Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de votre dernier album ?
Seb : Cest un album qui marque les quinze ans du groupe. Cest un album qui est tombé à ce moment-là mais qui pour nous marque une étape dans lévolution du groupe parce quon était parti vraiment du death-grind underground puis on a évolué avec toutes nos influences pour sorienter vers un style un peu plus riche, puisant dans les influences diverses de chacun. Là, pour ce concert cétait la première fois quon venait au Motocultor, on a eu un accueil super, avec un public qui connaissait aussi bien nos premiers albums que les derniers qui sont arrivés, qui a très bien réagi à tous les morceaux. Après cest ce quon dit après tous les festivals parce que cétait super et que ça sest bien passé, mais celui-là au niveau du son cétait génial, mais aussi au niveau du public qui était présent, lambiance quil y a eu. Ça restera vraiment un super souvenir. Le temps était de la partie en plus, il faisait pas encore trop trop chaud à ce moment-là.
 
Jai lu quelque part que vous aviez crée votre groupe afin de jouer la musique la plus rapide et la plus violente possible, cétait il y a 12 ans, est-ce que cest toujours une envie dactualité ?
Seb : Ça ne lest plus aujourdhui, cétait la base du grindcore, pousser toutes les limites à l’extrême, notamment avec des morceaux très raccourcis, des blasts ultra rapides, quon avait pas avant, même dans le death métal et tous ces styles. Après avoir recherché la performance plus technique et physique, il y a eu le côté artistique qui a fini par permettre davoir un développement sur cette base là, et aujourdhui on est pas à rechercher à aller le plus vite possible ou avoir une plus grosse voix, cest la base qui a composé le groupe donc cest ça dont on est issus au départ, mais on essaye délargir bien au delà de ça.
 
Justement les visuels ultra-gores du début ont fait place à quelque chose de différent quand on voit le visuel du dernier album, est-ce que cest le signe dune évolution dans le groupe ?
Seb : Oui, cest la cohérence entre les deux, lévolution du style de musique naturellement doit saccompagner de lévolution de lenveloppe qui va autour. On sest très impliqués dès le début sur les visuels, notamment sur les premiers albums où il ny avait pas de textes et où ça avait une importance, vraiment, parce que ça donnait une touche réelle qui accompagnait le style de musique quon avait à lépoque. Aujourdhui, comme on a évolué avec les derniers albums, en rajoutant des textes, avec un style qui se démarquait de nos deux premiers albums, cest logique que tout se soit accompagné dans la même idée.
 
La scène grind aurait tendance à regorger de groupe qui jouent des tracks dà peine une minute avec très peu de changement de plans, un format que vous adoptiez dailleurs à vos début, alors quau contraire aujourdhui vous choisissez de faire moins de morceaux mais des morceaux plus longs, est-ce que vous navez pas peur de choquer les puristes de la scène grind ?
Seb : Pas de les choquer, puisque de toute façon ceux qui ont aimé les premiers albums peuvent toujours les écouter, cest des albums qui existent, et on en joue toujours des morceaux aujourdhui en concert. Cest sûr que ceux qui continuent à être des acharnés du style le plus extrême peuvent se dire quils préfèrent nos premiers albums par rapport à ceux quon fait maintenant, certains vont aimer les deux, certains vont préférer ce quon fait maintenant et pas aimer ce quon faisait à la base. Cest que quand on est attaché à un groupe, je comprends aussi quon puisse aimer lévolution dun groupe et redécouvrir les premières choses après avoir découvert des choses auxquelles on ne sattendait pas. Il y a aussi évidemment le cas de personnes qui se retrouvent moins dans lévolution quil y a, et qui vont rester attachées au groupe pour ce quil a fait avant et regretter que ce groupe ne continue pas de défendre les couleurs auxquelles eux sont restés attachés.
Dagulard : Après il faut pas que les gens pensent que cest une trahison, tout simplement. SCD cest un concept, ceux qui liront les paroles et qui feront leffort de s’intéresser au concept nous comprendrons, à partir de ça aussi, cest normal que le groupe évolue, mais on reste tout de même dans la cohérence. On va pas mentir aux gens et continuer de prendre dans lhéritage du gore-grind alors que ce quon propose au niveau des paroles évolue un peu plus, cest une manière en fait de ne pas tromper les gens.
Seb : En fait il faut pas quon sauto-plagie non plus, au final on fait juste ce que lon aime depuis des années. Après si notre évolution personnelle fait que nous on a envie de rechercher autre chose et de le travailler, on va dans cette voie là. Mais on essaye dabord de se faire plaisir à nous dans un premier temps parce que bon, on fait pas cette musique là pour faire de largent, ça se saurait (rires), donc cest pour suivre nos goûts personnels, après que ce soit partagé cest ce quil y a de mieux, mais ça deviendrait ridicule si on faisait des parodies de nos albums précédents, malgré notre évolution nous donnant envie de chercher autre chose.
 
La scène métal aurait tendance à se scinder en deux clans, les puristes et ceux qui sont plus second degré, vraiment fêtard, si vous aviez à choisir un camp, ça serait lequel ?
Seb :Pas du tout second degré, enfin un peu les deux en fait. On fait ça pour se faire plaisir, donc quil y ai une super ambiance et que lon en profite avec tout le monde cest génial, mais après on essaye de faire le mieux possible, de suivre nos propres goûts et de les pousser le plus loin possible. Même avec lenregistrement de lalbum, on essaie de se donner les moyens de pas juste bâcler un truc pas cher, mais au contraire dinvestir pour avoir de la qualité, parce que le but cest pas non plus de sortir juste un support pour partir se marrer et le distribuer comme ça, on essaye de le pousser et davoir un produit de qualité à la fin. On le fait sérieusement, cest un truc quon aime, pour pouvoir donner aux gens la meilleure qualité possible.
 
Vous vous voyez toujours jouer cette musique dans 10 ou 15 ans ?
Tous : Oui oui !
Seb : Bah pourquoi pas, il y a des groupes plus âgés que nous qui continuent toujours avec beaucoup de succès donc nous on séclate à le faire là, ça fait 16 ans que le groupe existe, on sy voit bien encore.
Dagulard : Pour moi cest complètement obligatoire, car à travers cette musique, personnellement, jexpulse énormément, il y a un côté exutoire. Notre musique, je la trouve bienfaisante à un certain degré. Cest ça pour moi le grindcore. Cest vrai que pour moi, il y a tellement de chose quon peut expulser à travers le grindcore «intelligent» je dirais. Brutal Truth, Nasum, ça ne peut que nous toucher au final. Ça parle de choses réelles, concrètes, on ne peut que sy rattacher.
Seb : De toute façon quand on est amené à faire ce style de musique aussi longtemps, cest que quelque part dans notre parcours on a découvert cette musique là et on a pris une claque en se disant que cétait quelque chose qui nous correspondait. Et même avant dimaginer faire un groupe, on allait voir les concerts en se disant que cétait génial. Après, le fait de pouvoir en faire partie, de rencontrer ceux qui étaient nos idoles quand on a commencé, cest un vrai plaisir.
 
 
Quest-ce qui selon vous, a le plus changé durant lhistoire du groupe ?
Seb : Le line-up en partie, puisquil y a quand même eu au fur et à mesure des années des évolutions dans les membres du groupe. Le style de musique, puisque sur une base qui reste notre identité de départ, il y a eu une évolution sur nos albums. Aujourdhui cest sûr que si lon compare nos premiers albums avec le dernier album, il y a une évolution flagrante au fur et à mesure des années. Ce qui est heureux, parce que si au bout de 16 ans, il ny avait pas dévolution entre les deux, linterview aurait peut être un autre ton et tu me demanderais : « ça ne vous dérange pas de faire un album qui ressemble terriblement à tous vos autres albums ? » (rires).
Dagulard : ouai cest un des exemples ouai. Il y a un peu ça, si au bout de 16 ans tu fais toujours le même album, cest dommage.
Seb : Au final, on serait plus mal à laise de te dire : « mais non il est pas si semblable que ça, la pochette est un peu plus verte là. » (rire)
Dagulard : Moi jirais encore plus loin, je pense que notre devoir cest de faire évoluer le grindcore. Les pionniers de ce style sont encore là parce quils se sont adaptés à tous les courants, et sont restés profondément grindcore et intègres. Quand on a du bon sens et quon essaye pas de rentrer dans des cases, quand on suit juste son style, voilà, ça donne 16 ans dexistence, et à ce jour là on continue de faire des albums de qualité, on voit de plus en plus de monde venir au grindcore et cest tant mieux.
Seb : Cest vrai quaujourdhui on nous ouvre des portes. On joue sur des festivals dans lesquels on ne jouait pas avant, on est toujours dans une phase ascendante du groupe où chaque album nous ouvre de nouvelles portes, comme ici ou comme le Hellfest par exemple. On est toujours dans une dynamique super, on prend toujours plaisir, on lutte pas pour se dire « ah mince, quest-ce quon va pouvoir faire ? », on a toujours des idées pour continuer le développement du groupe et on sent quen plus la réponse des gens autour est très positive. Et cest tant mieux, on nest pas dans un truc où on se dit quil y a 7 ans on était au top du groupe et maintenant cest de pire en pire chaque année. Au contraire.
 
Vous êtes des habitués des festivals métal en général et vous tournez depuis quand même pas mal de temps, quel est votre regard sur la scène métal française en 2012, autant au niveau des groupes que des concerts et du public ?
Seb : Ce qui est assez sympa cest quil y a encore des groupes qui sont là et qui étaient là il y a 15 ans, et même des encore plus vieux, qui sont toujours là aujourdhui. On pense à Napalm Death, qui va encore être là ce soir. Donc il y a beaucoup de choses qui sont restées au fur et à mesure des années malgré tous les bouleversements des effets de mode de certains styles. Il y a un certain état desprit qui est lesprit du métal, qui est le même aujourdhui que celui quil y avait il y a 20 ans, quand on a commencé à en écouter. Et ça cest un truc qui est génial ! Il ny a pas de raison que ça ne dure pas. Après nous ce que lon voit cest que par rapport à notre style à nous, cest un style qui a dépassé les frontières dans lesquelles il était il y a quelques années, et maintenant on a légitimité à se retrouver dans les plus grands festivals. Ce quil ny avait pas il y a 10 ans, il y avait pas de gros groupes de grindcore dans des festivals de death métal. Aujourdhui, ça fait partie des styles qui sont présents, qui se sont affirmés et qui ont duré au long des années.
 
Pour finir, est-ce que vous auriez des coups de coeur musicaux à nous faire partager pour la rentrée 2012 ?
Duff : On écoute des choses assez classiques au final.
Seb : Oui du Entombed on écoute pas mal. Mon prochain coup de cur nest pas encore sorti, on attend quil sorte, le prochain Brujeria, ou un nouveau Carcass.
Dagulard : Ah si le dernier Lock Up ! Voilà lexemple parfait de groupe auquel jaimerais ressembler. Dans ce groupe, cest que des vétérans ! Cest que des gars qui ont prouvé, ils ont droit de la ramener mais ils restent vachement humbles. Cest ça que jadore. Il y a lancien chanteur de At The Gates, un membre de Napalm Death. Cest tous des vétérans, ils alignent tout le monde, cest dune justesse ! Leurs riffs sont bons, ils prennent leurs racines dans le bon vieux terreau du grindcore, cest que des riffs qui font mouche. Leur manière de composer est ouf. Cest vraiment brutal, et tu peux vraiment le sentir. Voilà des groupes, je dis OK, cest super bien fait. Ils sont passés maîtres dans ce quils font. Ils deviennent référentiels. Pour revenir à la question que tu posais tout à lheure par rapport à la scène actuelle, il y a de plus en plus de groupes mais de moins en moins de groupes référentiels. Il y a de plus en plus de gens qui se retournent vers les grosses références du métal, Suffocation, Obituary, ou encore Metallica (qui eux dailleurs narrêtent pas de sauto-parodier). Tu vois cest un signe assez cool pour les gens nostalgiques mais cest inquiétant pour la musique parce que cela veut dire : « mais où est la relève ? » Si nous avec le groupe on peut contribuer à ça et bien tant mieux, on serait super contents ! On espère que les fans se reconnaissent dans le grindcore à travers ce que lon fait.
Seb : Un truc qui est pas mal aussi dans lévolution de ces dernières années, cest que même en dehors de nous, on a maintenant une scène en France quil ny avait pas il y a quelques années. Des festivals comme le Motocultor ou comme le Hellfest, maintenant ils sont installés et ça devient des références mondiales, il y a 15 20 ans on allait souvent en Belgique ou en Allemagne voir des gros festivals quon avait pas en France ! Donc maintenant voilà ça sest bien installé, donc tout le monde en profite et cest bien.
 
Vous parlez surtout des festivals, mais au niveau des petites salles, vous pensez quils y a moins de concerts ?
Seb : Nous on continue à faire beaucoup de concerts partout.
Duff : Je ne sais pas, il y plus de groupes donc forcément beaucoup plus de concerts quelque part. La scène métal, la scène extrême sest élargie et il y a de lactivisme selon les pays aussi. On voit à létranger, la belgique ou la hollande qui font souvent passer des groupes, après ça doit être spécial. On est pas très fiers de notre pays niveau concerts, on préfère aller voir ailleurs ce quil y a, même si avec le Hellfest les choses changent petit à petit, le public étranger y vient aussi, et ça cest plutôt positif.
Seb : Ce qui peut donner ce sentiment là cest quil y a des périodes, on ne sait pas pourquoi tout dun coup ça pullule de trucs comme dans le début des années 90, où on a eu une grosse vague de groupes qui sortaient de tous les côtés, cest un peu une période de luxe dun coup. Après le métal cest un mouvement qui perdure, qui dure depuis assez longtemps, qui est assez vivant pour quon se dise que ça évolue toujours, même si il y a des périodes de creux. Mais aujourdhui, je trouve quon est bien !
 
Propos recueillis par Colin Fay pour vacarm.net
Merci à tous les membres de Sublime Cadaveric Decomposition pour leur temps, et pour ce superbe mot de la fin.