Le groupe de death progressif Prophetic Scourge était à l’affiche du Hellfest 2022, le 19 juin. la quasi-totalité des groupes du premier week-end du Hellfest, Prophetic Scourge devait se produire en 2020. Eux-mêmes acteurs de la culture à titre individuel en plus de leur formation, ils nous racontent comment ils ont vécu ces deux années grises et comment ils entrevoient l’avenir de la culture !
Hello les gars ! Merci de m’accorder cette entrevue avec vous. On commence par les présentations ?
On est Prophjetic Scourge, un groupe de death progressif et on vient du sud, entre les Pays Basques, Agen et Toulouse. On existe depuis 2013, avec un EP en 2015 et deux albums ensuite chez Klonosphere en 2018 et le dernier, « Gnosis : A Sorrower’s Odyssey », en 2021. L’album avait été enregistré à l’été 2020 entre les deux premiers confinements. On était frustré de rien pouvoir faire d’autre, mais pas le choix. On en a quand même profité du premier confinement pour finaliser certains trucs.
Ça changé quelque chose le confinement, sur votre manière de travailler ensemble ?
Non, pas vraiment. Nous ne vivons déjà pas tous dans les mêmes villes, donc on a l’habitude de bosser à distance entre nous. On à peu près trois heures de route pour se voir, donc on n’a pas non plus l’occasion de répéter ensemble très souvent. On bossait déjà en virtuel avant tous ces bouleversements. On s’envoie nos idées, nos pistes, etc. Mais ça a été difficile de ne pas se voir, même si on ne pouvait pas le faire très fréquemment non plus, avec toutes ces annulations de concerts et le fait que, comme tout le monde, on n’avait pas vraiment de visibilité sur le moment de la reprise. Ce genre de choses reste humainement compliqué à vivre. Et pourtant on a eu de la chance, notre dernière tournée s’est terminée vraiment le week-end avant le premier confinement. Ensuite, seulement trois dates d’annulées, dont le Hellfest 2020, enfin son fantôme. On avait visé le bon créneau sans le savoir.
Vous vous êtes organisés comment pour la suite, mise à part la sortie de Gnosis ?
On a surtout attendu que les choses se décantent avec de reparler concerts et tournées. On a attendu le bon moment pour sortir l’album et on a attendu avril 2022 pour faire une tournée de deux semaines pour défendre Gnosis. Là pour le Hellfest, on est sur la dernière date de la tournée. Donc mine de rien, on a eu beaucoup de chances, on a beaucoup plus attendu que les bonnes occasions se présentent que subi des annulations. On ne voulait pas non plus forcer et aller sur des concerts en demi-jaune ou avec le public assis et masqué. Bon, faut avouer que quand on avait visé avril 2022, c’était un peu du pif, évidemment personne ne pouvait savoir ce qu’il en serait.
Vous êtes vous-mêmes un public assidu ? Vous vous rendez souvent ou régulièrement à des concerts de manière générale ?
Quand on peut… On n’est pas tous dans une grande ville. À Agen, la scène metal n’est pas très développée. Les concerts dans le coin sont assez anecdotiques. On profite surtout des concerts qu’on fait pour voir des groupes. Moi, Josh (chanteur du groupe, ndlr), je bosse au Florida à Agen justement. Mais c’est évidemment pas toujours des concerts de metal. On bosse beaucoup à bosser dans le milieu de la culture, mais au sens large.
Vous étiez donc en première loge sur les questions de la vie culturelle…
Et oui, dans le groupe il y a aussi des profs de musique. Alors si pour Prophetic Scourge, ça s’est pas trop mal goupillé, niveau pro, individuellement parlant, c’était pas forcément la folie. On s’est retrouvé dans l’écran à faire des cours en visio… C’était pas spécialement agréable. Même si on a la chance d’habituer dans des endroits au calme, le contact humain a manqué, toujours au niveau pro.
Au moment de la reprise, vous avez remarqué un changement, chez le public notamment ?
C’était un peu bizarre au début oui. Des annulations par faute de préventes, on pensait que ce serait la teuf, cette reprise, mais ça n’a pas été le cas. Le directeur du Florida nous racontait que même si les préventes se faisaient bien, beaucoup de gens ne venaient finalement pas aux concerts. Une partie des gens ont peut-être aussi trouvé un confort à rester chez soi, une partie du public qui a peut-être lâché l’affaire aussi, par la force des choses.
Une situation irréversible selon vous ?
On n’espère pas ! Ce serait triste, non ? C’est très bien de s’être rendu compte que le temps est précieux et que les moments à profiter de son foyer, sa maison, étaient peut-être trop rares avant tout cela. Mais nous restons des animaux sociaux, il ne faut pas perdre de vue les bienfaits d’échanger avec les autres et la culture est le meilleur moyen de le faire. Le fait que le Hellfest se déroule enfin devrait pouvoir débloquer certains. Les assos ont en tout cas besoin que les choses se relancent, pour savoir où elles vont et surtout savoir si financièrement parlant, c’est possible ou non de continuer. Les salles indépendantes aussi. Ça a été l’horreur pour elles, beaucoup ont fermé. Il y a un gros turn-over, entre démoralisation et situation financière critique… Mais on pense que ça va repartir, mais peut-être différemment. Il va peut-être y avoir un point de rupture un jour, malheureusement. À voir dans quelle intensité et les conséquences, car les gens se rendent compte quand même de l’impact de l’absence d’un public, qu’il s’agisse des organisateurs ou du public lui-même justement. Mais si rien ne se passe pour relancer la machine, il va y avoir une disparition provisoire mais conséquente. Les petits groupes et artistes émergents ne pourront plus être représentés, il faudra miser que sur les grosses têtes d’affiche pour que ça reste viable financièrement parlant.
Et aujourd’hui comment vous vivez les choses ?
Ça fait plaisir de revoir de la vie ! Peut-être que oui cette reprise du Hellfest va relancer un truc. C’est une grosse dose d’un coup, c’est un peu bourrin comme reprise justement, mais ça fait plaisir. Par ailleurs, ceux dans le groupe qui sont dans l’enseignement n’ont pas été impactés sur le nombre d’inscriptions de nouveaux élèves pour la rentrée. Au contraire même, ça marche très bien. Les jeunes de 15-20 ans sont très intéressés. Leur génération va porter et apporter beaucoup de nouvelles choses, vu la motivation qu’y voit ! Ils ont envie de s’éclater, passer de bons moments et de vibrer. Ils se démerdent d’ailleurs pour se bouger et justement faire des concerts, plus qu’avant. On a plusieurs élèves qui viennent pour la première fois au Hellfest par exemple. C’est un gros investissement, entre le trajet, le billet et la vie sur place et ça ne représente pas rien. On est peut-être dans le moment de creux, mais la demande va se montrer assez significativement. Alors c’est aussi à nous de prendre des choses en main pour les accompagner. Par exemple, les gens s’organisent en covoiturage pour sortir, surtout en campagne. Ce qui fait que les festivals marchent bien, c’est notamment la mise en place de navettes ou de partenariats avec les transports en commun.
De manière plus globale, on a pu beaucoup discuté avec des élèves, des parents d’élèves etc., des gens qui n’avaient pas ou plus forcément un mode de vie autour des concerts et qui, quand ils découvrent leurs gamins jouer, même sur un petit truc, viennent nous dire « Qu’est-ce que ça fait du bien de sortir, de vivre, de revivre et de découvrir des choses ! », comme s’ils avaient oublié ce que c’était. Les structures ont une grande mission aujourd’hui : réintégrer les gens dans la culture pour qu’ils (re)découvrent son importance !