Voici une interview un peu particulière de Lofofora. Ce sont des groupes de metal français qui posent des questions à Lofofora … {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
G-Rom de Keishah : Quel est ton point de vue sur ces groupes qui, contrairement à Lofo, tournent la page en aseptisant leur son pour toucher un public plus large ?
Reuno : Je pense que ça vient d'une volonté commerciale plus que d'une volonté artistique. A moins que le groupe soit monté dans une logique commerciale alors à ce moment c'est la suite logique de l'histoire. Forcément c'est des choses qui nous échappent un peu. C'est leur problème car au final ces gens là on ne les écoute pas vraiment …
C : Je vais poser une de mes questions …
Pierre : Tu fais partie d'un groupe ?
C : Non …
Pierre : … alors t'as pas le droit de poser de questions ! (rires)
C : En ce moment il y a un débat sur notre forum qui pose cette question : que représente l'artiste en 2005 ?
Reuno : On ne peut pas le définir. L'artiste propose sa propre vision du monde. Il est impossible de savoir ce que représente l'artiste. Au même titre, il y a des gens qui essayent de faire des sondages pour savoir qui sera président et à chaque fois ça rate … pour le coup espérons que ça rate ! L'artiste le plus authentique c'est celui qui est le moins cernable et qui échappe à toutes les étiquettes. C'est un peu mon cas, j'essaye au mieux de fuir les étiquettes …
C : on a un deuxième débat, est ce que l'artiste peut devenir un homme politique, est-ce qu'il peut dépasser son statut d'artiste ?
Reuno : Je pense que l'artiste se rapproche plus du rôle du bouffon que du rôle du roi. Ca m'a emmerdé longtemps cette étiquette de chanteur engagé. Je m'exprime sur des choses qui me touchent. Je choisi des sujets parce qu'ils sont assez intenses pour écrire des chansons. Après je ne me suis jamais revendiqué « chanteur engagé ». Je n'ai jamais donné de conseils politiques. D'ailleurs « politique » ça doit vouloir dire quelque chose comme « vivre avec les autres ». La seule différence entre le début de Lofo et maintenant c'est juste que je pense plus à une révolution individuelle que collective.
Ca peut être critiquable : on peut dire que les artistes doivent rester des clowns. Mais en même temps on n'est pas obligé d'avoir fait l'ENA pour faire de la politique. Chacun a le droit de s'exprimer. Il faut comprendre que de nombreuses personnes n'ont pas le droit de s'exprimer et que quand tu te sens plus proche d'elles que des hautes sphères, forcément quand on te donne le pouvoir de parler, tu essayes de représenter les personnes qui ne peuvent pas le faire. C'est un peu naïf mais c'est humain …
Corrupt the day : De par vos 10 années de succès au sein de la scène française est-il toujours facile de se remettre en question lors de la conception de nouveau morceaux? Vos récentes récompenses représentent-elles pour vous un aboutissement, ou plutôt une motivation pour continuer?
Reuno : Quelles récompenses ?
C : Le DVD d'or et le cd d'argent …
Reuno : Ca a été une grosse polémique. Au sein du groupe on été tous d'accord mais notre manager voulait en faire fabriquer plein et faire une remise officielle. Je le comprends très bien car lui n'a pas la reconnaissance du public et la confrontation sur scène. Je comprends que pour lui ça représente quelque chose un disque d'argent dans un cadre. Si j'avais voulu avoir des médailles, j'aurai fait militaire ! Si j'avais voulu des coupes, j'aurai fait sportif ! Tu vois ce que je veux dire ? J'ai vraiment insisté pour qu'on en ait pas … Si je l'avais eu j'ai toujours dit que je le casserais en petit morceau pour le partager avec le public mais comme on n'en a pas eu, on ne l'a pas fait.
Sinon se remettre en question c'est la base de Lofofora. On le fait constamment et tant qu'on pourra le faire, on continuera à jouer.
G-rem de Masnada : As tu des envies d'écriture extra Lofo ? Quand aurons nous le bonheur de lire un bouquin signé R.W aux éditions Sriracha ? Plus sérieusement, où en est le tournage de ton film "Reuno et les braqueurs de culs" ?
Reuno : On m'a demandé récemment d'écrire pour Parabellum et ce fut une très belle expérience. J'aimerai aussi écrire pour autre chose que du rock … J'aimerai bien écrire pour une fille des chansons qu'on ne devinerait pas que c'est un mec qui les a écrit. Sinon pour ce qui est du format roman, j'ai du mal à écrire plus de trois pages. Sinon pour le film, j'attends qu'il se présente au casting … le plus vite possible ! M'sieur G-rem, on vous demande !
Nyco de Kandjar : Est-ce que ce n'est pas trop dur après plus de 10 ans de carrière de DEVOIR tourner pour vivre de la musique? Arrivez-vous à vendre assez de cd pour considérer que vous vivez de votre art? De plus que pensez-vous du "système artistique" français? (pas beaucoup de promo car trop violent)
Reuno : Holà ! Ils se prennent la tête … Faut faire de la musique les gars ! (rires)
Ca fait une dizaine d'années que je gagne ma vie dans Lofofora. Il y a des années plus fastes que d'autres mais j'ai la chance de faire le métier qui me plait. Pour ce qui est du statut d'artiste en France, je suis assez partagé. Je comprends que ça soit fait pour nous aider et vivre de sa musique et je comprends aussi le côté de Didier Wampas qui dit que le rock ne doit pas être subventionné par l'Etat … Je pense que ce qui est difficile c'est surtout pour les petits groupes pour jouer dans des petites salles car de nombreuses ont fermé…
Chamka de l'Esprit Du Clan : N'est il pas difficile de bosser ensemble en étant séparés par de nombreux kilomètres ? A quand une tournée ensemble ?
Reuno : Les Lofo c'est vrai qu'on n'est pas tous du même coin mais quand on se voit, on se voit pour bosser et pas autre chose. Notamment quand on compose un album, on se voit pendant une semaine ou quinze jours d'affilée. On est 24h sur 24 ensemble sauf après la douche de Phil (private joke). On vit, on bouffe, on chie musique. C'est notre façon de faire et je la trouve plus efficace que quand on était tous à Paris. Il fallait se taper ¾ d'heure de métro à l'aller et au retour pour aller répéter. En plus on se conditionne à l'avance. On sait que pendant ces 10-15 jours on va avoir besoin d'avoir des idées.
Sinon pour une tournée avec l'Esprit du Clan, pourquoi pas ?! On n'a pas le même tourneur mais c'est un groupe qu'on apprécie.
Riktus : Penses tu qu'il y ait réellement une grande différence entre les groupes signés et les groupes dit underground en France ? A quel niveau?
Reuno : Forcément … C'est le début d'une concrétisation quand tu as un groupe de potes et que tu produis ton cd puis que tu le distribues. La première fois que ça t'arrive c'est un truc de ouf. La différence, elle est là. La notion d'underground je n'y crois pas beaucoup. Certains groupes n'ont pas sortis d'albums et pourtant ils ont une démarche professionnelle. J'ai mis 10ans à comprendre que c'était mon métier. Je sais qu'on a été jalousé à nos débuts car on sortait tout juste de la période alternative et de nombreuses personnes ne pensaient pas qu'on pouvait faire du rock en étant signé sur une major. On a pourtant signé chez Virgin pour nos trois premiers albums. Il y a toujours beaucoup de jalousie entre les groupes qui ne sont pas signés et ceux qui le sont …
C : En parlant de la scène alternative, le groupe Demosys te pose cette question : avec le recul, comment avez-vous ressenti la jonction entre la scène alternative et ensuite la fusion/métal. Avez-vous fait des concessions ?
Reuno : Bah nous on est arrivé après. C'était déjà fini les histoires de Bondage, etc… Tous les petits labels avaient été revendus à des majors. On n'a pas eu de transitions à faire ni de concessions. On n'en a pas fait et c'est pour ça qu'on n'est pas resté dans une major. Ils ne pouvaient quand même pas nous menacer de mort …
Skwyrell : Pour en revenir aux questions de Riktus : Tu es (étais?) parrain d'une association -(inchal'assos)- cette asso n'a existé que le temps d'un concert, as-tu été informé de ce qui s'est passé? Quel est(a été) ta position par rapport a ce parrainage ?
Reuno : C'est des proches de Masnada qui m'ont branché à un concert. J'ai dit que je n'allais pas forcément être dispo mais que j'étais ok à titre d'invité d'honneur. Je trouvais leur histoire intéressante. Je sais qu'ils ont eu des problèmes économiques mais ils me tiennent toujours au courant de leurs avancées.
Riktus : Toi qui a vécu l'évolution avec lofo pendant de nombreuse années que penses-tu de l'émergence de la scène métalcore (caliban, killswitch engage, trivium etc.) en ce moment très présente en Europe mais pas -encore- trop suivi en France…Dans le même sens, comment vois-tu l'évolution de la scène métal française ces 10 prochaines années ?
Reuno : J'aime beaucoup les albums de Killswitch Engage. C'est vrai qu'il y a un gros renouveau dans la scène métal avec des groupes venus de Suède. Pour ce qui est de la scène métal, nous on ne s'est jamais considérés comme proprement dit « métal ». L'avenir de la scène métal je m'en fous, je veux juste que des gars continuent à bien jouer et à pulser avec leurs guitares. Que ça soit du punk garage, à roulettes ou à surf …. Je m'en fous ! (rires)
Mouss de Mass Hysteria : On va jouer ensemble ainsi qu'avec No One Is Innocent en Bretagne prochainement. Dans quelle position souhaitez-vous jouer et pourquoi ?
Reuno : En dernier parce qu'on est les meilleurs !!! (éclats de rires).
Xvision : Quel est ton dernier coup de cœur en matière de metal français ?
Reuno : Mass Hysteria et No One Is Innocent ! (rires) Avec Sriracha on va essayer de sortir des groupes en qui on croit vraiment … On va faire jouer Leptik Ficus avec nous à l'Elysée Montmartre. Il y a Sleepers qui m'ont invité à venir jouer avec eux sur un morceau. Mes potes de Eyeless … ETHS, Tripod, etc….
David et Fred d'Enhancer : A propos de la mort de Dimebag Darell. Que penses-tu de la réaction d'un fan qui est poussé à tuer une idole ? Comment cela peut-il arriver ? Avez-vous eu des frayeurs avec Lofo ?
Reuno : Tu crois vraiment que le mec qui a tué le gratteux aimait Dimebag ???? Il s'est suicidé après, je ne sais pas si on a retrouvé des disques de Pantera chez lui … C'est assez flippant. Un jour il y a un mec qui m'a remis une disquette. C'était un bouquin et il m'a dit que c'était sur la schyzophrénie. Il m'a dit que je savais très bien de quoi il voulait parler parce qu'il pensait vraiment que j'étais schyzophrène. C'est flippant car à la place d'une disquette il aurait pu me planter un couteau … Ma folie ne va pas assez loin pour que je puisse comprendre ces gens là. Je ne peux pas imaginer ce qui peut pousser des gens à faire ce genre de choses …
Il y a quelques années on avait enregistré des titres en cachette dans les studios de Polydor. Un jour, il y a un gars qui est entré en disant qu'il voulait voir Mylene Farmer parce qu'elle ne répondait pas à ses lettres. La fille qui était à l'accueil ne l'a pas laissé passé et il lui a envoyé une balle dans le caisson … Elle est morte sur le coup. C'était juste un gars qui avait été embauché deux ou trois mois comme stagiaire dans la maison de disque. Voilà, ça peut arriver, il n'y a pas que le métal qui rend les gens méchant !
Skwyrell : C'est comme pour John Lennon …
Reuno : Ouais mais John Lennon il avait quand même refusé un autographe … il l'avait un peu cherché ! (rires)
C : Toujours une question d'Enhancer : Comment avez-vous vécu la fin du label Jaff ?
Reuno : Bien … enfin pas mal en tous cas. Après l'époque Virgin on s'était dit qu'on ne signerai jamais plus pour plus qu'un album sur un label. On ne veut pas être dépendant d'une structure. Il s'avère que Jaff était composé de 3 personnes et que sur ces trois personnes, deux ont monté le label at(h)ome qui est notre label actuel …
C : Enhancer pose aussi une question stupide : quel choix ferais-tu entre vivre tout le reste de ta vie avec un instrument qui est branché et fait du bruit 24h/24 et ne plus jamais pouvoir jouer, même pas en rêve ?
Reuno : Facile … la première sans aucune hésitation car j'ai Pierre comme batteur que je dois déjà supporter 24h/24. Pierre est pire qu'une boite à rythme en marche constamment. Comme j'habite chez lui j'ai une sorte d'instrument qui fonctionne 24h/24 ! Si on mettait des piles à Pierre, il correspondrait parfaitement à la définition. Le petit lapin rose, c'est lui !
DJ Pone : Pourriez-vous nous prêter votre bus pour une ou deux dates ?
Reuno : Beuh … ils ont le même que nous sauf qu'il est jaune ! Peut-être qu'ils trouvent ça trop clownesque ?! Remarque ça va bien avec leur typo … Je ne comprends pas cette question … Ah non, je sais ! Ils nous ont vu la dernière fois avec le tour bus qu'on loue pour ne pas aller à l'hôtel. Mais vu qu'on dort dedans, ça sent la chaussette ! (rires)
On l'emmène avec nous, y a pas de soucis …
C : Ma question finale, qu'elle question poserais-tu à tous les groupes qui t'ont interrogé ?
Reuno : euh … Ca vous arrive souvent de répondre à n'importe qui au téléphone ??? … non excuse moi je déconne, c'est méchant pour toi…. Vous avez que ça à foutre de faire des interviews alors que je pourrais être en train de manger tranquillement avec les Svinkels ??? (rires)… Allez au boulot les gars, faites moi des compos qui déchirent !!!!!!
Un grand merci à Vincent du label At(h)ome et à Lofofora pour cette superbe interview !