Première surprise en arrivant doucement sur le site de la cinquième édition de ce Cabaret Vert par une petite côte ornée d’une muraille moyenâgeuse : le site est en plein cœur de la ville, et à l’image d’autres festivals, la population locale a totalement adopté cet évènement et participe activement à l’organisation de celui-ci. Il faut dire que globalement ici, les festivaliers savent se tenir, et on est loin de l’aspect dépotoir de certains autres rassemblements. Ici, dans l’esprit, c’est un peu la fête de l’huma, mais en version organisée et sans matraquage politique ni morale écolo débordante. Simplement la présence discrète d’associations et un riche choix de nourriture variée, souvent bio, ainsi qu’un tri des ordures dans l’enceinte même du festival et le respect de certaines règles éco-responsables. Le site en lui-même est composé de deux grandes scènes et d’un village alternatif, composé de stands mais aussi d’un cinéma ou d’un espace BD pour meubler intelligemment les moments de creux musicaux du week-end.
De la trentaine de groupes que nous pourrons suivre tout au long du week-end, Raggasonic ouvre le bal. N’ayant pas tourné ensemble depuis douze ans, c’est donc avec un certain plaisir un peu nostalgique d’une époque dorée pour le Ragga français qu’on réécoute les « J’entends parler » et « Faut pas me prendre pour un âne » qu’évidemment tout le monde connaît et reprend en chœur. La proximité avec la Belgique jouant beaucoup dans la grande présence de ses ressortissants, autant dans les artistes que dans le public, nous retrouvons donc The Black Box Revelation, Deus ou encore The Subs. Si les premiers pratiquent un Blues Garage à la White Stripes plutôt séduisant, leurs ainés de Deus ont eux, visiblement souffert du poids des années malgré leur jeune âge. Certes ils sont adoubés par le public lorsqu’ils jouent les hits issus de l’album « Pocket Revolution », mais l’ensemble manque d’âme et d’énergie, à l’image de « The Architect » pourtant excellent en version album, mais qui laissera terriblement indifférent en live. S’il n’y aura pas de surprise du côté de Jello Biafra et de sa Guantanamo School Of Medicine qui distille un Punk-Hardcore alter-mondialiste très conforme à ce que l’on attend de l’ex-chanteur des Dead Kennedys, en revanche la surprise sera plus forte pour les non-initiés à The Jim Jones Revue. Le combo anglais pratique le Rock’n Roll, le vrai, celui des 50’s, avec des accents Punk et une incroyable énergie live qui aura fait danser un bon paquet de festivaliers. Eh oui, avant de faire bouger les têtes, le Rock faisait bouger les bassins et The Jim Jones Revue en a apporté la preuve avec ce Rock flamboyant très festif.
LA sensation de ce week-end ardennais c’est bien sûr Massive Attack, et le combo de Bristol va ravir ses nombreux fans vers les 23h, délivrant un show excellent à de nombreux points de vue : visuels et jeux de lumières splendides avec un tableau différent par titre, une sombre version du magnifique « Teardrop » belle à pleurer, une ribambelle de morceaux des géniaux albums Blue Lines, Mezzanine et Protection, un final en apothéose au son de l’affolant synthé d’ « Atlas Air » qui résonne encore dans les oreilles d’un public éberlué par la prestation des anglais accompagnés d’Horace Andy et sa voix si particulière. C’était le grand moment prévu du festival et la magie a opéré de manière grandiose.
La journée du samedi débutera par les tradiotinnels régionaux de l’étape : Starlion et son hip-hop intelligent et bien orchestré, CBY et leur hardcore parfait pour s’échauffer les oreilles avant Madball. Sur la grande scène, l’évènement de la journée, c’est bien sûr nos frenchies de Gojira qui se produisent en fin de journée. Avec un public encore peu habitué aux prestations sur la scène principale d’un groupe de métal somme toute violent, et peu servis par un son mal réglé où voix et guitares ne ressortiront que peu, Gojira possède un set rodé, celui qu’il a pu faire tourner dans les premières parties de Metallica aux USA où lors des Vieilles Charrues, et le combo Landais a vraiment pris aujourd’hui une autre dimension, tout en gardant une humilité rare, malgré la technique affolante de Mario Duplantier à la batterie et la furieuse énergie de tous les autres. Pas de surprise pour les suiveurs du groupe, mais pas de déception non plus. La suite de la soirée est très variée, du Hardcore hyper-efficace, lourd, carré et tellement rentre-dedans de Madball, au Ska-Punk plus qu’engagé de Ska-P, qui déteste notre président, mais aussi les prêtres pédophiles, la corrida , l’interdiction de consommer des drogues douces…en gros qui déteste à peu près tout sauf son public qu’il régale avec ce son festif, agrémenté de mises en scène propres à chaque titre et dont les organisateurs auront toutes les peines à les faire descendre de scène une fois le show terminé, ne voulant pas quitter ce public français avec qui ils ont une relation si privilégiée. La soirée s’achèvera avec les Bloody Beetroots et leur Death Crew 77 qui ne passionnera que la partie la plus jeune du public, malgré quelques passages intéressants mais une musique taillée pour les clubs et pas forcément pour des grandes scènes de festivals. Le week-end lui, se terminera le lendemain soir avec Oliva Ruiz, dont le show sera entaché par la pluie qui avait plus ou moins épargné les Ardennes ce week-end, mais qui n’a pas loupé la fin du set de la palpitante Olivia, qui finira devant un public très restreint d’afficionados.
Le Cabaret Vert est donc une réussite totale : une affluence en hausse, une programmation d’excellente qualité, un timing quasi-parfait, une très belle grand scène permettant à des artistes de premier plan de s’exprimer, et un village associatif ainsi que des ambitions écolos qui séduisent le plus grand nombre, grâce à ce côté discret et non revendicatif. Le village associatif, le cinéma alternatif, le coin BD et les stands de nourriture artisanale sont aussi autant d’atouts qui font que ce festival est une réussite organisationnelle et originale. Cette sixième édition dépasse les limites du simple festival Rock et réconcilie beaucoup d’entre nous avec la culture bio, et la culture tout court. A l’année prochaine, donc !