An Electro Soul Experience a été la première pierre de l'édifice discographique du trio nantais Smooth. Cinq ans après la sortie de leur premier joyau musical, David Darricarrère (Chant/guitare), Nicolas Berrivin (basse) et Christophe Declercq (batterie) ont effectué un véritable virage musical avec la sortie de leur troisième pierre The Parade qui regorge de pépites musicales. En 2006, The Endless Rise of The Sun avait laissé entrevoir une volonté des trois membres de Smooth de se détacher de cette étiquette lounge qu'on leur avait trop vite collé à propos de leur style musical. En pleine tournée pour défendre leur nouvel opus, Smooth se produisait non loin de leur ville d'origine sur la scène du Chabada à Angers. Le rendez vous était donné avec David, chanteur de Smooth pour discuter de ce troisième album The Parade, quelques minutes avant de se lancer devant le public angevin.
Hervé: The Parade, le troisième album studio de Smooth est disponible depuis février 2010. Comment a été reçu ce nouvel album par la presse spécialisée?
David: La presse a remarqué le virage pop et folk que l'on peut voir sur certains titres. On s'est appliqué à faire des morceaux qui soient jouables à la guitare autour d'un feu de bois. Dans un certains sens, c'est un virage artistique. En général, The Parade a été bien accueilli par la presse.
Hervé: Et par le public?
David: On a toujours gardé cette recette de sampling et d'ambiance que l'on retrouvait sur les deux précédents albums. On a réussit à faire plaisir à tout le monde et surtout … à nous
Hervé: Comment se passe la tournée en relation avec The Parade?
David: La tournée se passe très bien mais il est vrai que c'est assez difficile de remplir les salles car nous n'avons pas une énorme promo sur The Parade.
Hervé: An Electro Soul Experience et The Endless Rise Of The Sun étaient sortit sur le label Ministrong. Pour le troisème album, vous avez fait le choix de rester en autoproduction sans avoir désiré être signé sur un label. La création de Do You Like, le propre label de Smooth était une nécessité?
David: C'était important pour plusieurs raisons. D'une, nous pouvons garder notre liberté. On décide « Où? Comment? Combien on investit sur la promotion?… J'ai aussi monté ce label, Do You Like par volonté de produire d'autres artistes. Je pense à Hutchinson pour qui nous réalisons en ce moment leur nouvel album. Il y a aussi mon projet personnel, D-Twice, Pedro Kintero qui est le manager des Beat Torrent mais qui mixe à côté, mon petit frere Yusizer qui va faire partie de l'aventure. Niveau actualité, tous ces projets vont sortir à l'automne. Ce label était nécessaire pour ces artistes mais aussi pour Smooth. On avait eu des rendez vous avec des majors mais nous avons constatés qu'elles n'allaient pas mettre plus d'argent que nous et que nous allions nous engager sur quatre ou cinq ans. Aujourd'hui, c'est assez dangereux de s'engager sur du long terme avec des majors. Pour Smooth, on préférait rester autonome sur le plan musical.
Hervé: Est ce que l'autoproduction avec The Parade vous donne le sentiment de vous sentir plus libre sur le plan artistique mais il doit y avoir certainement plus de pressions?
David: Monter son propre label donne beaucoup plus de travail. Avec Pedro Kintero (co-fondateur de Do You Like), on fait de bonnes journées car sans exagérer le matin on se lève tôt pour gérer toute la partie administrative pour laisser du temps libre l'après midi pour faire du son. Tout est une question d'organisation et de toute façon ce n'est plus possible de n'être que musicien. On doit toucher un peu à tout.
Hervé: Et toute la partie booking est toujours assurée par votre tourneur Furax?
David: Furax est toujours notre tourneur et nous avons un distributeur qui s'appelle Discograph.
Hervé: Lors de notre dernière rencontre en interview (décembre 2007), on avait abordé le sujet des collaborations possibles sur le futur nouvel opus de Smooth. Dans la réponse, le nom de Dominique A avait été cité. Sur The Parade, il pose sa voix sur le titre I Know. Est ce que c'était une envie commune de faire venir Dominique A sur cette nouvelle création de Smooth?
David: Nicolas, le bassiste de Smooth a amené la base artistique d' I Know avec cet espèce de sample qui tourne en boucle. J'avais commencé à écrire des paroles et il avait trouvé une mélodie pour le chant. Il s'est avéré que lorsque nous avons commencé à enregistrer les voix témoins, je me suis rendu compte que ce morceau nous emmenait dans l'univers musical de Dominique A. C'est tout naturellement que nous avons pensé à lui. Etant donné que je le connaissais un petit peu, il était donc plus facile de rentrer en contact avec lui. On lui a proposé ce titre et il a tout de suite accroché pour le featuring.
Hervé: On a abordé le sujet des featurings, où as tu déniché la petite perle Amélie qui pose sa voix sur « Music »?
David: Je l'ai rencontré dans un bar sur Paris à une heure du matin. Nous étions dans un état avancé (Rires!) et nous avons parlé de musique. Elle me disait qu'elle était chanteuse mais sur le coup, j'avais du mal à la croire car elle était trop saoule (Rires!). Elle m'a donné son myspace, j'ai gardé le papier chiffoné dans ma poche. Deux jours après notre rencontre, je suis allé jeter un coup d'oeil à son myspace. Je me suis prit une baffe…Du coup, je lui ai de suite envoyé un message en lui disant que j'adorais sa voix et que je voulais qu'elle participe sur un de nos titres. Elle a donc chanté sur Music mais aussi sur le titre Lucky End qui ne figure pas sur la tracklist de The Parade, ce morceau va sortir sur un maxi à l'automne. Pour Amélie, on lui à payer un billet de train et elle est venue à Nantes pour enregistrer ces deux morceaux. Elle est adorable, talentueuse…son album est sortit en novembre 2009 et il est vraiment intéressant.
Hervé: L'enregistrement de The Parade s'est déroulé dans ton home studio?
David: Tout à fait! Une partie a été réalisé dans ma maison mais une autre chez Florian Chauvet qui a mixé notre album. Nous allions aussi aux Sorinières, ville proche de Nantes, au studio Arpège pour enregister les parties de batteries ou des cordes. Aujourd'hui, chacun à son studio dans le groupe et de ce fait nous sommes très autonome sur le plan de la création.
Hervé: On parle des collaborations nouvelles mais il y en a une qui perdure au sein de Smooth. Alain Chauvet peut désormais être considéré comme le quatrième membre de Smooth…
David: Exactement !
Hervé: Il fait partie des personnes que vous désirez avoir auprès de Smooth?
David: Il sera avec nous tant qu'il en aura envie. Alain Chauvet est la voix française de Smooth. Nous n'avons pas son talent et lorsqu'il prend sa place derrière le micro, nous sommes dans l'ombre d'Alain Chauvet. On a passé deux soirées ensemble pour parler du thème de Charles Manson. Une semaine après, il s'est pointé avec un texte qui nous a mit la larme à l'oeil car nous trouvions le message très fort. Tout naturellement, il devait enregistrer sa voix sur Manson. Alain c'est notre voix française. On a aucun sentiment de propriété sur lui (Rires!) mais pour l'instant, nous sommes le seul groupe à avoir eu la chance de l'avoir sur nos compositions. C'est un personnage et c'est le père de notre sonorisateur.
Hervé: Lors de la pré-écoute de The Parade à ton domicile, tu m'avais présenté Manson, titre où Alain Chauvet pose sa voix. Tu m'avais dit que ce morceau pouvait faire couler de l'encre…
David: Et finalement, il n'y a pas eu d'effet Manson ! Personne n'a abordé le sujet de Charles Manson. Smooth n'est pas un groupe politique, c'est plus un groupe nostalgique. C'était le seul titre un peu politisé où nous prenions une partie de notre société qui juge, isole les gens et les condamne avant de vouloir savoir qu'elles sont leurs origines. La faute de la société c'est que certaines personnes en sont arrivées à des extrêmes comme Charles Manson a pu faire dans sa vie. Si tu t'intéresses au parcours de Manson comme à celui de Dutroux, je ne veux pas prendre leur défense et cautionner leurs actes immondes mais c'est pour essayer de comprendre et surtout que des choses comme celles-ci ne recommencent pas un jour. Notre société est ainsi faite qu'elle juge, elle met à l'écart des personnes parfois même au plus jeune âge. Il était question d'essayer de déceler sur des enfants de trois ans en suivant leurs comportements en classe s'ils allaient être des voyoux on non. C'est une philosophie très dangereuse et ce morceau devait illustrer cet état de la société. Personne n'a relevé le sujet, peut être parce que le morceau n'est pas intéressant. Mais c'est un sujet assez tabou que de remettre en cause notre société sur ce plan là.
Hervé: Je trouve qu'Alain Chauvet porte par sa voix tout le morceau.
David: Il a une voix grave qui donne un sens au message que nous voulons apporter. Il y a des groupes qui veulent faire passer des messages mais qui n'ont pas une grande conviction en leurs paroles. Nous avons écrit ce texte pour dire qu'il ne faut pas exclure les gens par leurs différences physique ou culturelles. On l'applique dans Smooth car nous savons que tous les membres du groupe possèdent cet état d'esprit.
Hervé: Sur les deux premiers albums nous avons pu apprécier le travail de Jérome Heno en ce qui concerne l'artwork. Pour The Parade on laisse de coté le visage qui faisait figure d'emblême de Smooth. Là, on remarque une photo qui nous emmène sur une voix ferrée perdue en pleine nature. Pourquoi avaoir fait ce choix d'artwork? Y avait il un sens imagé?
David: La photo veut dire « Où est ce que l'on va? D'où est ce que l'on vient? ». On ne sait pas dans quel sens nous circulons sur cette voie ferrée. Va t'on dans ces fourrées? Où est ce que l'on en sort? On aimait bien avec le groupe sur ce sentiment de nos origines.
Hervé: Sur The Parade on constate l'intégration d'instruments à cordes sur "Freedom Is A Road" et plus particulièrement sur "My Body". Cet ajout était un désir du moment ou était ce mûrement réfléchit?
David: On a bien aimé le côté dramatique et romantique des cordes. On a toujours cette volonté de faire un jour des musiques de films et pour nous lorsque l'on nous parle de musique de films, nous pensons aux cordes. Il y a aucun de nous qui joue de violons, violoncelles…
Hervé: L'effet que donne les instruments à cordes à ces deux titres est remarquable. Aux prémices de la sortie de l'album, le teaser de Freedom Is A Road m'avait totalement conquis.
David: C'est clair que les cordes apportent un plus à Smooth pour ces titres.
Hervé: Il y a eu ou il y aura un live avec l'intégration de ces cordes?
David: Il en est question mais c'est des budgets importants. Quand tu vois comment se porte la musique de nos jours, si l'on te dit qu'il faut 40 000 euros pour que l'on monte un tel projet, la réflexion est assez rapide. C'est vraiment dommage mais peut être que l'on pourra voir un jour ce projet sur scène !
Hervé: Avec le temps et les albums qui s'ajoutent à votre discographie, on sent que vous ne voulez pas rester cloisonné dans l'univers musical que vous vous êtes créé avec An Electro Soul Experience. Ces trois albums se suivent parce que l'on ressent toujours la touche Smooth mais ils se démarquent les uns par rapports aux autres.
David: On essaie de faire des choses différentes à chaque nouvel album. Sinon on pourrait s'appeler AC/DC et faire les mêmes morceaux pendant toute une carrière. Et pour eux ça marche plutôt pas mal (Rires!).
Hervé: Vous auriez pu faire du copier/coller avec les morceaux d'An electro soul experience mais c'est un peu trop facile à mon gout.
David: Voilà ! Et on aurait catalogué Smooth comme un groupe au son 70's, samples de voix et une batterie dans une MPC? Il faut que des albums sonnent différemment les uns des autres. Dans un album photo, tu n'as pas que des photos d'anniversaires. Tu as des phoros de vacances, de fêtes avec des potes… Un album de musique doit sonner comme un album photo, il faut que se soit varié.
Hervé: Justement, The Parade est beaucoup plus porté sur le chant à la différence de ses prédecesseurs. Etait ce une volonté de se différencier face à The Endless Rise Of The Sun et An electro soul experience?
David: C'était dans la volonté de faire des morceaux qui soient plus mélodiques au niveau du chant et que l'on puisse les jouer avec une guitare. On avait véritablement envie de s'essayer à cet exercice. Je m'y suis essayé mais je me suis vite refroidit car je trouve qu'il y a certains essais qui n'ont pas été très concluants. Puis sur d'autres, ça m'a permit de découvrir des choses que j'avais envie de faire et sans faire d'auto-satisfaction, j'ai été content du résultat.
Hervé: Une reprise fait fureur en live. Votre interprétation de Robot Rock de Daft Punk est utilisé pour dynamiser le public ou était-ce simplement une envie de Smooth de reprendre ce titre?
David: C'est partie d'un délire en répétition mais aussi car nous en avions marre que certaines personnes nous classaient comme groupe « Lounge » en faisant le lien avec An Electro Soul Experience. On n'est pas un groupe lounge, on n'est pas un groupe qui fait du trip-hop. Le premier album sonne lounge je l'avoue mais c'est parce que nous avions de petits moyens lors de sa création. En reprenant Robot Rock, on s'est dit que l'on allait bluffer certaines personnes.
Hervé: Quels sont les projets de Smooth pour cette année 2010?
David: On va sortir un maxi de 5 titres qui ne sera disponible qu'à partir de cet automne. Par contre, il ne sera disponible qu'avec notre album ou sur notre plateforme marchande sur smooth.fr
Hervé: Sur votre site officiel, les internautes avaient la possibilité d'acheter The Parade sous la forme qu'ils désiraient recevoir votre album…
David: On a lancé le concept où les gens fabriquaient leurs disques sur notre site mais sous une forme physique. Tu reçois un album que tu as façonné à ta manière avec les 30 visuels différents disponibles. C'est pas courant comme concept mais c'est assez intéressant d'obtenir un album que tu as choisit de A à Z…sauf la musique (Rires!)
Je remercie David pour avoir répondu à mes questions.
Interview et Photos Live: Hervé Faisant pour Vacarm
Myspace & Site Officiel de Smooth