donc allés trouver un nouveau compère, et dressent en quatorze titres un album aux antipodes d’un gangsta-rap made in USA que semblent calquer nos représentants Français, s’influençant pour se faire des courants Dirty South et Crunk. Les instrumentations surprendront donc de prime abord, Crunkenstein affichant une volonté de ne pas imiter le travail opéré sur les précédents opus en privilégiant des sons ultra-synthétiques savoureux, puis finissent de convaincre de par leur aspect rafraichissant. Des envies old-schools qui renvoient inévitablement à la musique hip-hop des eighties, ces dernières confiant aux morceaux un aspect kitch et cheap qui colle à merveille aux propos très second degrés des Svinkels (l’excellentissime « Tout nu yo ! », véritable tube de l’été). Certains morceaux s’avèrent même particulièrement dansant, à l’image de l’hymne de biture « La Youte », d’autres proposeront une couleur rock’n’roll bien marquée via l'intégration du trio magique guitare / basse / batterie (le fédérateur single « Droit dans le Mur » sur lequel le Svink’ annonce clairement la couleur : « Ma musique n’est pas faîte pour les MJC, calibrée pour l’entrée du stade Français »).
Si les instrumentations ont su gagner en variété et explorer des voix inédites, les Svinkels n’en ont pas pour autant oublié l’atout principal de leur musique : le propos. Les mots du Svink sifflent aux oreilles, le trio de rappeurs s’en donnant à cœur joie pour écorcher avec humour différents phénomènes de société actuels. Et a ce niveau, les MCs américains (ainsi que leurs inévitables clones franchouillards) en prennent pour leur grade à travers un « Dirty Centre » aux rimes affûtées (« imagine les putains de jantes que j’aurais, il faudrait les observer avec des lunettes de soleil, j’ai pas le permis mais je regarde Turbo c’est pareil ») et les toxicos sur le rebondissant « Le Blues du Tox ». Les thèmes de l’alcool et l’auto-destruction si chers aux Svinks ne sont par ailleurs jamais très loin, « La Youte » s’inscrivant au niveau de ses lyrics dans la parfaite continuité de « Réveille le Punk », tout comme les dérives sexuelles qui donneront naissance aux deux compositions les plus tordantes de Dirty Centre (l’interlude beauf « La Tour Eiffel », enchaîné sur « Tout nu yo ! »). Et si les paroles s’orientent définitivement vers un second degré plus que prononcés, elles n’en sont pas moins bien pensées, tant les Svinkels excellent dans l’art de la rime qui défouraille. Belle performance.
Si le Svink est « complètement borné et va droit dans le mur », il y fonce avec un putain de bon disque sous les pédales. L’été arrive, le disque s’avère parfait pour s’allonger sur le transat en marcel, une bonne binouze à la main. « si leur zik à fait des p’tits faudra les tuer à la naissance » ? Certainement pas : plus on est de cons plus on se marre.
.: Tracklist :.
01. Le club de l'apocalypse
02. Droit dans le mur
03. Faites du bruit
04. Du PQ (pour mon trou-trou)
05. La ferme
06. La youte
07. Dirty centre
08. C'est des cons
09. Ultras festifs
10. La fugue (série noire II)
11. La tour eiffel
12. Tout nu yo !
13. Le blues du tox
14. On ferme