Reports Hellfest : Vendredi 20 juin / Dimanche 22 juin
Alors que la journée du vendredi s’est montrée éreintante, la suite présente un programme encore plus chargé. La poussière s’élève dans les airs, la bière coule et les décibels fusent. Une messe de près de plus de dix heures pour laquelle le pratiquant convaincu ne marquera que de très rares pauses. Début des hostilités dès midi pour cette journée du samedi avec les représentants français de The Old Dead Tree.
The Old Dead Tree – Main Stage
Malgré l’horaire, le set de The Old Dead Tree était immanquable a tout festivalier souhaitant découvrir sur scène l’excellent niveau de leur dernier album The Water Fields. Et en trente minutes bien trop courtes, les représentants hexagonaux auront livré le meilleur d’eux-mêmes, malgré la fatigue inhérente à une fin de tournée marathon. « Start The Fire » ouvre le bal avec classe, enchaîné directement sur un « It Can’t Be » absolument sublime qui laissera entrevoir l’incroyable palette vocale dont est doté Manuel Munoz. Car si le guitariste-chanteur témoigne d’une véritable virtuosité sur disque, son chant passera tout aussi aisément en live. Le frontman ne dérape à aucun moment, même lorsqu’il s’agit d’aller attraper les notes hautes perchées. La prestation laissera par ailleurs constater que le passage de flambeau entre Foued et son successeur s’est opéré de la meilleure manière possible, Raphaël s’étant totalement approprié les parties de batterie sur la tournée que le groupe vient de terminer à l’étranger. Six titres pour trente minutes, un show forcément trop court mais qui permettra aux premiers rangs de grandir au fur et à mesure de son avancement. Visiblement touché par un accueil chaleureux, The Old Dead Tree n’oublie pas les nombreux remerciements, avant d’enclencher sur un final dantesque composé des excellents « We Cry As One » et « The Knock Out song ». La performance laisse bouche-bée, malgré deux ou trois larsens qui se seront faufilés au cours des dernières minutes.
Legion Of The Damned – Second Stage
Les énervés de Legion Of The Damned plongent le Hellfest dans un tout autre univers quelques minutes plus tard. Les protégés du bien nommé Massacre Records vont en effet proposer une véritable boucherie auditive pendant quarante minutes. Cheveux longs et headbanging sauvage de vigueur, le quatuor originaire du pays-bas balance à la gueule du public un thrash ultra-viscéral et sans concession. Ca pulse et ce balance dans tous les sens, les quatre bûcherons se montrent déchaînés et le public se retrouve indiscutablement dans ce premier véritable défouloir de la journée. Celui-ci a de plus répondu à l’appel, conquis par la livraison atomique qu’était Sons Of The Jackal, album duquel seront extraits quelques saignantes compositions. Pas de temps mort sur scène ni dans le pit, Legion Of The Damned laissera un bon souvenir bien que l’originalité ne soit définitivement pas au goût des musiciens. Leur musique s’avère de ce fait bien plus calibrée pour la scène que pour album, et c’est donc avec un large sourire que beaucoup sortent de ce tourbillon de violence.
Airbourne – Main Stage
Véritable révélation dans son Australie natale, c’est donc précédé d’un véritable buzz et du soutient de pointure du milieu (parmi lesquelles Motorhead) que Airbourne investit la scène principale du Hellfest. Un seul album au compteur (Runnin’ Wild, tout juste disponible en France) et pourtant le quatuor mené par un Joël O’Keeffe hallucinant se comporte déjà avec le plus grand des professionnalisme. Carré et accrocheur, le show agit comme un électrochoc. L’esprit AC/DC n’est jamais très loin, et au delà des fortes similitudes développées par les pérégrinations sonores des deux formations, c’est également scéniquement que ces dernières sont à rapprocher. O’Keeffe mène en effet le spectacle tambour battant, saute dans tous les sens, harangue la foule et communique au maximum, ce qui le l’empêche pourtant pas de retranscrire ses très nombreux solos virevoltants avec une technicité exacerbée. « Stand Up For Rock’n’Roll », « Too Much, Too Yound, Too Fast », « Girls In Black » (sur lequel Joël avouera trouver la gente féminine française très à son goût), les hymnes des stages s’enchainent sur un rythme effréné. Partiellement (et inévitablement) imbibé par l’alcool, le frontman attaque même à escalader les structures métalliques de la scène principale, se pose à plus de sept mètres du sol et plaquera un solo toujours aussi impeccable sous les yeux à la fois ébahis et terrifiés de l’assistance. Un numéro de voltige qui aura sans aucun doute donné des sueurs froides à l’organisation. De retour sur scène, le bonhomme ne se calme pas et ira dépêcher un porteur de drapeau australien afin de partager une bière. Visiblement aussi motivé que le groupe, le briscard partagera les backing vocals avec le bassiste avant de retrouver sa place au milieu de la foule. « Runnin’ Wild » ferme la marche, et Airbourne marque un nombre de points considérables auprès du public. Un groupe indiscutablement méritant de la réputation qui aura précédée son arrivée sur le territoire français.
Satyricon – Second Stage
Grosse attente pour les superstars du black rock’n’rollesque de Satyricon. Elevés au statut de légende, le binôme magique Frost / Satyr et leurs musiciens préparent un nouvel album pour la fin de l’année, mais n’en laisseront filtrer aucun extrait. En contrepartie, le groupe livrera une prestation immense, matérialisée par une succession de six compositions mémorables. L'entrée en matière sera uniquement consacrée à leur dernier opus Now, Diabolical (« The Pentagram Burns » suivi de l’enchaînement « Now, Diabolical » / « K.I.N.G. »), la coupure assurée par la promo du tout récent EP My Skin Is Cold et par l’interprétation de l’excellent titre éponyme, avant que Satyricon ne propose enfin un détour sur le glorieux passé du groupe. « Fuel For Hatred » et surtout « Mother North » déchaîneront les passions, l’introduction grandiloquente de ce dernier étant reprise par la foule à la plus grande joie des musiciens. Le line-up constitué autour des deux musiciens d’origine paraît de plus relativement solide, l’interprétation sans faille en témoignant. On restera néanmoins convaincus qu’il ne s’agit presque uniquement de mercenaires, Satyr disposant à ses côtés d’un guitariste français mais ne lui donnant pourtant à aucun moment la parole. Dommage. Pour le reste, ce court moment sera plus qu’appréciable et parviendra à faire oublier le climat aride régnant sur Clisson. Vivement la suite.
Porcupine Tree – Main Stage
Véritable OVNI sur l’affiche, Porcupine Tree semble pourtant rassembler les metalleux de tous poils, mais ne livrera cependant pas un set inoubliable. La prestation reste cependant appréciable, bien que le son de la basse de Colin Edwin soit d’avantage mis à contribution que d’ordinaire. Etrange choix également que celui de la set-list, qui ne livrera pas à un public féru de sons saturés ce qu’il pouvait être en mesure d’attendre. Alors que le dernier album Fear Of A Blank Planet témoigne en effet d’une orientation clairement plus metal, Steven Wilson et ses acolytes n’y piocheront qu’un unique extrait, oubliant par la même occasion le pourtant tubesque morceau éponyme. Le long et magnifique « Way Out Of Here » se dressera donc en unique représentant de cette dernière livraison, et demeurera pour l’occasion le plus beau morceau du concert. Porcupine Tree nous sert donc un voyage à travers sa très longue discographie, et se fend de la performance le plus calme et reposante du week-end. Une véritable envolée au dessus de l’atmosphère saturée de Clisson. En plein jour et sur une si petite plage horaire, la musique de Porcupine Tree perd forcément en impact et en ambiance, mais parvient cependant à émouvoir. Une bonne prestation bien que les concerts en tête d’affiche leurs conviennent infiniment mieux.
Shining – Discover Stage
Assister à une performance des timbrés de Shining est toujours l’assurance d’un spectacle haut en couleur. Et une fois de plus, le troupe menée par Kvarforth va être fidèle à sa lugubre réputation. « Le Black Metal est une blague », nous annonce pourtant le frontman qui débarque sur scène les bras saignants et dissimulés sous des couches de bandages. Shining nous sert un show malsain et dérangeant, en parfaite harmonie avec l’image apocalyptique et destructrice que le groupe traîne derrière lui depuis ses débuts. Niklas (guitare), partiellement imbibé, se fera à ce titre l’émissaire de la formation, volant la vedette à Kvarforth en explosant sa bouteille sur les retours avant d’attaquer son avant-bras avec un tesson. On a bien conscience d’assister à une mise en scène bien travaillée, et pourtant l’effet est complet. Car musicalement, Shining invoque les sonorités les plus tortueuses, sombres et glauques, et jette sur son auditoire un océan de crasse et de désespoir en piochant une poignée de compositions dans sa discographie sans privilégier le pourtant excellent V – Halmstad. « Lat Oss Ta Allt Fran Varandra », extrait de ce dernier et véritable point culminant de la prestation, reportera une majorité des suffrages. Interprétation sans fautes et spectacle plus que travaillé, Shining aura fait forte impression bien qu’une nouvelle fois le « format festival » ne convienne que moyennement à une formation de ce calibre.
Punish Yourself – Discover Stage
Moins terrifiants, les déjantés Punish Yourself transformeront la Discover Stage en discothèque de l’apocalypse une heure plus tard. Eclairages flashy et peintures fluos, buste transparent hissé au dessus de la scène, le dancefloor gothique va trembler sous les secousses sismiques industrielles et synthétiques de ces étranges punks radioactifs. Transe assourdissante et gros riffs dopés aux amphétamines, Punish Yourself impose un style qui lui est propre. Un show étrangement coloré comparé aux autres formations du Hellfest, mais néanmoins pas plus joyeux tant le trio ne montre aucun mal à entraîner son public dans un tourbillon chaotique, futuriste et grinçant. Très cinématographique et proche des ambiances post-apocalyptiques de réalisations comme New-York 1997 / Los Angeles 2013 ou Doomsday, Punish Yourself nous balance du hit à la chaîne (« Suck My TV », absolument énorme, le fédérateur « Gimme Cocaïne »). Entre les éclairages aveuglants, une danseuse viendra poncer une plaque de fer disposée sur le torse, histoire de proposer un spectacle aussi décalée que la prestation en elle-même. Un concert qui finira d’ailleurs sur une conclusion à la hauteur de la décadence des quarante précédentes minutes, puisque VX69 slame maladroitement et se voit évacué de la scène. Bilan : cinq côtes cassées. Punish Yourself a mis le paquet pour satisfaire les festivaliers.
Ministry – Second Stage
Pas loin de la crise d’épilepsie et les oreilles encore saignantes, les spectateurs vident le chapiteau et se rendent pour la plupart à la Second Stage ou l’arrivée de Ministry se fait imminente. Dernière tournée, et pour beaucoup dernière (voire unique) chance d’apprécier un groupe culte sur les planches, le rendez-vous est de ce fait immanquable. Et pour l’occasion, Al Jourgensen et ses sbires ont sorti le grand jeu et érigés un décor en forme de prison. Un grillage coupe donc le groupe du public, séparation qui combinée à des effets de lumières aveuglants ainsi qu’à un déluge de fumée rend les musiciens difficilement visibles de loin. Mais qu’importe, tant les morceaux suffisent à infiltrer l’esprit de chacun. Et accessoirement, une utilisation optimisée de l’écran géant en guise de véritable campagne anti-Bush. Entre images guerrières afin de dénoncer la politique agressive du président et discours remaniés dans le but de le ridiculiser, le personnage en prend pour son grade. Malgré une cinquantaine approchant pour le leader de troupe, la furie fait une nouvelle fois rage. The Last Sucker, dernier témoignage discographique du groupe, est très largement mis à contribution et admirablement balancé à la gueule du public (notamment les monstrueux « Let’s Go », qui fera office de judicieux morceau d’ouverture, et « Watch Yourself »). Dommage que la set-list ne se voit pas mieux équilibrée, tant les compositions plus anciennes se montrent rares, mais Ministry aura sans doute préféré construire un set cohérent autour de sa récente trilogie anti-Bush. Le groupe se fendra néanmoins d’un « Just One Fix » ravageur avant de quitter la scène du Hellfest. Une heure de show absolument explosive pour une formation d’anthologie. Le vide sera difficile à combler.
Cavalera Conspiracy – Main Stage
Probablement exténué, le public se rend pourtant en nombre afin de (re ?)découvrir sur scène la réunion tant espérée des frangins Cavalera. Second gros événement de la journée, c’est donc un Sepultura camouflé sous l’appellation Cavalera Conspiracy qu’il nous sera proposé. Car si le supergroupe, cependant et malheureusement privé de Joe Duplantier, attaque d’entrée de jeu avec trois compositions extraites du récent album Inflikted (le titre éponyme, retranscrit de façon bien molle et poussive, le single « Sanctuary » ainsi que « Terrorize »), c’est définitivement en s’engageant dans la voix du passé que la quatuor va déchaîner les passions. Et le groupe ne tardera pas, lançant un « Territory » aux refrains repris en chœur des premiers aux derniers rangs. Le concept est simple et Max le proposera presque d’entrée de jeu : ce soir, Sepultura Conspiracy naviguera à part égale entre passé et présent. Une annonce reçue avec bonheur, car ré-entendre les frangins ensembles sur de vieux hits de la trempe de « Roots Bloody Roots », « Troops Of Doom » ou encore le monstrueux « Refuse Resist » avait bien de quoi occulter une technique qui aura subie le poids des années. Car la voix de Max a changée, tout comme la frappe d’Iggor qui ne s’avère plus aussi précise, bien que le spectacle reste néanmoins complet à ce niveau. De son côté, Marc Rizzo nous sort le grand jeu et vient témoigner de tout son talent de guitariste soliste, ce dernier prenant un malin plaisir à reproduire du solo chevaleresque dans tous les nouveaux morceaux (« Hex », « Doom Of All Fire »). Le groupe semble heureux d’être là et le communique, Max Cavalera ne s’absentant plus de scène dès qu’il en a l’occasion comme sur la dernière tournée de Soulfly. Moins démonstratif et logiquement plus discret, le bassiste intérimaire Jonny Chow s’acquitte tout de même des parties de basse sans faux pas. Une fine pluie commence à tomber sur Clisson et accompagnera les derniers soubresauts du quatuor, réclamé pour un « Roots Bloody Roots » qui arrache les dernières parcelles d’énergie à ses auditeurs. Un ultime moment de rafraîchissement avant la dure et aride journée du lendemain.
Crédits photos :
The Old Dead Tree, Airbourne & Porcupine Tree – Oricom
Legion Of The Damned & Satyricon – Breizhjoker
Merci aux gens croisés sur le Hellfest. A Phil de Innovative Promotion, Guillaume de Season Of Mist, Roger du Hellfest, Guillaume Gwardeath.