Après les deux volumes de Rock Stories dont tu es l’auteur, tu viens de publier Trash Palace. Peux-tu nous présenter ce nouvel ouvrage ?
C’est un recueil qui s’articule autour de la solitude. Cette solitude dont nous sommes de plus en plus nombreux à être confrontés. Pour cela, je suis parti de portraits de personnes qui ont des vies, disons, hors-normes. Nous pénétrons ainsi dans les bas-fonds de l’âme humaine. Nous allons là où les autres ne vont pas. Nous sommes dans le glauque, dans le noir. Prostitution, serial killer, morgues, sdf, suicides, junkies… les personnages sont la face sombre de notre société. Ils sont ce que l’on veut cacher à tout prix… où bien ce que nous mettons sur écran tv, pour mesdames et messieurs audience et audimat. Bref, on exploite les morts, on dépèce l’humain et son humanité à des fins commerciales. Sans aller plus loin. Juste pour le fric. Ici, c’est le contraire. On essaye de comprendre le pourquoi du comment. Comment, justement, on peut en arriver là, à de telles extrémités. Quand s’est produit le « déclic » négatif ? Qu’est-ce qui a fait, que, dans le passé, à un moment donné, la folie s’est installée ? On cherche à apprendre, à ne pas juger, bref, à connaître ces fonds de nous. Les nouvelles ont été écrites à partir des textes du groupe Ex-s, groupe rock nantais, dont le dernier album, « La finesse de la décadence », représente l’autre moitié du concept-projet.
Le thème de ce nouveau livre est très sombre. Pourquoi as-tu décidé de t’intéresser à cette dualité entre mortalité et interdit ?
Parce que cela attire tout le monde. La mort est le mystère ultime, même si je crois que de mystère, il n’y en a guère. Nous sommes une espèce comme tant d’autres, et nous nourrirons bien des vers… Il n’empêche, la mort est une hypnose… parce que justement la vie est belle, si belle, nous ne voulons que cela s’arrête un jour. Alors nous essayons de percer des pseudos secrets, nous inventons des faux espoirs. Nous tentons coûte que coûte de prolonger une vie qui ne sera bientôt plus. Et il vrai que cela fait froid dans le dos. Jamais nous ne pourrons répondre à la fameuse question : « Pourquoi ? ». Pourquoi sommes-nous là ? Et cette frustration nous agace… L’interdit, c’est plus ou moins la même chose. L’interdit, c’est aller là où les autres ne vont pas et c’est déjà beaucoup. Parce que cela veut dire que nous sommes différents de la masse, nous ne sommes pas des « moutons ». Non, nous créons nos propres limites, nous sommes indépendants, nous n’écoutons personne… que nous. Et puis, il y a ce sentiment de liberté exacerbée. Quelle ivresse de franchir ces frontières interdites, quel pied de désobéir à toutes ces règles, à tous ces hommes de lois, des hommes, juste comme toi et moi, comme nous. Des hommes qui ont décidé ce que NOUS devons faire, ou ne pas faire. Qui sont-ils pour dire ce qui est correct ou pas ? Qu’ont-ils de plus que NOUS pour nous imposer LEURS lois ? Rien, absolument rien. Et pourtant nous courbons tous l’échine. Nous râlons mais suivons. L’interdit c’est ça, comme je disais, c’est cette liberté. Totale. On sort de cette pseudo machine- prison qui nous mâche et nous recrache comme un vulgaire chewing-gum.
Tu as donc travaillé en collaboration avec un groupe nantais, Ex-s. Qui sont-ils ? Quelle musique jouent-ils ? Qu’est-ce qui t’a passionné chez ce groupe ? Comment est née cette entente ?
Ex-s un groupe de rock/Pop-rock Nantais. Chacun des membres a œuvré dans différentes formations nantaise avant que tous décident se réunir sous la même bannière. Je les ai découverts via Myspace et nous avons vite accroché. Leur musique m’a rapidement plut. Restait ensuite à trouver une combinaison, un principe artistique assez novateur et crédible pour matérialiser notre entente. Nous avons donc décidé que je partirais des textes de leur album, « La finesse de la décadence », afin d’en tirer la substantique moelle et de l’élargir en nouvelle. Ceci a été fait pour chacun des textes/titre de l’album. Onze nouvelles en sont nées. Ainsi le recueil et l’album se complètent parfaitement l’un et l’autre.
Plus qu’un auteur, te considères-tu comme un dénicheur de talents ? Il t’a bien fallu un minimum de flair pour sélectionner les groupes en développement de tes précédents ouvrages…
Non, non, surtout pas découvreur de talent. Pas dans le sens que l’on entend généralement. Découvreur dans le sens que j’aime fouiner sur le net, oui j’aime laisser traîner mes oreilles ici et là… Avec l’essor d’Internet il y a une telle profusion de groupes… le revers de la médaille étant qu’il est encore plus difficile – si cela était possible – d’accéder au sommet, la multiplicité des groupes baissant fatalement le nombre de chances. Pour ce dont tu parles, les « Rock Stories », il y a trois critères : mes goûts – il me serait difficile d’écrire sur un groupe ou un artiste que je n’aimerais pas. Pas mon style. Puis la presse : je feuillette les magazines de rock et j’essaye de voir ce qui revient, ou je cherche la petite info, la petite news qui fera que… et enfin le bouche à oreille : des amis, des connexions qui me disent de me pencher sur ci ou ça. Bon, et maintenant, je devrais aussi rajouter
Facebook. Donc quatre critères.
Un livre et un CD, deux industries en crise. C’est une cause perdue ou un pied de nez aux amateurs fervents du numérique ?
C’est un pied artistique. C’est surtout faire ce qu’on a envie de faire… si on s’occupe trop des autres, alors on perd ce qui fait notre propre essence. Pour certains ça peut être le trip, pas ici…
Tu m’as indiqué qu’un nouveau volume de Rock Stories devrait paraitre. Quand et prévu la sortie ? A quels groupes t’intéresseras-tu cette fois-ci ?
Normalement la sortie ne devrait plus trop tarder. D ‘ailleurs cela s’appellera en fait « Rock Attidude ». Comme toujours il y en aura pour tous les goûts, de la pop au métal en passant par le rock, l ‘électro ou le hard. J’aime mélanger les sons, les rythmes… le rock est un arbre à multiples branches. Ne restons pas figés sur nos acquis.
Il me semble que tu as aussi d’autres projets d’écritures en cours. Peux-tu nous faire saliver un peu ?
Tu veux sans doute parler du livre sur le métal français. Effectivement, c’est en cours d’écriture. Parce que tout ça a fini par me gonfler, parce que les préjugés ont la vie dure, il était temps de faire la plus belle réponse possible : rendre hommage à tous ces fans, à tous ces hommes et femmes de l’ombre et à tous ces groupes. Notre pauvre société française si peu cultivée et si propre à tous les fantasmes et clichés racoleurs veut que le métal soit une musique qui, justement, en est tout sauf une, de musique. Hors, si nous n’avons pas l’expérience d’autres pays nordiques ou d’outre-rhin, il y a une vraie scène métal française qui mérite d’être mise en avant. Il y aura donc des portraits de personnes, mais aussi de festivals, de groupes, de simples fans, de labels, bref, de tout ce qui fait que le métal en France…