Rares sont les artistes aussi humbles et accessibles que Djag. De retour dans sa formation d'origine, le chanteur revient avec la plus grande sincérité sur les derniers mois de sa carrière musicale. Entre Black Bomb A et un projet LND (Le Noyau Dur) trop vite avorté, le chanteur a répondu avec le plus grand naturel aux question de Vacarm.net, deux heures avant une prestation explosive sur les planches de la salle des fêtes de Libourne.
Ton retour a dans un premier temps été annonncé comme temporaire. Comment s’est effectuée cette ré-intégration au sein de Black Bomb A ?
Djag (chant) : Tout s’est fait très naturellement. Poun (chant) m’a appelé afin de m’annoncer que Arno quittait le groupe, et qu’ils étaient intéressés pour travailler de nouveau avec moi. On avait gardés de bons contacts, ils m’avaient invités sur le DVD, Snake, Poun et Hervé avaient pris part au premier album de LND… Sur le coup, j’étais assez surpris. J’avais quand même gardé un œil sur Black Bomb A pendant toutes ces années, mais pour moi ils avaient trouvés une bonne formule avec Arno. Je n’avais pas prévu de rejouer un jour avec le groupe. On a donc matérialisés cette collaboration sur quelques dates, qui étaient déjà prévues et qui se sont très bien passées. Je ne voulais surtout pas que l’on retombe dans une parodie de ce qu’a été Black Bomb A sur les premières années, j’étais assez méfiant sur ce point. Je ne voulais pas avoir à jouer un rôle du passé qui ne correspondait plus aujourd’hui, mais je me suis rapidement rendu compte que ce n’étais pas le cas. Je pense que la personne que je suis aujourd’hui s’est bien intégrée au groupe, donc apparemment ils vont me supporter (rires). On est donc partis dans l’optique d’un album.
Penses-tu que le groupe aurait pu continuer en s’appuyant sur un nouveau chanteur ?
Je ne peux pas vraiment dire, je n’ai pas été confronté au problème…
Snake (qui a entendu la question de loin) : Je vais te répondre et te dire que ca aurait clairement été impossible. On s’était posés la question… Si Djag refusait la proposition, on avait très sérieusement pensés au fait d’arrêter Black Bomb A.
Scalp a quitté le groupe, tu es de retour, et Black Bomb A a pris une orientation nettement plus punk hardcore avec From Chaos. C’était une envie dont témoignait déjà le groupe avant ces changements, ou un virage musical inhérent aux remaniements de line-up ?
Djag : Je pense que ca c’est passé en deux temps. Quand le groupe a commencé à réfléchir à ce nouvel album, on a bien sûr pensés à l’orientation du disque. On voulait tous faire quelque chose de plus instinctif, comme un retour aux sources, mais sans pour autant copier ce qui avait déjà été fait par le passé. On voulait écrire un disque plus brut, un peu plus direct, fatalement plus punk puisque ce sont les influences d’origine de Black Bomb A. Le fait que Scalp décide de quitter le groupe nous a également laissés composer autour d’une seule guitare, on a de ce fait travaillés de façon plus « live ». Ma teinte vocale amène également ce côté là, puisque j’ai un timbre plus hardcore old-school par rapport à Arno qui témoignait d’un chant et de tessitures très typées metal. Le chant donne cette couleur punk-harcore à From Chaos, mais la musique et la manière dont l’album a été composé s’orientaient de toute manière dans cette optique.
La composition avait été entamée avant ton retour ?
Pas du tout. Je ne peux pas dire si il y eu des différences avec les précédents au niveau de l’écriture du disque, mais on a vraiment fait ca de manière très unie, un peu comme un groupe qui débute. Tout le monde a participé au disque, il n’y a eu aucun pression. Ca a amené une énergie qui a rendue l’écriture très facile.
Plus simple que ce que tu avais connu au moment de Human Bomb ?
Je sais pas, différent en tous cas. Human Bomb c’était un peu spécial, puisque il s’agissait de notre premier « gros » album, même si on avait enregistrés Straight In The Vein auparavant. Le disque avait été composé sur le long terme, certains morceaux avaient presque deux ans lorsque l’album a été distribué. Pour From Chaos, tout a été composé et enregistré en seulement huit mois. Mais je pense qu’on a retrouvé une énergie un peu similaire. Le fait de changer de line-up a beaucoup de défauts, c’est difficile, mais quand tu arrives à passer outre je pense que ca amène une certaine fraicheur. Il se passe quelque chose de neuf, c’est bénéfique.
Tu n’avais pas travaillé en binôme depuis de nombreuses années. Les automatismes sont revenus tout de suite, ou est-ce que vous aviez adoptés chacun de votre côté de nouvelles manières de travailler le chant ?
On avait pris l’habitude de travailler différemment. Quoi qu’il en soit, tu progresses toujours. Poun chante avec Monroe est Morte, de mon côté j’ai eu l’expérience LND…Mais les automatismes sont quand même revenus immédiatement. Finalement, c’est un peu comme le vélo. On s’est retrouvés en studio, on a rejoués « Human Circus » et tout est revenu immédiatement… On a tous les deux évolués, mais malgré ca on a toujours la même connexion qu’à l’époque. C’est normal, on se connaît depuis plus de quinze ans, on a travaillés pendant de nombreuses années ensemble, il y a un côté très facile à collaborer avec Poun. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est télépathique, mais presque. Au final, tout se fait de façon très naturelle pour nous deux, c'est un véritable plaisir de travailler avec Poun.
Poun a beaucoup évolué au sein du groupe, toi à travers tes projets, notamment LND. Est-ce que le fait de te trouver seul au chant t’as permis d’expérimenter des techniques que tu n’aurais pas osées tester avec Black Bomb A ?
Tout à fait. Le Noyau Dur était un projet d’avantage basé sur les textes, de ce fait on a composés des chansons plus mid-tempos. Je pense que les textes témoignaient également d’un certain recul, et nécessitaient donc des parties plus mélodiques. Je pense que ca m’a mis en confiance par rapport à ce registre vocal, que je n’osais pas mettre dans Black Bomb A, et que je n’avais de toute façon pas envie d’expérimenter. Pour ce nouvel album, il n’y a pas énormément de parties vraiment mélodiques, mais j’ai essayé d’apporter ce type de chant à quelques occasions.
As-tu eu des hésitations à t’aventurer dans cette voie, étant donné que Poun témoigne déjà d’une grande aisance avec ce type de chant ?
Non, pas du tout. Poun était de plus très ouvert au fait que je chante de façon plus mélodique sur certains passages. Après j’ai essayé de faire ca avec mon style, dans un registre qui m’est propre, donc on a pas enregistrés le même genre de lignes de chant. Tout a été fait très naturellement, comme l’album au final…
Le côté punk atteint son apogée avec le morceau « Burning Road », sur lequel chante Wattie de The Exploited. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Black Bomb A avait joué plusieurs fois avec The Exploited, je n’avais pas encore ré-intégré le groupe. Les musiciens de The Exploited connaissaient Black Bomb A, le batteur et le bassiste avaient d’ailleurs tous les disques. Snake est resté en contact avec eux, et on a revu le groupe lorsque l’on a été en Ecosse pour un concert. Quand la chanson « Burning Road » a été écrite, elle prenait déjà une direction très punk. Du coup, on a demandés à Wattie de venir chanter sur ce titre. On a tous des influences différences, mais The Exploited c’est un groupe que tous les musiciens de Black Bomb A écoutent. Aux débuts du groupe, on écoutait énormément The Exploited, un album comme Beat The Bastards nous a marqués… Par l’intermédiaire de leur batteur, on est donc entrés en contact avec Wattie afin de lui proposer ce featuring. Il a débarqués dans le studio comme une tornade, c’était une belle expérience. On a eu du mal à travailler le lendemain d’ailleurs (rires). Ca représentait beaucoup pour nous, c’est un beau symbole.
Au moment de la sortie de Human Bomb, Poun avait déclaré que tu intervenais sur la majorité des textes. J’imagine que c’est quelque chose qui a changé avec l’arrivée d’Arno…
A l’époque on avait en effet cette répartition, c’était d’avantage mon domaine. Suite à mon départ, le travail a été partagé entre Poun et Arno. Pour From Chaos, on a fait du 50-50. Je trouve ca bien, ca nous permet de conserver une ambivalence. Il n’y avait pas de raison de travailler autrement sur ce nouveau disque.
M10, Enragés Prod., Mon Slip… Black Bomb a n’a jamais publié plus d’un album studio sur le même label. Quelles ont été les clauses avec At(h)ome, le groupe a-t-il enfin trouvé un label qui s’engage sur le long terme ?
Quand on les a contactés, ils se sont montrés très intéressés. Personnellement, je connaissais un peu les gens d’At(h)ome, puisqu’ils avaient travaillés sur la promo du premier album de LND. On s’entendait bien, et ils ont adhéré aux deux premiers morceaux maquettés. Ils voulaient quelque chose de plus violent, ce qui était aussi notre cas. C’est très bien car At(h)ome est une structure totalement indé, à taille humaine. Black Bomb A n’est pas qu’un numéro ans leur catalogue, on a l’impression de se comprendre, ce qui n’est pas toujours le cas avec les maisons de disques. Ils travaillent également avec un véritable savoir-faire, c'est différent sur une major ou les gens sont plutôt éloignés du terrain. At(h)ome travaille de plus avec un gros distributeur, ce qui nous permet de bénéficier d’une visibilité similaire à un groupe supporté en major. A priori, l’album a très bien démarré, donc tout le monde est satisfait de cette signature.
L’album était enregistré, ou At(h)ome a pu avoir un regard critique sur le disque ?
Non, l’album n’était même pas terminé. Par contre on a toujours été totalement indépendants. Comme le groupe n’avait pas trop d’argent, nous avions uniquement enregistrés deux titres, je me demande d’ailleurs comment ils on pu trouver ca bien avec un son pareil (rires) ! Ils venaient souvent au studio, mais c’était du soutien, on a eu une totale liberté d’expression sur ce disque.
One More Sound Bite To React avait été distribué à l’étranger par Tiefdruck Music. Est-ce que From Chaos va pouvoir également bénéficier d’une sortie européenne, voire mondiale ?
C’est en discussion pour le Japon, l’album Speech Of Freedom vient d’ailleurs de sortir là-bas. Etrangement, il n’arrive que maintenant ! From Chaos devrait y sortir pour la rentrée, et on est en train d’envisager une distribution pour l’Angleterre, l’Espagne et l’Allemagne.
Comment avait été recu One More Sound To React hors-frontières ?
Plutôt bien. On a d’ailleurs des demandes du public pour l’Allemagne. C’était un album de l’époque Arno, donc je n’ai pas toutes les données concernant les ventes, mais de ce que j’en sais les résultats se sont avérés bons. Ce n’est bien sur pas comparable à ce que Black Bomb A peut faire en France, mais le groupe commence à se faire un petit nom. Les autres ont d’ailleurs fait une vingtaine de dates là bas, mais depuis que je suis revenu on n’a pas encore eu l’opportunité de s’y rendre.
La voix d’Arno avait surpris du fait de son timbre très différent du tien. Est-ce que certains titres t’ont demandé un travail vocal particulier afin de pouvoir être retranscris sur scène ?
Déjà, je tiens à dire que j’ai beaucoup aimé les morceaux qui ont été composé avec Arno, donc ca ne me pose vraiment pas de problème de les chanter lors des concerts. Mais c’est vrai qu’il a une tessiture très différente, c’est un registre que je ne peux tout simplement pas reproduire. Je ne cherche pas à singer son interprétation, donc j’adapte ces titres de façon personnelle. Je ne me pose pas d’obligation d’essayer de coller exactement à ce que pouvait faire Arno. Je respecte les temps, mais en ce qui concerne le grain de voix je le fais comme je peux, comme je sais faire. Faire autrement, ce serait dénaturer un registre ou je suis pas trop mauvais pour m’engager dans une direction ou je suis vraiment pas bon (rires) !
As-tu ressenti une petite appréhension à reprendre ces morceaux, même si Black Bomb A est ton groupe d’origine ?
Oui, tu espères quand même que les gens ne vont pas être trop déçus, encore que je puisse comprendre ce sentiment. Certaines personnes ont découvert Black Bomb A avec Arno, ils étaient habitués à une dualité vocale plus marquée… C’est quelque chose que je ne peux pas amener, même si j’intègre d’autres choses dans l’écriture et le chant. Il y a probablement des gens qui aiment moins ma voix, et je comprends très bien ca. Personnellement, il y a aussi des groupes qui ont été amenés à changer de chanteur et sur lesquels j’accrochais moins après. Mais j’essaye de ne pas trop me mettre de pression, car de toute façon je ne peux rien y faire. L’autre défi face à ce retour, c’était surtout d’être au niveau.
Beaucoup de groupes évoquent une frilosité actuelle des programmateurs ainsi que du public vis à vis du metal. Est-ce un sentiment que l’on ressent même avec la renommée dont peut bénéficier Black Bomb A ?
Malheureusement oui. C’est devenu clairement beaucoup plus difficile de faire beaucoup de dates. Il y a d’ailleurs des facon de tourner qui sont devenues impossible, comme le Sriracha Tour pour lequel on a joué avec deux autres groupes pendant un mois non-stop. On ne peut plus jouer tous les jours, les salles ne veulent plus programmer en semaine. Il y a moins d’argent, moins de réactivité au niveau du public… Tout le marché du disque est devenu frileux, et on le ressent à tous les niveaux. C’est dommage, mais j’espère que ca passera.
Tu as ré-intégré Black Bomb A, mais que devient LND ?
C’est terminé. Pas du fait que je sois de nouveau avec Black Bomb A par contre. On a sorti un second album après mon retour avec le groupe, on a distribué ce disque en mp3 seulement. On aurait bien aimé bénéficier d’une distribution physique, mais tout ce qu’on nous a proposé ne correspondait pas à l’état d’esprit du groupe. On a donc préférés faire une distribution « Do It Yourself » avec les moyens d’aujourd’hui plutôt que de faire des concessions au niveau de l’écriture. Malheureusement, deux personnes ont été blessées très sérieusement dans le groupe, ils ont été forcés d’arrêter temporairement la musique. Moi, j’avais pas envie de prendre des remplaçants et de mener ce projet différemment… Ces tuiles ajoutées au fait qu’on ne s’était pas véritablement projetés sur un troisième opus. On aurait bien aimés d’abord défendre convenablement ce disque en live, mais ca n’a malheureusement pas été possible. On a remplacé le bassiste, et derrière le batteur a eu un accident et s’est fait broyer le poignet. Je pense qu’on a été maraboutés (rires) ! Entre temps j’avais déménagé à Montpellier, donc c’était devenu difficile repartir avec deux nouvelles personnes.
Merci à Jéhanne, à Djag ainsi qu'à Lucane Musiques.