fbpx
Vacarm.net
Image default

Trent Reznor, Millenium et l’industrie du disque…

Dans une longue interview pour le blog américain Tunecore.com, l’énigmatique et prolifique Trent Reznor (Nine Inch Nails, How To Destroy Angels) s’est livré à une introspection de son univers musical, de son parcours dans le monde des musiques de film, qui l’a vu remporter plusieurs récompenses dont un oscar pour The Social Network, et de la rencontre avec David Fincher, son alter-ego visuel. Il évoque aussi bien d’autres sujets, notamment l’industrie musicale et sa vision éclairée des labels, de la distribution… Une vision plutôt originale et comme bien souvent chez Reznor, en phase avec son temps. Décryptage de cette interview fleuve.

Premier sujet évoqué : la relation étroite et devenue primordiale dans la carrière du songwriter, celle entretenue avec le réalisateur David Fincher. On y apprend que les deux se sont connus lors de la sortie du film Seven, Fincher ayant un mix du morceau « Closer » pour le générique, et qu’ils ont repris contact pour un clip (« Only ») avant que le cinéaste le recontacte pour The Social Network, ayant entendu et fortement apprécié le travail fait sur Ghosts. Pour la BO de ce film, Trent et son compère Atticus Ross ont vu le film terminé et devaient remplir les vides… avec du son : « On a vu 45 minutes du film, j’ai lu le script, parlé avec David (Fincher) du genre de textures et de sons qu’il recherchait. Il ne voulait pas d’un orchestre, par exemple. Et puis, nous avons écrit à l’aveugle pendant trois semaines. […] J’ai commencé à réfléchir aux émotions qui étaient impliquées, quels sentiments, quels scénarii. Je me suis dit, voilà un gars (Mark Zuckerberg) qui a une idée géniale et il faut qu’il poursuive cette idée, coûte que coûte, pour la mener à son terme. […] Et je me suis dit que je pouvais relater les aspects de cela. Pas les lignes de code, ni le contexte, mais plutôt les sentiments et les ramifications émotionnelles des décisions qu’il prend. »

 

On comprend ainsi mieux l’approche de Reznor vis-à-vis du film de Fincher, qui s’inscrit très bien dans son œuvre et sa carrière, à savoir privilégier les sentiments et le ressenti, la portée émotionnelle de la musique que l’on avait déjà perçu dans Ghosts et autres. Et cela a très bien fonctionné pour The Social Network. Tellement bien qu’il a été couvert de récompenses (Oscar, Grammy…) et que du coup il a remis le couvert avec Fincher pour The Girl With The Dragon Tatoo : « On a fait la même chose, mais avec un zéro à la fin. Tout a été dix fois plus en profondeur. Nous avions plus de temps, un film plus long. Nous avons commencé à travailler plus tôt. Nous avons écrit la musique avant qu’ils ne tournent les scènes. Nous n’avions même pas de script. J’ai lu le livre et le contenu me parlait. Je parlais avec David, qui était en Suède à ce moment-là, et je pouvais deviner que le paysage suédois était un personnage du film à part entière, avec l’isolement et le froid. » Et la recette a pris, une fois de plus.

Et le leader de Nine Inch Nails en vient tout naturellement à parler de l’industrie du disque, sujet qui le touche particulièrement depuis son clash avec Interscope Records, la mise en vente en ligne de The Slip avec un prix que choisit l’internaute… Trent Reznor a décidé de réagir plutôt que de subir la chute du disque : « Aujourd’hui les gens ne passent plus autant de temps avec un album. Avant, la musique était un investissement. Si je dépensais 8 ou 10 dollars pour un album, je l’écoutais même s’il était nul. Je l’écoutais jusqu’à l’aimer… je lisais chaque ligne du livret, les inscriptions sur le disque. Je vivais avec l’objet, il faisait partie de moi. Aujourd’hui le modèle de consommation est différent : les gens passent finalement moins de temps avec la musique. » Reznor explique que le départ d’Interscope était évident, le contrat ayant été négocié avant la chute de l’industrie du disque, les conditions financières et les retours n’étant plus du tout les mêmes après.

 

Il livre alors une longue réflexion sur la façon dont il a abordé les choses : « Je me suis dit OK, l’industrie du disque est morte, le modèle est mort. J’ai dû me regarder dans le miroir et me dire : Je viens de faire un album sur lequel j’ai travaillé un an. Je l’ai donné au label pour qu’il soit distribué. Il a été piraté et je bous de fureur sur des fans qui disent combien ils adorent l’album qu’ils viennent juste de voler. Alors je me suis dit : Attends une minute. Ils ne sont pas devant chez moi, en train de vendre des copies piratées au cul d’un van pour faire du fric. Ils sont en train de partager leur excitation pour des chansons que j’ai écrit, de la musique que j’ai fait. Et moi je suis furieux contre eux, pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas attendu le mois prochain pour aller chez le disquaire (s’ils en trouvent un), pour acheter un bout de plastique dont ils n’ont pas besoin pour au final le ripper sur leur ordinateur… OK, quelque chose ne tourne pas rond. » Constat heureux mais rare d’un artiste « multi-platinum »…

Pour conclure, Trent Reznor en a déduit que le business model idéal se situait entre les deux : pas du côté de Metallica et du tout payant (qu’il ne porte pas dans son cœur, apparemment), ni de celui du « paye ce que tu veux » (qu’il a déjà expérimenté et qu’il ne le satisfait pas non plus), mais plutôt une voie transversale : « Faire beaucoup d’argent avec un disque, cela n’arrivera plus. C’est une pilule dure à avaler, mais c’est un fait. La musique est devenue gratuite. Je ne pense pas qu’elle devrait l’être, mais elle l’est. » Trent Reznor s’est fait une raison et cherche des solutions pour mettre en place un nouveau business model plutôt que jeter l’opprobre sur les internautes. Un point de vue contradictoire de celui des Four Horsemen de Metallica par exemple, mais résolument plus tourné vers l’avenir. A méditer…

 

 

Vous pourriez aussi aimer...

1 commentaire

Valmens 29 février 2016 at 10 h 36 min

Merci pour cet article, je me permets juste une petite rectification en tant que fan de Nine Inch Nails, si je me souviens bien, le groupe n’a jamais laissé au public le choix du prix. Ghost I-IVavait été proposé sous différente version (une partie était gratuite, puis des versions allant du téléchargement de l’album au format numérique à une version méga collector en édition limités avec une gamme de prix allant de 5$ à 300$) et The Slip a été proposé entièrement gratuitement au format numérique, pour remercier les fans de l’avoir suivi sur l’aventure Ghost I-IV (l’album a également été distribué de façon classique). Trent Reznor avait également testé avec l’album The inevitable Rize of Niggy Tardust de Saul Williams qu’il produisait un modèle où l’internaute choisissait soit de payer 5$ soit de télécharger l’album gratuitement (mais ça a été un échec relatif).

Répondre

Laissez un commentaire

Le webzine qui fait du bruit
Vacarm.net est un site d'actualité musicale. Chaque jour retrouvez de nouvelles chroniques des dernières sorties d'album, des interviews de vos artistes rock / metal favoris et des live report des meilleurs concerts et festivals français.